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renvoyées à la difcuffion du rapport qui doit être fait sur cet objet. On a paffé à l'ordre du jour.

M. Laffeclière a été introduit. Il a remis fon mémoire. Un des Secrétaires en a fait lecture. Nous allons rapporter ce que nous en avons recueilli.

Un voyage entrepris par un efprit de curiofité, dit l'auteur, m'a mis à portée de recueillir des obfervations que j'ai cru de mon devoir de mettre fous les yeux de l'Affemblée. J'arrivai à la ville de Varennes, qui fera long-temps fameufe dans nos annales. Cette Ville eft dévouée à l'ariftocratie par les foins d'un M. Merfontaine, Intendant de M. de Condé, qui a fait remplacer, par une de fes créatures, ce brave M. Sauffe, Procureur de la Commune, à l'époque du 22 Juin, & qui s'eft fi bien comporté. Je m'adreffai à M. Merfontaine, pour trouver des moyens de paller la frontière. Il me donna un écrit pour un M. Henriquez, demeurant à un petit village voifin de la frontière, dont la Garde Nationale & la Municipalité font entièrement dévouées au parti ariftocratique. Ils m'ont fait paller avec trois Gardes-du-corps. Arrivés aux villages qui avoifinent Luxembourg, on a témoigné, en nous voyant, la plus grande fatisfaction. Nos paffe-ports ont été vifés par M. Defaudeux, Major de l'Armée des Noirs. Je fuis allé à Luxembourg, & de là à Coblentz. J'ai vu dans cette Ville les Princes fe livrez aux projets les plus atroces contre leur Patrie. Il y a quatre Elcadrons de Gardes-du-corps, & quelques Bataillons. J'obtins un paffe - port pour aller à Trèves. C'est-là que font nos Prêtres émigrans, qui espèrent de rentrer dans le Royaume pour reconquérir leurs bénéfices. Ils fe livrent aux mouvemens d'une rage ridicule; & ce feroit le cas de rappeler fur leur compte ce vers de Boileau: Tant de fiel entre-t-il dans l'ame des dévôts » ! Plufieurs d'entr'eux ont pris l'uniforme, & vivent avec les Soldats. Il y a dans ce pofte environ, Soo hommes. Ils ont 36 liv. par mois, à prendre fur les Régimens qu'ils ont abandonnés......

Le plan d'attaque eft par la Chauffée des Romains; elle conduit à Hunn. Ils comptent entrer fans réliftance. Ils espèrent qu'à leur arrivée on leur ouvrira les portes de

Metz. Il n'y a pas dans ces cantons un feul village où il n'y ait des hommes fufpects. M. Defaudeux eft en correlpondance avec le Commandant de Longwy. Il y a des basOfficiers en correfpondance avec lui, ainfi que la plupart des Officiers qui font fur les frontières.

Montmédy eft une Ville qui touche à la frontière. Le Maire de cette Ville eft un Chevalier de Saint-Louis, qui eft auffi en correfpondance avec M. Defaudeux. Le Commandant de la Garde Nationale eft un M. de Launay, parent de celui fur qui le Peuple s'eft rendu juftice. Ils parlent des projets les plus atroces: s'ils ne peuvent réuffir autrement, ils parlent d'empoifonner les fources. ( Il s'eft élevé des éclats de rire.) J'ai vu une lettre écrite de Cobleniz, par M. d'Artois, à M. Defaudeux, à Luxemboorg. Elle eft à peu près, conçue en ces termes :

« J'ai vu avec étonnement le projet d'attaque que vous propofez. Êtes-vous sûr de l'homme en queftion? Vous voudrez bien nommer des Commilaires pour vérifier les lieux, & m'e inftruire..... Nous nous repofons fur le fidèle du Portail ». (Il s'eft élevé quelques murmures.)

