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question de mesure. Le projet de la Commission ne pensionnait que les ministres des cultes qui réalisaient certaines conditions d'âge et de durée des services concordataires. Celui du Gouvernement, beaucoup moins exigeant, tant pour l'âge que pour la durée des services, allait jusqu'à accorder, pendant une période de quatre années, à tous les curés et desservants concordataires sans exception, une subvention de quatre cents francs.

D'après une application de ce système de pensions, faite par les soins de la Direction des Cultes, il devait entraîner pour l'Etat une dépense annuelle de 22.444.500 francs, qui irait, naturellement, en dé-croissant chaque année.

Quant au régime des associations actuelles, la différer ce la plus importante entre les deux textes était relative aux unions. Alors que la Commission les avait autorisées, même nationales, le projet du Gouvernement, par son article 8, les enfermait dans les limite du département. C'était imposer aux Eglises une formation arbitraire qui, en les contraignant à modifier leur organisation intérieure, pouvait entraîner pour elles les difficultés les plus graves. Les Eglises protestantes dont les fidèles, peu nombreux relativement sont disséminés sur tous les points de la France, n'auraient pas pu s'accommoder de ce régime. Il en eût été de même pour la religion israélite.

Enfin, au chapitre de la police des cultes, pour ne noter que l'innovation la plus grave apportée par le projet Combes, nous signalerons l'article 17 dont les termes imprécis et vagues étaient de nature à inquiéter les consciences par l'interprétation arbitraire auquel ils pouvaient donner lieu.

Le premier examen du projet du Gouvernement provoqua, au sein de la Commission, les résistances les plus vives. Finalement les membres de la majorité

consentirent à délibérer sur les articles, mais après de fortes réserves, et seulement parce que les circonstances commandaient d'éviter un conflit qui, en ajournant à plusieurs mois la discussion devant la Chambre, eût irrémédiablement compromis, au moins dans cette législature, le succès de la réforme. Mais s'ils consentaient à adopter le projet soumis à leurs délibérations c'était à la condition expresse que des modifications importantes fussent consenties par le Gouvernement sur les points de divergences les plus graves.

Le rapporteur fut chargé de s'entremettre auprès du Président du Conseil à fin de transaction. Dès la première entrevue, il devint évident que M. Combes, animé du plus vif désir de conciliation, accepterait d'entrer dans les vues de la Commission pour le règlement de la plupart des difficultés qui lui étaient signalées. Il consentit successivement 1° à insérer en tête de son projet une déclaration de prineipes conforme à celle du texte de la Commission; 2° à affirmer le droit de propriété de l'Etat et des communes sur tous les biens mobiliers et immobiliers antérieurs au Concordat; 3° à remettre à l'Etat et aux communes la libre disposition de ces biens dès l'expiration de la période de dix ans obligatoire pour la location aux associations cultuelles ; 4° à n'imposer aux unions d'autres limites que celles des circonscriptions ecclésiastiques existantes ; 5° à supprimer les délits spéciaux créés par l'article 17.

Il ne restait plus à régler que la question des pensions et quelques points de détails relatifs à l'ingérence de l'Administration préfectorale dans les affaires ecclésiastiques pour aboutir à l'accord complet et définitif. Le rapporteur ne désespérait pas d'y réussir, et déjà il se proposait de tenter une dernière dé

marche dans ce but, quand le ministère Combes prit la résolution de quitter le pouvoir.

L'un des premiers actes de son successeur fut de saisir la Chambre d'un nouveau projet sur la séparation des Eglises et de l'Etat. Déposé le 9 février 1905, il fut renvoyé à l'étude de votre Commission. En voici le texte :

Projet du Gouvernement

TITRE PREMIER

Principes.

ARTICLE PREMIER

L'Etat ne reconnaît ni ne salarie aucun culte.

Les établissements publics des cultes actuellement reconnus sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3.

Seront également supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.

ART. 2.

L'exercice des cultes est libre sous les seules restrictions édictées dans l'intérêt de l'ordre public.

