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pouvoir pour réprimer fes ennemis; ils appellent l'ordre du jour toutes les fois qu'on denonce des ennemis. Réveillons de leur affoupiffement çes hommes endormeurs.... (Les tribunes ont applaudi; il s'eft élevé des murmures dans les differentes parties de la Salle. ) Il faut, à tout prix, prendre des mefures fur les émigrans & fur les Prêtres.

De tous les projets qui ont été propofés fur la première queftion, trois femblent devoir remplir vos vues: ceux de trois dignes Citoyens, MM. Vergniaud, Condorcet & Briffor. L'Orateur a été interrompu de nouveau. Un Membre a demandé fi l'éloge du Préfident & de deux Membres étoient à l'ordre du jour; un autre Membre a demandé que celui-ci fût rappelé à l'ordre.

Quant aux Prêtres réfractaires, ne nous bornons pas à de fimples projets contre des hommes qui troublent la Société & portent le défordre dans les familles.

Le grand fecret de la tranquillité & de la liberté, est une religion univerfelle, qui ne damne que les méchans. Cette Religion, c'est l'évangile bien entendu qui, felon Saint-Paul, appelle à lui, & revendique, comme fes enfans, tous les honnêtes gens du monde. Cette Religion eft celle de la Conftitution; elle veut du bien à tous, & ne damne que les méchans, à la différence de celle des réfractaires qui damnent tout ce qui n'eft pas eux... Nous aurons beau aller au-devant de ces hommes, ils ne voudront jamais vivre avec nous. La malédiction efst toujours dans leur bouche, & le fiel dans leur amé. Ce font des loups enragés qui dévoreroient la douce brebis, fi les lions vigilans de la Garde nationale ne les furveilloient.

M. l'Evêque du Cher fait bien que des Prêtres conftitutionnels ont été perfécutés & maltraités dans plufieurs Départemens, tandis que les autres ont trouvé par-tour sûreté & tranquillité. Voulez-vous favoir à quoi fe portent les non-conformistes, & quels moyens ils emploient ? écoutez ce qu'on a écrit aux Députés du Département du Calvados. Deux cents femmes ont attaqué dans une Eglife un Prêtre conflitutionnel, un Curé paifible & doux ; ellas avoient déjà descendu la corde de la lampe du chœur,

& il auroit été pendu fi la Garde nationale ne fût ac

courue...

Qui pourra après cela écouter tranquillement la bénignité avec laquelle on vous propofe des ménagemens envers des Prêtres qui s'empreflent de tuer les hommes pour les damner plus vite.

M. Fauchet a combattu enfuite les raifons de ceux qui prétendoient qu'il étoit contraire à la juftice & à la dignité d'une grande Nation de ne pas falarier les Prêtres qu'on avoit dépouillés de leurs biens. Il a dit que la Nation, en prenant les biens eccléfiaftiques, avoit pris fur elle les charges qui étoient une fuite de la poffeffion de ces biens, le foin des pauvres & le falaire du travail; il a conclu de là que celui qui ne travailloit pas n'avoit pas droit au paiement d'aucune rétribution.

Quand on veut être philofophe. a-t-il ajouté, il faut l'être tout-à-fait, car un demi philofophie eft une caricature de la raifon; il eft beau de voir des hommes s'attendrir fur le fort d'une foule de fainéans qui devorent trente millions pris fur les fueurs du pauvre, tandis qu'on les voit froids fur les malheurs & la misère du Peuple.... Il ne faut pas, fans doute, que ces Prêtres meurent de faim pour ne pas trahir leur confcience : qu'ils travaillent; le commerce, l'agriculture leur offrent des reffources. Saint-Paul faifoit des tentes, Saint Luc étoit médecin..... (On a applaudi.) L'homme qui ne veut rien faire, ne mérite pas de vivre. L'Orateur, après avoir reconnu le droit que le Peuple avoit d'impofer telle ou telle obligation à celui qu'il payoit, a conclu à ce que l'Affemblée adoptât le projet jufte & urgent qu'il a propofé, & dont l'objet étoit de ne plus falarier que les Prêtres utiles. (Les tribunes ont applaudi ).

M. Genfonné a pris la parole & a parlé à peu près en ces

termes :

L'examen des caules qui ont produit les troubles religieux dont quelques parties du Royaume font agitées, & celui des moyens qui peuvent les arrêter, offrent des queftions importantes à traiter. C'eft du fuccès de votre détermination que dépend la tranquillité intérieure, & peut-être même

celle dont vous jouirez au - dehors. Si la mesure que vous prendrez eft infuffifante, fi vous tendez à aggraver le mal, au-lieu de le détruire, il eft impoffible de calculer à quel point il pourra aller. Les Legiflateurs qui vous ont précedés, occupes à lutter contre l'efprit de parti, fouvent contre les factions elles-mêmes, entraînés quelquefois par les obitacles qu'on leur oppofoit, n'ont pu qu'etablir des principes, que fixer des bafes conftitutionnelles, & vous ont laiffe le foin de donner à leur ouvrage de l'harmonie & de l'enfemble. Telle eft la vafte carrière que vous avez à parcourir. Pour cela, vous devez vous environner du calme & de la paix. Vos premières armes feront donc d'affurer la paix & la tranquillité intérieures. Si vos prédécefleurs ont dû fuivre les mouvemens de l'enthoufiafme, vous ne devez vous laffer diriger que par la paix & la rafon.

