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elle doit continuer de reposer sur celle de l'artiste : toutefois, celui-ci ne peut pas exercer cette prérogative en toutes circons tances: il faut distinguer, suivant que l'objet vendu était ou non dû à une multiplication mécanique; l'artiste ne doit pouvoir reproduire son œuvre que dans la première hypothèse. (V. p. 11, note 1.)

Presque toutes les législations, ont négligé de s'occuper de la répétition (1); malgré cet oubli, les tribunaux devraient, dans les conditions sus-rappelées, s'opposer à ce qu'un auteur traite à nouveau, d'une manière identique ou analogue, le sujet de la statue, du tableau aliéné: la bonne foi qui préside aux conventions impose cette solution. Quoiqu'il en soit, la très grande majorité des législations s'est prononcée en faveur des artistes; le droit de reproduction ne passe pas à l'acquéreur du tableau, de la statue, etc. (Sic, Allemagne, 1876, Belgique, 26 mars 1886, 19; Danemark, 31 mars 1864, 4; 23 février 1866, 3; 29 décembre 1857, 2; Espagne, 19 janvier 1879, 9; - Italie, 19 septembre 1882, 18, § 2; - Hongrie, 1er juillet 1884, 64;- Mexique, 1313, 1314, 1325 C. C.; Norwège, 12 mai 1877, 6; Russie, ukase du 26 janvier 1846, 7 mai 1867; - Suède, 3 mai 1867, 3; Suisse, 23 avril 1883, 5.) Il est bon de remarquer, d'ailleurs, que ces différents textes reconnaissent à l'acquéreur de

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(1) Lors des discussions de la loi belge, le gouvernement, dans la série d'amendements qu'il déposa le 12 novembre 1885, en avait compris un ainsi conçu « Toutefois, l'artiste cédant ne peut répéter son œuvre, dans la même forme artistique si, de soi, cette forme n'implique pas la multiplicité des reproductions. » Ce paragraphe était excellent; malgré un rapport favorable du comité de législation (M. Pouillet), l'association littéraire internationale, réunie à Anvers, s'était prononcée contre le principe qu'il renferme. (Séance du 23 septembre 1885; Bull. Ass., 2o sér., no 3, p. 59-69. Au Sénat et à la Chambre des représentants ces idées n'eurent malheureusement pas plus de succès. (V. Benoidt et Deschamps, p. 214-231; p. 357 et suiv.; p. 403 et suiv.)

En Angleterre l'artiste peintre ou dessinateur ne peut imiter une œuvre qu'il a préalablement aliénée. Dans le cas de contravention à cette defense, il y a lieu à condamnation qui ne peut excéder 10 livres sterling et de plus à la confiscation des ouvrages incriminés. (25 et 26, Vict., c. 68, s. 6.)

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l'objet matériel le droit de ne point s'en dessaisir et apportent au cas de portrait, une restriction à leur théorie générale ; dans ce dernier cas, le droit de reproduction n'appartient plus à l'artiste; le motif de cette exception se comprend facilement : il ne plaît pas à chacun de voir ses traits répandus en tous lieux. Quelques législations, dans la dernière hypothèse, sont allées plus loin encore dans la voie de la dérogation: en Suisse notamment, << le droit de reproduction est aliéné avec l'œuvre d'art, lorsqu'il s'agit de portrait ou de buste-portrait commandé.» (5, 2° al., Suisse; Sic Hongrie, 64, etc., etc.). (1)

En présence de cette unanimité des lois étrangères, il est regrettable de constater que nos tribunaux se soient laissés égarer dans la voie opposée. La Cour de cassation, toutes chambres réunies, a rendu, dans l'affaire Gros, un arrêt qui a servi de point d'appui à une jurisprudence fâcheuse pour les intérêts des artistes (D. 42, 1, 297; - V. Pouillet, no 364-5; — Pétiet, France Jud., 83-84, 1re part., p. 277 et suiv.)

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343. Il arrive souvent que les cessions ne sont consenties que pour un pays déterminé: il surgit alors en droit international des questions particulièrement intéressantes. (V. notamment, Paris, 26 mars 1884; Grus et Gérard c. Durdilly et Ricordi, Le Droit du 27 avril.) Certaines conventions ont posé quelques règles spéciales: nous renvoyons donc nos explications à notre seconde section.

