avait fait connaître que le désir du Gouvernement était de collaborer étroitement avec elle à la rédaction d'un texte commun. Dans ces conditions, l'entente devenait facile. Elle fut réalisée dans la séance du 4 mars dernier, au cours de laquelle fut adopté le projet de loi ci-dessous, que nous avons l'honneur de vous présenter au nom de la Commission. Toutefois nous devons faire remarquer, qu'au moment du vote, les membres de la minorité et plusieurs membres de la majorité réservèrent expressément leur droit de soutenir devant la Chambre par le moyen d'amendements ou de contre-projets, leur opinion personnelle sur la question. VI DISCUSSION DES ARTICLES TITRE PREMIER Principes ARTICLE PREMIER La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. Au moment où il pénètre dans le domaine sacré de la conscience, où il pose et résout un problème aussi complexe que celui de l'organisation des cultes et se prépare à régler les manifestations collectives de sentiments aussi intimes que les croyances religieuses, le législateur a pour premier devoir d'indiquer les principes qui l'ont inspiré et qu'il a voulu appliquer. Le régime nouveau des cultes, qui vous est proposé, touche à des intérêts si délicats et si divers, il opère de si grands changements dans des coutumes séculaires, qu'il est sage, avant tout, de rassurer la susceptibilité éveillée des « fidèles », en proclamant solennellement que, non seulement la République ne saurait opprimer les consciences ou gêner dans ses formes multiples l'expression extérieure des sentiments religieux, mais encore qu'elle entend respec ter et faire respecter la liberté de conscience et la liberté des cultes. Ainsi la Révolution et la première République procédaient noblement, sur le seuil de chaque grave réforme, par l'affirmation de principes géné raux. Mais il n'y a pas seulement ici un retour à une tradition républicaine. Si minutieusement rédigée que soit une loi aussi considérable, dont tous les effets doivent être prévus par des dispositions de droit civil, de droit pénal et de droit administratif, elle contient inévitablement des lacunes et soulève des difficultés nombreuses d'interprétation. Le juge saura, grâce à l'article placé en vedette de la réforme, dans quel esprit tous les autres ont été conçus et adoptés. Toutes les fois que l'intérêt de l'ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou de doute sur leur exacte application, c'est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. Le libre exercice des cultes tel qu'il est prévu et garanti par le projet réalise un progrès notable dans la voie du libéralisme. L'article 1er du Concordat porte que « la religion. catholique apostolique et romaine sera librement exercée en France » et que « son culte sera public en se conformant aux règlements de police que le Gouvernement jugera nécessaire pour la tranquilité publique ». La liberté ainsi octroyée au culte catholique, étendue à certains cultes protestants et au culte israélite, comportait des restrictions considérables que le projet de loi supprime en proclamant la liberté d'association religieuse (titre IV, art. 16 et suiv.), la liberté de réunion (titre V, art. 23 et suiv.) et la liberté des lieux de culte (titre VI, art. 37, portant abrogation des décrets des 22 décembre 1812, 19 mars 1859 et de l'art. 294 du Code pénal). Il n'y aura plus d'autres limites au libre exercice des cultes que celles qui sont expressément édictées dans l'intérêt de l'ordre public par le projet de loi lui-même. La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3. Cet article, dont tout le projet de loi dépend et découle, réalise la séparation absolue des Eglises et de l'Etat. Et encore cette formule est-elle insuffisante, car l'Etat, au sens strict du mot, n'est pas seul en cause. Il s'agit bien de la séparation des Eglises et de la République elle-même ainsi que le dit le texte rédigé par votre Commission. Le principe établi est poussé jusqu'à ses extrêmes conséquences; il s'applique à tous les services publics de l'Etat, des départements ou des communes. Ce n'est pas le lieu ici de discuter la théorie de l'acte de séparation lui-même et de le légitimer. L'article 2 l'accomplit radicalement et pose un double principe: Désormais aucun culte ne sera plus reconnu, c'est la neutralité et la laïcité absolue de l'Etat, et, conséquence immédiate et nécessaire, aucun culte ne sera plus officiellement salarié. |