L'uniforme des Gardes-du corps eft habit bleu, vefte & culote ventre-de-biche; leur bouton porte ces mots : Un Roi ou la mort.... Il y a un projet d'enclouer les canons à Metz. Le nombre des Emigrans eft d'environ treize mille. Ils doivent commencer par faire circuler de faux affignats par des Commiffaires. J'envoie le fignalement d'un d'eux.... J'ai couru le plus grand rifque pour ma vie, parce que j'ai été découvert; & je ne dois mon falut qu'à une marche de douze lieues à pied, à travers des forêts.... On a applaudi.

M. le Préfident a témoigné à ce Citoyen la fatisfaction de l'Affemblée, pour fon zèle & fon dévouement patriotique. Un Membre a demandé qu'on passât à l'ordre du jour.

M. Lacroix a dit que les détails communiqués à l'Affemblée par ce généreux Citoyen n'étoient pas indifférens ; il en a demandé le renvoi au Comité Diplomatique. Ce récit, ont dit quelques Membres, n'eft autre chofe qu'une gazette.

J'ai connoiffance du local, a dit un Membre: je puis affurer que les details que vous venez d'entendre font dans la plus exacte vérité. Le chemin indiqué pour l'attaque eft celui qui avoit été pratiqué pour l'évafion du Roi. Ces détails méritent toute l'attention de l'Affemblée.

Un autre Membre a dit: Je n'entrerai pas dans la difcuffion de favoir fi ces détails font faux ou vrais ; je dirai feulement qu'il n'y a pas de mal à en ordonner le renvoi au Comité. Je ne conçois pas comment, lorfqu'on propofe quelque moyen qui doit porter de la lumière dans ce dédale ténébreux de mauvaifes actions, il s'élève toujours quelqu'un qui demande l'ordre du jour. ( Les tribunes ont applaudi.) Je demande le renvoi au Comité Diplomatique, & les honneurs de la Séance pour l'auteur du mémoire. La propofition a été appuyée. Le Préfident a invité l'auteur aux honneurs de la féance.

Le patriotitme, a dit un Membre, ne confifte pas à accueillir des dénonciations qui tendent à nous brouiller avec des Alliés fieles. (Il s'eft élevé des murmures. On a demandé l'ordre du jour. M. Ducos s'eft écrié que réclamer l'ordre du jour, c'étoit paffer à l'ordre du jour fur les dangers de la Patrie.) Je demande, a continué l'Opinant, que pour la dignité & l'honneur de la France, l'Affemblée paffe à l'ordre du jour.

-On a réclamé de nouveau le renvoi au Comité Diplomatique. M. Ducos a propofé par amendement, que l'auteur du mémoire y fût admis pour faire part des faits qui étoient à fa connoiffance.

Un Membre du Département du Bas-Rhin a pris la parole. Vous devez, a-t-il dit, porter vos regards fur les places frontières du Bas-Rhin. A Strasbourg, on avoit affiché, il y a environ quinze jours, qu'on donneroit au Ipectacle Richard Cœur de Lion. Ce jour, les Officiersgénéraux avoient donné à dîner aux Officiers du quatrième régiment des Chaffeurs. Plufieurs Soldats & les Bas Officiers avoient été envoyés au fpectacle avec des fabres fous leurs habits. Lorfqu'on chanta un morceau affez connu, la troupe fe livra à des tranfports d'enthousiasme qui fcandalisèrent deux Citoyens. Ils manifeftèrent leur

eux. Des Officiers defcendirent au parterre, & demandèrent aux bas-Officiers fi leurs fabres avoient le fil. La falle alloit être le théâtre des fcènes les plus affreuses. La prudence du Maire, le brave M. Diétrick, en prévint les terribles effets... Plufieurs Officiers fupérieurs ont des correfpondances avec Mirabeau. Les Officiers en garnifon à Huningue paffent tous les jours à Bâle. On ne vous a pas parlé de la fortereffe de Bitchc. M. Condé efpère de s'en emparer, pour en faire une place d'armes. Il faut que le Mitre de la Guerre ait des ordres de placer dans les villes de la Frontière des troupes dont nous foyons sûrs.... Si le Miniftre des Affaires Etrangères avoit déployé, auprès des Princes étrangers qui ne font que des gentilshommes titrés, le caractère d'une grande Nation, ces Princes n'auroient pas donné un afyle à M. Condé, & n'auroient pas fouffert des enrôlemens dans leurs petits E ats. Je demande le renvoi au Comité Diplomatique. (On a vivement applaudi ).