TITRE II

Dévolutions des biens appartenant aux établissements
publics des cultes. Pensions.

ART. 3.

Les établissements dont la suppression est ordonnée par l'article premier continueront provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu'à la dévolution de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et au plus tard jusqu'à l'expiration du délai ci-après.

ART. 4.

Dans un délai d'un an, à partir de la promulgation de la pré

sente loi, les biens mobiliers et immobiliers appartenant au menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements ecclésiastiques seront attribués par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui se seront légalement formées pour l'exercice du culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements.

Toutefois, les biens mobiliers ou immobiliers provenant de dotations de l'Etat feront retour à l'Etat.

Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d'une affectation charitable ou de toute autre affectation étrangère à l'exercice du culte seront attribués par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques, dans les limites de leurs circonscriptions respectives, aux services ou établissements publics dont la destination est conforme à celle desdits biens. Cette attribution devra être approuvée par le Préfet du département où siège l'établissement ecclésiastique. En cas de non approbation, il sera statué par décret en Conseil d'Etat.

ART. 5.

Faute par un établissement ecclésiastique d'avoir, dans le délai fixé par l'article précédent, procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y est pourvu par le Préfet.

ART. 6.

En cas de dissolution d'une association, les biens qui lui ont été dévolus en exécution des articles 4 et 5 sont attribués par elle à une association analogue existant soit dans la même circonscription, soit dans les circonscriptions limitrophes.

A défaut d'accord, cette attribution est faite, à la requête de la partie la plus diligente, par le tribunal de l'arrondissement où l'association a son siège.

ART. 7.

Les attributions prévues par les articles précédents ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor.

ART. 8.

Les ministres des cultes, actuellement salariés par l'Etat, recevront à partir de la cessation de leur traitement une pension viagère annuelle qui sera égale à la moitié ou aux deux tiers de leur traitement, suivant qu'ils compteront au moins vingt ou trente ans de services rétribués par l'Etat, sans toutefois que cette pension puisse être inférieure à 400 francs ni supérieure à 1.200 francs.

Les ministres des cultes, qui compteront moins de vingt années de services rétribués par l'Etat, recevront une allocation an

nuelle de 400 francs pendant un temps égal à la moitié de la durée de leurs services.

Ces pensions et allocations seront incessibles et insaisissables dans les mêmes conditions que les pensions civiles. Elles cesseront de plein droit en cas de condamnation à une peine afflictive ou infamante. Elles seront suspendues pendant un délai de deux ans en cas de condamnation pour un des délits prévus aux articles 26 et 27 de la présente loi.

TITRE III

Des édifices des cultes.

ART. 9.

Les édifices antérieurs au Concordat, qui ont été affectés à l'exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires, ainsi que leurs dépendances immobilières et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été mis à la disposition des cultes, sont et demeurent propriétés de l'Etat ou des communes, qui devront en laisser la jouissance gratuite, pendant deux années à partir de la promulgation de la présente loi, aux établissements ecclésiastiques ou aux associations formées pour l'exercice du culte dans les anciennes circonscriptions des établissements ecclésiastiques supprimés.

L'Etat et les communes seront soumis à la même obligation en ce qui concerne les édifices postérieurs au Concordat, dont ils seraient propriétaires.

A l'expiration du délai ci-dessus fixé, l'Etat et les communes devront consentir aux associations, pour une durée n'excédant pas dix ans, la location de ces édifices.

Le loyer ne pourra être supérieur à dix pour cent du revenu annuel moyen des établissements supprimés, ledit revenu calculé d'après les résultats des cinq dernières années antérieures à la promulgation de la présente loi.

La location pourra être renouvelée au profit des associations par périodes successives de dix ans au maximun Chaque renouvellement ne pourra avoir lieu que dans les deux dernières années du bail en cours.

Les réparations locatives, et d'entretien seront à la charge des établissements ou des associations qui seront tenus, en outre, de contracter une assurance contre les risques de l'incendie et de la foudre.

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