PARAGRAPHE IV

Durée de la protection.

344. Il ne suffit point de connaître les droits que peuvent

(1) La loi belge paraît contenir sur ce sujet quelques innovations; l'article 20 est en effet ainsi conçu:

<< Ni l'auteur, ni le propriétaire d'un portrait n'a le droit de le reproduire ou de l'exposer publiquement sans l'assentiment de la personne représentée ou celui de ses ayants droit, pendant vingt ans à partir de son décès.

« Moyennant le dit assentiment, le propriétaire a le droit de reproduction, sans toutefois que la copie puisse porter l'indication d'un nom d'auteur, »>

exercer les auteurs et les artistes, il est encore nécessaire de savoir pendant combien de temps ces avantages leur appartiennent. Nous savons qu'en principe pour déterminer la durée de la garantie dans un pays d'importation, on compare celle reconnue aux nationaux à celle consacrée au lieu d'origine et l'on protège les étrangers pendant la période la plus courte ainsi trouvée (1).

En présence de ce fait presque constant, on comprendra facilement l'importance spéciale qu'acquiert, en notre matière, l'étude des législations étrangères. La durée de la protection varie parfois dans une même loi, suivant qu'il s'agit du droit de reproduction ou de représentation des œuvres littéraires, suivant que l'œuvre est publiée par un simple citoyen ou par un corps constitué tel que l'État, la commune etc., suivant que la mise au jour a eu lieu du vivant ou après la mort de l'auteur, sous son nom, sans nom ou sous un faux nom, suivant enfin que la production est littéraire ou artistique. Nous nous sommes conformé à ces distinctions. Les renseignements que nous allons immédiatement fournir ont trait au droit de reproduction des œuvres littéraires. Il est bon de remarquer d'ailleurs que, sauf indication contraire, ils doivent s'étendre à toutes les autres hypothèses.

D'après certains théoriciens, la perfection ne sera atteinte que du jour où sera proclamée la perpétuité du droit des auteurs. A l'heure actuelle, ce système se rencontre dans les lois mexicaines. Un décret des Cortès du 10 juin 1813 avait primitivement fixé ce droit à dix ans après la mort de l'auteur; le Code civil promulgué le 1er mars 1871 (2) a établi la perpé

(1) Tel est le système général : dans chaque cas particulier, on fera bien néanmoins de se reporter à la section deuxième de cette étude; certaines conventions en effet se sont spécialement occupées de nos questions (V. notamment le traité franco-allemand de 1883, protocole de clôture).

(2) La Commission qui l'a préparé était composée de quatre membres : Yanez, Lafragua, Mantiel, Raphaël Donde. Il fut de prime-abord en vigueur dans la province de Mexico, dite province fédérale et dans les territoires de la basse Californie; puis successivement dans les États Hidalgo, Oaxaca, Zonava,

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tuité. (V. Bull. lég. comp., 81, 155; — J. D. I. P., 85, 167; comp. supra, p. 315 (1)

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345. La loi espagnole du 19 janvier 1879 a remplacé celle du 10 juin 1847; celle-ci, suivant certaines distinctions dans le détail desquelles il n'est pas utile d'entrer, accordait, tantôt cinquante ans, tantôt vingt-cinq ans de protection aux héritiers de l'auteur. Lors de la discussion de la loi de 1879, on avait proposé de proclamer la perpétuité (2). Dans le projet, les auteurs, pour obtenir les bénéfices promis, devaient payer un canon fiscal; faute de ce faire, ils étaient censés avoir renoncé à toutes prétentions; ces idées n'ont pas triomphé. L'article 6 de la loi décide que le droit dure pendant la vie de l'auteur et aussi pendant quatre-vingts ans après sa mort. (V. l'exposé de motifs, Diario de las Sessiones de Cortes, Appendice 7o, alinéa 49; — Ann. lég.étr. 9° ann., p. 432.) La consécration en Espagne de la perpétuité du droit des auteurs n'aurait d'ailleurs été qu'un retour à une législation antérieurement en vigueur dans le pays. Charles IV, en effet, avait établi ce système, en assimilant les œuvres intellectuelles aux autres objets sur lesquels les hommes font porter un droit de propriété. Une circulaire de 1817 avait maintenu cette décision; mais un décret du 4 janvier 1834 l'avait modifiée; les héri

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Jalisco, Durango, Tlazcala. C'est dans le titre VIII de la 2me partie (livre 2), intitulé du travail, que se trouvent les dispositions relatives aux droits intellectuels (143 articles).