Un Membre a demandé que les Comités Diplomatique & Militaire faffent tenus de s'affembler ce foir pour propofer des mefures & moyens de défendre nos frontières, de manière que les ennemis en y arrivant, n'y trouvent que la mort. On a applaudi. Le renvoi à ces deux Comités a été ordonné, à la charge de faire un rapport dans trois jours.

M. Koch a demandé que l'auteur du mémoire fût invité à le rendre aux Comités pour communiquer fes obfervations particulières. Sa propofition n'a pas eu de

fuite.

M. Lamourette a préfenté quelques obfervations fur le rapport du Miniftre, & fur fes réponfes aux queftions qui lui ont été faites par l'Affemblée. Il s'eft étonné que le Miniftre eût répondu avec une certaine indifference for les questions relatives à l'armement & à l'habillement des Gardes nationales, en difant que les Officiers - généraux & Corps adminiftratifs étoient chargés de ces objets; comme i les Miniftres, après avoir donné des ordres, ne devoient pas en fuivre l'exécution! Il á repréfenté la néN”. 33.

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ceffité de connoître avec certitude l'état des places frontière, leurs moyens de défenfe; il a demandé en conféquence, ou que l'Affemblée y envoyât des Commiffaires pris dans fon fein, qui iroient examiner l'état des fortifications, des magafins & des munitions, pour être pris un parti d'après le rapport qu'ils auroient fait; ou que le Roi fût invité à ordonner promptement aux Officiers-généraux de fournir des armes aux Gardes nationales, & au Ministre de s'en faire rendre compte tous les huit jours, & d'en inftruire l'Affemblée.

M. Ducos a dit: S'il eft vrai que le falut public repole dans l'harmonie qui doit régner entre les Pouvoirs conftitués, l'Affemblée doit écarter ces réclamations minutieuses, inquiétantes, qui peuvent établir entre elle & le Pouvoir exécutif une lutte qui feroit contraire à la dignité du Corps légiflatif; mais les ménagemens que l'Affemblée fe doit à elle-même deviendroient criminels, s'ils compromettoient le falut de l'Empire. Je viens, non pas combatre le rapport du Miniftre, mais foumettre quelques obfervations..... Il réfulte de ce rapport, que M. du Portail a donné des ordres; mais que, tranquille fur leur exécution, il ne s'eft pas inquiété de favoir fi les fubalternes les exécutoient ou non.... La refponfabilité fe combine de deux parties, qui confiftent à ordonner & à faire exécuter. Le Miniftre n'est pas moins coupable, fi, après avoir rempli le premier objet de fa refponfabilité, il néglige le fecond; car autrement, un Miniftre trouveroit toujours un moyen de faire le mal, en rejetant fur des agens inférieurs la faure de l'inexécution; & fa refponfabilité feroit réduite à peu de chose....

Je ne m'infcris pas en faux fur ce qu'il a dit; mais je réclame contre ce qu'il n'a pas dit.... Il a propofé enfaite un projet de Décret, dont l'objet étoit de charger le Miniftre de veiller à l'exécution des ordres relatifs à l'armement & habillement des Gardes nationales, & d'en rendre compte tous les huit jours. (On a applaudi ).

On a demandé d'aller aux voix. Un Membre a demandé. de renvoyer au Comité Militaire la réponfe faire par

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