Les troubles intérieurs tiennent à des querelles religieufes dont nous devons nous efforcer d'effacer jusqu'aux moindres veftiges. Ne nous diffimulons pas le danger. N'ayons point une fauffe fecurité, ne nous livrons pas non plus à des terreurs exagérées. Calculons les réfiftances; mefurons nos forces fur celles qu'il faudra vaincre. Ecartons fur-tont de notre décifion tout mouvement qui ne feroit pas imprimé par la fageffe, & que le prompt fuccès de nos mefures foit garanti par la réfléxion qui les aura préparées.

J'examinerai 1o. les caufes des troubles religieux; 2. comment fous le régime conftitutionnel ces troubles exiftent encore ; 3°. par quelle fatalité ces troubles ont eu de l'influence fur l'ordre civil & politique. 4°. Je démontrerai que toutes les loix qui ont été propofées font ou infuffifantes, ou abfurdes, ou tyranniques, ou inconftitutionnelles. Enfin, je préfenterai des mefures plus fûres, & qui me femblent refpecter la liberté individuelle.

M. Gentonné a trouvé la folution des trois premières queftions, en confidérant que la différence des opinions religieufes n'étoit pas la véritable caufe des troubles. Elle lui a paru tenir à l'intimité des rapports qui lient cet objet à l'ordre focial, à l'ordre civil, à l'influence que la loi donne aux prêtres à cet égard par les fonctions civiles qui leur restent encore à remplir pour conftater les naiffances, les

mariages ou les décès, & à la ténébreufe malveillance des. ennemis de la Révolution, qui fe font coalifes avec les Prêtres, dont les pertes ont aigui le reffentiment.

Il a combattu enfuite les projets de loi qui avoient été préfentés. C'eft, a-t-il dit, parce qu'on a ignoré le véritable état des chofes; c'est parce qu'on n'a pas fait attention à la mauvaise direction de l'opinion publique; c'est parce que la Conftitution fe trouve quelquefois en oppoition avec les loix réglementaires, que l'on a propolë la question préalable; & fi vous l'adoptiez, elle confacreroit le préjugé; elle lui donneroit les conféquences les plus affreules, puilqu'il deviendroit alors un moyen d'intolérance & de perfecution.

On avoit propofe des mefures uniquement contre les Prêtres réfractaires. M. Genfonné a penfé qu'elles manquoient le but, puifqu'au lieu de calmer les efprits, elles ne tendoient qu'à les aigrir. Il a jugé que la propofition de M. Fauchet attaquoit plus directement encore que la queftion préalable le principe de la liberté des opinions religieufes. Il a combattu le projet de M. Ramond.

Il s'eft élevé contre l'enlèvement des Prêtres non-fermentés. Ila demandé que cette loi fût profcrite, comme tendant à une exécution purement arbitraire, & comme contraire à l'intérêt de cette portion du peuple auquel on diroit vainement que les églifes paroilliales font ouvertes, lorfqu'il n'y trouveroit qu'un culte qui blefferoit la liberté de la confcience. L'infuffifance des mefures en attireroit bientôt de plus févères: ch! qui peut calculer le terme où l'on pourroit s'arrèrer!

En fixannt votre attention fur les caufes des troubles, a ajouté M. Genfonné, je dois vous indiquer les moyens de les réprimer: vous les trouverez dans une loi contre l'intolérance de toutes les fectes; dans une loi purement civile, également protectrice de toutes les opinions, & contraire à tout efprit de parti; dans une loi qui détache les fonctionnaires eccléfiaftiques de tout ce qui peut intéreffer l'ordre public. Déterminez le caractère de votre loi par la fageffe qui la difcera, & veillez à l'exécution de la loi; créez aufli un moyen de conftater l'état civil

des Citoyens, & quoique la liberté des cultes ait été proclamée par la Conftitution, ne dédaignez pas de la faire reconnoître davantage encore.

M. Genfonné a rappele combien la pureté de ces principes avoit eu de peine à fe répandre dans la ville de Paris, où les lumières cependant en affuroient le plus grand triomphe..

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Après avoir établi la liberté des cultes il vouloit que l'on prononçât des peines févères contre les féditieux. La dégradation civique eft la peine la plus grave que renferme à cet égard le Code pénal: elle a paru impolitique à l'orateur, en ce qu'elle rejetoit dans la fociété un homme plus vicieux & plus aigri encore, au-lieu de le punir avec rigueur. Il a proposé d'y substituer la peine de la prison pour fix mois.

Il propofoit encore de charger le Miniftre de la 'Guerre de maintenir dans les Départemens, où les troubles font les plus grands, une foice armée affez confidérable pour les réprimer promptement & avec fuccès. Il a follicité auffi la prompte organifation de la Gendarmerie nationale. Enfin il a propofe de donner aux Habitans des Paroiffes la faculté d'él:r eux-mêmes leurs Pafteurs.

Tel eft l'extrait de l'opinion de M. Genfonné, qui a été très-applaudie. Il a lu un projet de loi qui a auffi reçu beaucoup d'applaudissemens.

On a demande l'impreffion & la diftribution du Difcours & du projet de Décret. Quelques Membres ont demandé l'impreflion du projet de Decrec feulement. D'autres ont demande que la difcuflion fût fermée. La demande de l'impreffion & diftribution du tout a été mife aux voix, & décrétée.

Plufieurs Membres du côté gauche ont réclamé contre ce Décret ; ils ont demandé la divifion de la propofition. Après un long tumulte, le Préfident a confulté l'Affemblée, qui a decide qu'il y avoit lieu à faire la divifion. Elle a été faite. La demande de l'impreflion du Projet a été d'abord mife aux voix & adoptée. On a invoqué la queftion préa-.. lable fur la demande de l'impreffion du Difcours. Plufieurs Membres ont combattu la question préalable, l'Affemblée

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