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rannie de M. le Maréchal de Castries, qui le priva de sa place, Sans doute nombre de ees destitutions furent injustes et arbitraires; mais il est absurde qu'un Médecin ou un Commis, prétende au privilége de l'inamovibilité dans des places qui étoient à la révocation libre du Ministre. Le cas qui a occupé ce soir l'Assemblée, étoit d'un autre genre, c'est la destitution de M. de Moreton Chabrillant, à qui M. de Brienne ôta le Régiment de la Fère, dont il étoit Colonel. M. de Menou a, non pas rapporté, au nom du Comité Militaire, mais plaidé la cause de M. de Moreton, en concluant à ce que l'Assemblée lui restituât ses fonctions. C'étoit attribuer au Corps Législatif le droit de nommer aux Régimens. Aussi divers Membres, et spécialement M. l'Abbé Maury, ont combattu ceite demande avec des armes victorieuses. Le jour, a dit ce dernier où l'Assemblée nommera un Colonel j'invite tous les bons Citoyens à quitter le Royaume; car nous serons alors sous le Despotisme le plus intolérable. » La discussion est devenue très-chaude, et les avis ne se sont rapprochés que pour rejeter la Motion de M. de Menou, et adopter celle qui suit:

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Le Président se retirera devers le Roi, pour le supplier de faire prononcer, par un Conseil de guerre, composé suivant les Ordonnances, sur la réclamation du sieur Moreton contre sa destitution du 24 Juin 1788.

DU VENDREDI 6 AOUT.

Pour laver du reproche d'exagération, ceux qui peignent la France comme livrée

depuis un an, à une anarchie universelle', il suffit de lire les Séances de l'Assemblée Nationale. Il en est bien peu qui ne renferment la nouvelle ou le rapport de quelque insurrection, de quelque désordre, de quelque excès. Celle d'aujourd'hui fournit encore des pages à ce recueil. A l'ouverture, on a fait lecture d'une Lettre du Ministre de la Marine, dont voici l'extrait:

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Paris, ce 5 Août 1790.

J'ai informé l'Assemblée Nationale, le 25 Juillet, de l'esprit d'insubordination et d'indiscipline des Troupes de toutes les Colonies, et du parti que prennent les Chefs de renvoyer en France les Sujets suspects. J'ai rendu compte au Roi, et je suis chargé d'instruire l'Assemblée des insurrections qui ont lieu dans la Marine, même dans des Mers éloignées. Des considerations importantes avoient engagé le Roi à ne pas faire armer encore les Escadres pour les stations du Levant et de l'Occident. MM. Cuy et Pouterès m'ont écrit qu'ils étoient forcés par les équipages de quitter, l'un la station du Levant, l'autre celle des Isles sous le Vent, pour revenir en France. Le retour des deux stations est d'autant plus fâcheux, que 35 vaisseaux de guerre Espagnols, et 50 vaisseaux Anglois se trouvent actuellement en commission. Cette circonstance, l'intérêt de nos possessions dans le golfe du Mexique, la conservation de nos bâtimens et leur dé fense contre les Corsaires, nécessitent le remplacement des stations. Il est même à propos que la force qui sera déployée soit telle, que notre foiblesse n'engage pas les autres Puissances à insulter notre Pavillon.

Le Comité de la Marine annonce que son travail est presque terminé. Qu'il me soit permis d'engager l'Assemblée à s'en occuper incessamment. Le seul frein des Lois peut contenir des hommes rassemblés en grand nombre dans un petit espace. Substituez, sans délai, un régime nouveau, fût-il imparfait, à celui qui s'anéantit. "

Les Députés de Saint-Domingue ayant, comme on le sait, dénoncé M. de la Luzerne, ils lui refusent aujourd'hui la communication entière des Pieces qu'ils ont remises au Comité des Rapports. Cetie prétention a paru injuste, et sur le Rapport de M. de Broglie, l'Assemblée a ordonné la communication entière, et autorisé le Ministre dénoncé à prendre des copies en forme.