(1) Il paraît qu'en Chine la perpétuité a été aussi consacrée

(2) « La commission, dit l'exposé des motifs de la loi, est tombée unanime«ment d'accord pour proclamer, comme le desideratum de la science et le << but de ses aspirations, la perpétuité de la propriété intellectuelle ; mais, « désireuse de procéder en pleine connaissance de cause, elle a consulté les << hommes les plus distingués dans les lettres et dans les arts et aussi les << ministres de Fomento et de Gracia y Justicia; et, tandis que ceux-ci s'op« posaient résolument à ce que le principe de la perpétuité fùt affirmé, il n'y « eut point, parmi les littérateurs et les artistes, l'unanimité nécessaire pour << introduire dans la loi un principe qui serait une véritable innovation. >> (Comp. le rapport Lamartine, Euv. compl. (édit Furne), t. IV, p. 355 et suiv.)

tiers ne jouirent plus alors que pendant dix ans des droits intellectuels.

346, - Ces deux législations doivent être considérées comme particulièrement favorables aux écrivains; les lois de notre pays peuvent, dans cet ordre, être immédiatement cités après elles. En vertu de la loi du 14 juillet 1866, les droits intellectuels survivent cinquante ans à la disparition de l'auteur (1).

(1) La répartition des avantages qui en découlent se fait d'une manière toute spéciale entre les héritiers et le survivant des deux époux. Le conjoint, dans les cas ordinaires, est appelé, après tous les héritiers légitimes, au partage des biens laissés par le compagnon ou la compagne de sa vie. De vives critiques ont été adressées, sur ce point, au rédacteur du Code civil ; dans le désir d'empêcher que de pareilles injustices se produisent en nos matières, la loi de 1866 a posé, dans son article 1er, les règles suivantes :

<< Pendant cette période de cinquante ans, le conjoint survivant, quel que soit le régime matrimonial, et indépendamment des droits qui peuvent résulter en faveur de ce conjoint du régime de la communauté, a la simple jouissance des droits dont l'auteur prédécédé n'a pas disposé par acte entre-vifs ou par testament. Toutefois, si l'auteur laisse des héritiers à réserve, cette jouissance est réduite, au profit de ces héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par les articles 913 et 915 du Code Napoléon. - Cette jouissance n'a pas lieu lorsqu'il existe, au moment du décès, une séparation de corps prononcée contre ce conjoint; elle cesse au cas où le conjoint contracte un nouveau mariage. Les droits des héritiers à réserve et des autres héritiers ou successeurs, pendant cette période de cinquante ans, restent d'ailleurs réglés conformément aux prescriptions du Code Napoléon. >>

Nous n'avons pas à rechercher, au milieu des questions de droit international, les interprétations que notre jurisprudence a fournies de ce texte. (V. Paris, 18 juin 1883, aff., Ponson du Terrail, Pat., 83, 265;- Pouillet, nos 205 et suiv.; Acollas, p. 74 et suiv.; - Clément, p. 123 et suiv.) Nous nous bornerons à faire remarquer le caractère exceptionnel de ces dispositions. Aucune législation ne paraît pas avoir suivi les errements de la nôtre. On s'est demandé s'il n'était point possible de justifier rationnellement cette dérogation aux lois de succession; on a prétendu, à cet effet, que le conjoint de l'auteur pouvait être considéré comme son collaborateur discret. (Comp. Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. IX, p. 458; - Boissonade, p. 354.) Cette raison ne prouve rien, parce qu'elle prouve trop. A ceux qui la produisent, il est toujours permis de demander comment il se fait que le droit du conjoint ne prend naissance qu'à la mort de l'auteur; si cet époux est un véritable collaborateur, pourquoi ne lui reconnaît-on pas immédiatement cette qualité et les avantages qui y sont attachés? (Comp. de Borchgrave, § 39, Benoidt et Deschamps, p. 70; - Morillot, Bull. lég. comp., 77, 457.) II reste donc à dire que le législateur de 1866 a voulu réparer, en ce qui le concernait, l'erreur commise en 1804; la réforme n'eut qu'un tort : elle ne fut point générale. Tout fait espérer que bientôt le progrès attendu depuis quatre

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