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La section 6o du statut 15 et 16, Vict., c. 12, était ainsi conçue: « rien des dispositions contenues dans cet act ne pourra être interprété de manière à prévenir les imitations de bonne foi et les adaptations à la scène anglaise des pièces dramatiques et des compositions musicales publiées en quelque contrée étrangère »; en 1875 (38 et 39, Vict., c. 12), on a autorisé la reine à ne plus tenir compte de la section sus-rappelée dans les ordonnances rendues au profit des nations étrangères. Nous aurons à préciser ultérieurement l'importance de cette innovation.

Plus souvent, on rencontre dans les législations une atteinte peu grave d'ailleurs aux droits des auteurs; on permet à un compositeur de musique de prendre comme thème, un écrit déjà publié, pourvu que sa seule valeur ne réside pas dans cet usage qu'on en fait, c'est-à-dire qu'il ne soit point, par exemple, le livret d'un opéra, d'un oratorio, etc., (Allemagne, 48, 1870; Hongrie, §§ 47-48, 1884; - Suède, 11, 1877).

381. - L'arrangement, la variation, la réduction, la transcription, etc., sont des adaptations en matière musicale: ces procédés, appliqués aux œuvres du domaine privé, sont, en toute hypothèse, déclarés illicites par un certain nombre de législation. (Espagne, 24, 1879; Belgique, 17, 1886.) Cette solution doit être admise au cas de silence des textes. (V. n° 76.) Nos tribunaux sont résolument entrés dans cette voie. (Blanc, p. 110; Rendu et Delorme, no 851; M. Ch. Lyon-Caen, Rev. dr. int., 84, 450; - Paris, 20 novembre 1857, aff. Ber, Pat. 57, 455; - sic, 6, 3o, projet Turquet et 10, 30, projet Bardoux; - Comp. Bull. Ass., 1ere sér., no 10, p. 26 et p. 41; eod. loc, no 12, p. 5.) Généralement, on suit le système suivant: on considère sans doute, comme contrefaçon, tout remaniement publié sans le consentement de l'auteur; mais on apporte immédiatement une importante restriction: on ne reconnaît le caractère illicite qu'autant que l'arrangement, la fantaisie, etc., ne peuvent être regardés comme des œuvres nouvelles. (Italie, 3, § 3, 1882; - Allemagne, 46, 47, 1870; - Danemarck, § 13,

Rus

1857; - Norwège, 13, 17, 1876; - Suède, 12, 1877; sie, Svod de 1833, art. 351, ch. XIV; - Angleterre, art. 18 du Digest de Stephen (1878); Comp. Drone, p. 410 et suív. ; Hongrie, § 46, 1884.) L'Autriche se fait remarquer par sa rigueur à l'égard des compositeurs; ils ne jouissent du droit exclusif de publier des arrangements ou variations, que s'ils se le sont expressément réservé et que s'ils usent de cette faculté dans le délai d'un an.

382. - Les œuvres artistiques doivent être traitées, en principe, comme les productions littéraires : tout fait, accompli sans le consentement de l'ayant droit, devrait être réprimé par les lois pénales, du moment où il pourrait en résulter quelque préjudice, soit pécuniaire, soit moral. L'intérêt supérieur de l'art peut exiger quelques atténuations: ainsi, on doit permettre les copies à la main du moment où elles ne sont point faites dans un but de lucre, mais uniquement pour permettre aux jeunes artistes de développer leur talent par la reproduction des modèles du genre. En l'absence même de disposition spéciale, cette restriction devrait être apportée aux prérogatives légales. (Comp. Hongrie, § 62, 20, 1884 (1); — Allemagne, 6 § 1, 1876;- Danemarck, 6, 1864, etc. (2). De même il est juste de permettre à chacun de s'inspirer des œuvres de ses devanciers. Telle était la disposition expresse de la loi norwégienne du 21 avril 1871, sur la contrefaçon des œuvres de sculpture et de modelage (art. 1o, 2o al.); la loi du 12 mai 1877 ne renferme plus cette disposition inutile. Dans le silence de nos lois, telle est la décision de nos tribunaux. (Caen, 27 juillet, 1870, aff. Asselineau, Pat. 71, 5; - Pouillet, n° 566 (3); - Comp. Hongrie, § 62, 1o, 1884, etc.).

