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/près eux, M. de Noailles, avoient adopté le systême d'incorporation, soit le doublement et le tiercement des régimens. M. de Sinetti,etapres lui, M. du Châtelet, ont combattu ce Projet. Le dernier de ces deux Opinans a développé avec sagacité toutes les raisons qui militoient contre cette nouveauté, l'expérience, l'utilité de ne pas rendre trop considérables des Corps qu'on est souvent appelé à envoyer dans les Colonies, et qu'il faudroit morceler, le danger effrayant de semer le trouble dans l'Armée, et enfin les circonstances qui rendroient aujourd'hui cette discorde, extrêmement funeste. M. de Broglie a répliqué sans succès à M. du Châtelet, dont la longue expérience l'a emporté sur la jeunesse de son Contradicteur. Il a été décrété que les incorporations n'auroient pas lieu.

La Séance a été terminée par la lecture d'un envoi de M. de Montmorin, dont nous avons rapporté l'objet la semaine dernière : il renfermoit une Lettre de M. l'Ambassadeur d'Espagne à ce Ministre, en date du 7 Juin, une Lettre de M. Firtz-Herbert à M. le Comte de Florida-Blanca, concernant les demandes de la Cour de Londres, et la Réponse du Cabinet de Madrid. Ces diffe rentes Pieces ont été renvoyées au Comité Diplomatique: elles perdent leur intérêt depuis l'accommodement des deux Cours de Madrid et de Saint-James; mais il importe de recueillir le dernier paragraphe de la lettre de M. l'Ambassadeur d'Espagne à M. de Montmorin.

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Elle me charge d'ajouter encore que, dit M. le Comte de Fernand-Nugnez, l'état actuel de cette affaire imprévue exige une détermination

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détermination très-prompte, et que les mesures que la Cour de France prendra pour venir à son secours, soient si actives claires, et si positives, qu'elles évitent jusqu'au moindre sujet de méfiance; autrement, Sa Majesté Très-Chrétienne ne devra pas être surprise que l'Espagne cherche d'autres amis et d'autres aliiés parmi toutes les Puissances de l'Europe, sans en excepter aucune de celles avec qui elle puisse compter toujours en cas de besoin. Le lien du sang et l'amitié personnelle qui unit nos deux Souverains, et sur-tout les intérêts réciproques qui existent entre les deux Nations unies par la nature, seront toujours ménagés dans tout arrangement nouveau autant que les circonstances pourront le permettre.

DU LUNDI. SÉANCE DU SOIR.

Elle étoit réservée à M. Dubois de Crancé, qui, Dimanche, la demanda par extraordinare, et pour dénoncer des Ecrits coupables. On avoit imbu le Public que l'atmosphère étincelleroit d'éclairs et de foudres: il n'a été que brûlant; s'il se refroidit quelquefois, ce n'est pas lorsque l'Esprit de parti se trouve exalté par l'objet même de la délibération.

Plusieurs incidens ont préparé les dispositions générales, avant que M. de Crance eût abordé la Tribune. Et d'abord on a fait lecture d'une Lettre écrite à l'Assemblée par M. de Moustier, Ministre de France auprès des Etats-Unis. Il dénonce la Compagnie du Scioto, comme excitant des émigrations en Amérique, par des promesses trompeuses qui compromettent la fortune des Citoyens et la population du Royaume.

No. 33. 14 Août 1790.

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Il étoit assez nouveau de voir un Agent du Roi auprès d'une Puissance Etrangere, écrire pour affaires de sa place, non au Roi, de qui il tient sa commission, mais au Corps Législatif. On n'a donné arcune attention à cette nouveauté : M. l'Abbé Gouttes en a proposé une bien autrement extraordinaire: il a demandé une violation formeile de la faculté Loco-motivo, garar tie par la Déclaration des Droits de l'Homme, et une Loi Constitutionnelle qui defendit aux François d'emigrer.

Le Comité des Recherches étant aujourd'hui le grand Pouvoir de l'Etat, d'ardens Investigateurs ont requis qu'on lui renvoyât la dénonciation.