M. Barrère de Vieuzac, à la suite d'une dissertation sur le droit d'Aubaine, a proposé la suppression de ce droit : elle a été décrétée en deux articles.

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1°. Le droit d'Aubaine et celui de Détraction sont abolis pour toujours. 2° Toutes procédures, poursuites et recherches qui auroient ces droits pour objets, sont éteintes." Sur une autre proposition du même Rapporteur, touchant la conservation des forêts; on a décrété que,

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1. Les grandes masses des bois et forêts Nationales sont et demeurent exceptées de la vente et alienation des Biens Nationaux, ordonnée par les Décrets des 14 Mai et 26 Juin derniers. »

2°. Toutes les parties de Bois Nationaux éparses, absolument isolées et éloignées de mille toises des autres bois d'une grande étendue, et qui ne seront pas nécessaires pour garantir les bords des fleuves, torrens

et rivières, pourront être vendues et aliénées, pourvu qu'elles n'excedent point la contenance de cent arpens, mesure d'ordonnance, sauf à prendre l'avis des Assemblées de Département pour la vente des parties de bois dont la contenance excéderoit celle de cent arpens.

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3. L'Assemblée Nationale charge les cinq Comités réunis de lui présenter incessamment le plan d'un nouveau régime et administration des bois, et de réforme de la Législation des forêts, dont elle reconnoît l'urgente et indispensable nécessité. »

M. de la Rochefoucault a lu ensuite, au nom du Comité de Liquidation, un Projet de Décret sur la vente à la Municipalité de Paris, des Biens Nationaux. Divers Membres se sont plaints qu'on n'eût pas joint au Projet un état estimatif: M. Malouet a demandé qu'on renvoyât à six Commissaires nommés par le Pouvoir executif, les détails de cette vente. Quoique cette Motion ait été appuyée, l'Assemblee a simplement déclaré vendre à la Commune de Paris les Biens ci-dessus mentionnés, aux charges, clauses et conditions portées par le Décret du 14 Mai dernier, et pour le prix de 1,849,303 liv. 17 sols. "

Au commencement de la Séance, le Ministre de la Guerre avoit demandé ľ’And'ence: il est venu en personne au moment où les Décrets précédens venoient d'être rendus, et il a fait lecture d'un Mémoire plus affligeant qu'extraordinaire, portant en subs

tance :

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Je m'occupois, suivant les ordres de l'Assemblée, de présenter de nouveaux projets d'organisation Militaire, sur les bases que l'Assemblée a décrétées; mais Sa Majesté

convaincue que le retour de l'ordre et de la discipline doit précéder tous les changemens dans l'organisation de l'armée, m'a chargé de venir vous rendre compte de l'exces effrayant d'insubordination, où je ne sais quel génie ennemi de cet empire entretient les Soldats. Chaque courrier, en confirmant les nouvelles les plus tristes, en aanonce de plus tristes encore. La succession des jours n'apporte au meilleur des Rois que des nouvelles qui déchirent son cœur. J'ai déjà eu occasion de vous parler de ces Comités d'Officiers et de Soldats, où se discutent tous les objets de discipline et de finance."

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Chaque jour voit multiplier ces étranges Sénats. Là, s'est résolue la détention du Lieutenant-Colonel du Régiment de Poitou, là, le Régiment de Royal-Champagne a pris la coupable résolution de refuser de reconnoître un Officier que le Roi venoit de nommer. C'est de-là que partent ces pétitions scandaleuses qui nous sont sans cesse présentées. Mon cabinet est souvent rempli de Soldats qui viennent m'intimer les delibérations prises dans leur Comité; aujour d'hui ce n'est plus un Corps particulier, ce sont sept Régimens à Strasbourg qui se réunissent ainsi en Comité, et y prennent les delibérations les plus inquiétantes. Représentans des François, ha ez vous d'opposer la masse de leurs volontés à ce torrent débordé, qui bientôt ne pourra plus recevoir de digue. La nature des choses exige que le Soldat privé de toute volonté ne connoisse que celle de ses Chefs. Il faut que, semblables aux corps physiques, ils n'agissent que dans le temps, dans le sens et selon la

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