(1) Il est d'ailleurs interdit dans ce pays d'indiquer sur les copies la marque, le nom ou monogramme trouvé sur l'œuvre original.

(2) En Espagne, lorsqu'une œuvre est exposée dans une galerie publique, et que l'auteur est mort, il est permis de la reproduire. Si l'auteur vit encore, il faut obtenir son consentement (10,1. 19 janvier 1879.)

(3) Cette observation est aussi vraie en matière littéraire.

383.

Ces limitations sont les seules légitimes. Malheureusement, l'esprit inventif des législateurs en a imaginé d'autres absolument injustifiables (1). Très souvent, on rencontre dans les textes relatifs aux droits intellectuels un paragraphe a peu près ainsi conçu: on ne considère point comme une contrefaçon la reproduction des objets d'art qui se trouvent à demeure dans les rues ou sur des places publiques, du moment où celleci n'a pas lieu dans la forme artistique de l'original. (V. Suisse, 11,7°, 1883; - Hongrie, § 62, 3°, 1884; - Danemarck, 6, 1864; - Suède, 14, 1867; - Finlande, 18, 1°, 1880; - Norwège, 11, 3o et 12, 1877; - Allemagne, 6, § 3, 1876; - Mexique, 1322, 13° et 15°, C. C.)

On a prétendu donner de cette mesure une explication rationnelle: on a affirmé qu'il en devait être ainsi par ce motif qu'il est impossible de réserver un droit privatif au profit d'une œuvre qui, par sa nature même et par le fait de son exposition, doit appartenir à tous. Cette considération a quelque valeur en ce sens qu'elle sert à établir que les droits intellectuels ne sont pas des droits de propriété; nous nous sommes nousmême servi de cet argument pour détruire l'opinion dominante en France; cette observation est d'ailleurs absolument générale, mais elle ne nous a pas empêché d'admettre le droit de reproduction; rien, dans les circonstances présentes, ne lui donne un surcroît d'énergie; par suite, elle ne peut avoir pour résultat de dénier aux artistes une prérogative quelcon

(1) Dans un trop grand nombre de pays, il est permis de reproduire isolément dans le corps d'un écrit des œuvres détachées des arts figuratifs, pourvu que ces illustrations servent exclusivement à l'explication du texte (Allemagne, 6 § 4, 1876; 44, 1870; Norwège, 12, 1877; - Finlande, 18, 2° 1880; - Hongrie, § 62, 4o, § 68, 1884.) Comme on le voit, on a apporté une certaine restriction à la pratique admise en matière de recueils littéraires; V. n° 368. On doit s'en féliciter; il est facheux toutefois que cette spoliation ainsi réduite ait été maintenue (V. p. 98, note 1, in fine.) Il est regrettable de constater qu'en notre espèce la Suisse n'ait point modifié ses solutions; elles demeurent les mêmes que pour les productions littéraires: on autorise, en effet, la reproduction fragmentaire d'une œuvre appartenant aux arts du dessin dans un ouvrage destiné à l'enseignement scolaire. (11, 6o, 1883; comp. 11, 1°.)

que sur les produits de leur travail, alors même que ceux-ci seraient exposés en public. (V. p. 22.)

384.- Une spoliation plus grave se rencontre dans les lois de certains pays; il en a déjà été parlé au no 71; voici d'une manière générale, le système suivi à cet égard: on a imaginé une classification des arts; on a rangé les arts plastiques d'un côté, les arts du dessin de l'autre, et on a déclaré qu'il n'y avait pas contrefaçon à transporter dans une catégorie les produits de l'autre. (Allemagne, 5 et 6, 20, 1876; - Norwège, 9, 1877 (1); - Finlande, 16, 2°, 1880 ;- Russie, 336, Svod de l'Empire, 1833, ch. XIV, règles de censure.) Il n'est point nécessaire de revenir sur une critique déjà faite; nous espérons avoir établi l'inanité de cette distinction. (V. supra, no 71.) Aussi, faut-il féliciter les législations qui ne l'ont pas admise.