"Les nouveaux habitans du Scicto ne sont que des Aristocrates, crioient les uns. —Eh bien! mandez-les à la Barre, répliquoient les autres: " Occupez-vous du bonheur et

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de la sureté de chaque Citoyen, a d't « plus sérieusement M. de Murinais, renoncez à toutes les innovations inutiles, qui font le malheur de plusieurs cent mille individus, et qui souvent répétées, jet«teront enfin la Nation entiere dans le deuil. Réprimez fortement le brigandage qui désole le Royaume, et personne n'aura "envie de le quitter.

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M. de Biauzat a raisonné aussi contre Pemigration; enfin M. l'Abbé Grégoire a denoncé des Transfuges de la Lorraine et du Pays Messin, qui vont, dit-il, se faire tuer à la tête des Armées Autrichiennes. Malheureux, s'est-il ecrié, vous avez la bassesse de quitter la France et la Liberté, pour devenir les vils suppôts du despoTime!

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Ce compliment de M. Grégoire à la Monarchie Autrichienne, n'ebranioit pas ies Auditeurs.

M. Alexandre de Lameth les a consolés de ces pertes nécessair s au succès de la Révolution, et a conduit l'Assemblée à l'ordre du jour.

Malheureusement, le premier objet de P'ordre du jour n'étoit pas plus consolant. Une Lettre de Ministre de la Marine annonce les détails d'une nouvelle insurrection qui a éclaté le 3 Juin au Fort Saint-Pierre de la Martinique, contre les gens de couleur libres, dont 7 ont été pendos par le Peuple, et les autres maltraités.

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Les excès auroient été au comble, s'ils n'eussent été réprimés par l'activité de M. de Damas, Gouverneur de l'Isle, et par la bonne contenance des Troupes.

Pressé par ses Co-Députés, et par des nouvelles les affligeantes arrivées de Nemours, M. de Noailles a demandé l'agrément de l'Assemblée pour aller dans cette Ville, où il espère devenir le pacificateur du Départe

ment.

A la suite de ces préliminaires, on a présenté l'hommage que faisoit M. Marat d'un Plan de Législation Criminelle. On a regardé cet Ecrit comme le contre-poison des crimes auxquels l'Auteur exhortoit le Peuple dans ses autres ouvrages.

Son Collegue, M. Camille Desmoulins, a ensuite paru sur la scène. On a fait lecture d'une Adresse de sa façon contre le Décret rendu Samedi soir, sur la dénonciation de M. Malouet.

Je demande, dit le Pétitionnaire, d'être traité comme tous les autres Citoyens; que

La dénonciation soit renvoyée à l'examen du Comité des Rapports; qu'il lise le Numéro dénoncé, que je dépose sur le Bureau; et que je ne sois pas livré à la malignité d'un seul homme, avec lequel je suis en Procès criminel. Si l'Assemblée ne jugeoit pas à propos de suspendre l'exécution de son Décret, je demanderois de prendre à partie mon Dénonciateur inviolable, qui ne peut être mon Juge. Le Décret me renvoie au Châtelet il est impossible que l'Assemblée me traduise devant un Tribunal que je lui dénonce depuis six mois comme criminel de lèze-Nation; il est impossible qu'elle me traduise devant un Tribunal contre lequel je plaide une récusation, sans juger la réEusation, c'est-à-dire, sans exercer le Pou voir Judiciaire qu'elle s'est interdit. "

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L'extrémité de la gauche de la Salle a prodigué ses applaudissemens à la dialectique et à l'éloquence de M. Desmoulins, dont l'humanité, le respect pour les Lois, et le patriotisme, avoient déja trouvé, ainsi que M. Marat, de zélés défenseurs hors de la Salle.

M. Malouet a pris la parole. « Je ne crains, a-t-il dit, ni certaines menaces, ni certains applaudissemens. Au moment où j'entrois dans l'Assemblée Samedi soir, à l'entrée inême de ce Sanctuaire des Lois, on m'a présenté l'Ecrit intitulé C'en est fait de nous; je vous l'ai apporté, je vous l'ai lu, et vous en avez tous frémi d'horreur. Depuis le Décret que vous avez prononcé, seroit-il devenu douteux que c'est un crime et un des plus grands d'inviter le Peuple à l'insurrection, à l'effusion du sang, au renversement de tous les Pouvoirs établis? Dans quelle so

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