Rarement, d'ailleurs, on a pris soin d'indiquer le rejet de cette restriction, cela est naturel; les termes généraux ordinairement employés sont suffisants par eux-mêmes. (V. Autriche, 3, 1846 (2); - Hongrie, § 61, 1°, 1884; - Angleterre, Digest de Stephen, art. 33 ; - Belgique, 1,1886; - V. compte rendu du congrès d'Anvers, 1877, p. 11; - Espagne, 3, 3o, 1879; — Suisse, 1 comb. avec 11, 6o, et 8°, 1883; Comp. l'art. 3 du concordat de 1856) (3).

Tel est le système français: l'artiste jouit notamment en notre pays du droit de gravure, même sans l'exercer; l'article premier de la loi de 1793 peut être mal rédigé, mais il n'est point assez formel pour imposer aux artistes cette condition d'une mise en œuvre. (V. Pouillet, n° 81; - Paris, 9 novembre

(1) Dans ce pays toutefois, il n'est point permis de se servir à cet effet d'un procédé purement mécanique, tel que la photographie (art. 11). Cette observation est peut-être vraie en Finlande. (V. art. 15. 1880; - comp. Danemark, 1 et 2, 1864).

(2) Dans ce pays d'ailleurs, la condition des artistes n'est point très enviable. Ils ne conservent le droit de reproduction qu'au cas où, se l'étant réservé expressément, ils l'exercent dans les deux ans de la publication. (1. 1846.)

(3) Il déclarait que la reproduction exigeant un travail intellectuel propre ne constituait pas une lésion des droits de l'artiste.

1832, aff. Léop. Robert, Blanc, p. 262.) Enfin, il y a contrefaçon à transporter une œuvre d'un domaine dans un autre. (V. en ce sens, les nombreuses décisions rapportées par M. Pouillet aux numéros 575 et 575 bis de son excellent traité; -- adde, Cass., 13 février 1863, aff. Dubois, S. 63, 1, 161; V. encore art. 6 du projet Turquet et 10 du projet Bardoux.)

La législation italienne présente, relativement à notre question, un système très ingénieux; elle considère comme une traduction, le fait de reproduire une œuvre artistique d'un genre donné sous une forme appartenant à l'autre catégorie; cette idée peut être exacte; malheureusement, cette assimilation a tourné chez nos voisins au détriment des artistes; on sait que le droit de traduction ne dure en Italie que pendant dix ans à partir de la publication originelle, (V. p. 455 note 2) Dans cet État, la contrefaçon grossière d'une production artistique est punissable aussi longtemps qu'au cas d'œuvres littéraires (Comp. art, 3, in fine, 1882), mais s'il y a travail intellectuel, il n'y a plus fait illicite après l'échéance du délai de dix ans. Voici, au surplus, les dispositions mêmes de l'article 12 (1882): <<< Durant les dix premières années, à partir de la publication d'une œuvre, le droit exclusif d'en faire ou d'en permettre la traduction est joint au droit de reproduction. La traduction des œuvres du dessin, de la peinture, de la sculpture, de la gravure et des œuvres analogues consiste à en reproduire les formes ou les figures, par un travail qui n'est pas seulement mécanique ou chimique, mais qui constitue une œuvre d'art d'une espèce différente, comme seraient la gravure d'un tableau, le dessin d'une statue, etc. » (Comp. 3, 4°, 1865.)

385.- Lorsque l'on fait d'une œuvre d'art une reproduction industrielle, le produit obtenu se distingue sensiblement de celui qui a servi de modèle, les différences sont plus importantes que quand, par exemple, on fait la gravure d'une statue; aussi les législations, qui considèrent comme licite le transport d'une production artistique d'une catégorie dans une autre,

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