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rese de Iesus (Prud'homme), qut fut sa Sons Prieure, Marie de Saint François (Doson), Marguerite de Saint Joseph (de Rivière) Marguerite de Saint Elie, Claire de Jesus (Coton), Anne des Anges, et Marthe de Jesus (Bigot), Novice converse Elles estoient toutes du Couvent de l'Incarnation de Paris, à la reserve de Sœur Anne des Anges, professe de Tours, et rien ne leur manquoit des qualitez necessaires pour jetter les fondemens d'une nouvelle maison.

Estant arrivées de Mascon à Lyon par la rivière de Saone, Madame d'Halincourt leur fondatrice, accompagnée des principales Dames de la ville et de la campagne, les alla prendre dans son carosse, à la sortie du bateau, et les mena dans un logis de M. le Gouverneur son mary, joignant l'Abbaye d'Esnay, où elles demeurerent quelques semaines, en attendant que la maison qu'on leur préparoit fust accomodée. La Mere eut une extrême consolation d'estre logée si proche d'une ancienne Eglise, arrosée du sang de plusieurs martyrs : elle y pouvoit entrer à toute heure sans passer par la rue, et elle y receut beaucoup de graces. Elle visitoit souvent dans une des chapelles de cette Eglise, le tombeau de sainte Blandine, l'une des plus illustres martyres de cette grande ville, pour qui elle avoit toujours eu une particulière devotion. La Sainte la recompensa d'une marque singulière de sa bienveillance; car un jour auquel la Mere la la prioit avec grande ferveur, elle appuya sa teste sur son tombeau, et cette Sainte s'apparut à elle, luy parla assez longtemps, lui fit connoistre une partie des tourmens qu'elle avoit souffers pour IESUS-CHRIST, et luy dit, qu'elle-mesme souffriroit beaucoup pour ce divin Sauveur. Elle demeura dans un si grand ressentiment de la faveur qu'elle avoit receue de cette Sainte, qu'elle en voulut avoir l'image dans sa cellule, et l'a gardée jusqu'à la mort.

Quand la maison des Carmelites fut en estat, Madame d'Halincourt les y mena; et cette digne fondatrice pourveut avec tant d'affection et de ferveur à leurs besoins, qu'elle ne mettoit point de borne à ses liberalitez. Elle fit accommoder la petite église qui devoit servir jusqu'à ce que l'on en eust basti une plus grande; ce qui depuis a esté executé par le Mareschal de Villeroy son fils, avec beaucoup de magnificence, et elle y donna de riches ornemens, sçachant qu'un des meilleurs usages que l'on puisse faire des biens de la terre, c'est de les employer à la decoration des temples consacrez à Dieu.

Comme la Mere Magdeleine ne devoit pas faire un long sejour dans ce nouveau Monastere, elle appliqua tout son soin à en procurer l'avancement, et essaya de le mettre en tel estat, que son absence n'y púst apporter aucun préjudice. La devotion qu'elle avoit aux douleurs de la sainte Vierge, luy fit désirer que cette maison y fust dédiée, et qu'au nom de tout l'Ordre, elle rendist hommage à ce que cette divine Mere avoit souffert en la mort de son Fils. Ce dessein fut si agreable à la Vierge, qu'elle voulut le reconnoistre par une rare faveur, et se faire voir à la Mere Magdeleine,

avec son fils mort entre ses bras. Pendant que le Cardinal de Marque mont, Archevesque de la ville, dit la première Messe et posa le saint Sacrement dans la petite Eglise du nouveau Monastere, nostre B. H. tomba dans un grand ravissement qui luy dura plusieurs heures, et l'on croit que ce fut dans ce mesme temps qu'elle receut cette grace signalée de la Mere de Dieu, qui luy laissa une nouvelle devotion à ses mesmes douleurs et à ses paroles qui les expriment si bien; dont elle conceut une haute et claire intelligence, et les porta imprimées dans son cœur tout le reste de sa vie. Ne vocetis me Noëmi, id est pulchram, sed vocate me Mara, id est amaram, quia amaritudine valde me replevit omnipotens. Ne m'appelez point Noëmi, qui veut dire belle, mais appelez moy Mara, qui veut dire amère, parce que le Tout-puissant m'a remplie de beaucoup d'amertume.

Le Monastere de Lyon estant fort avancé par les soins de nostre B. H. elle se disposa pour retourner à Paris, où sa presence estoit necessaire pour resoudre quelques difficultés qui retardoient la fondation d'un second Monastere que l'on y vouloit établir: elle sceut neanmoins de sainte Magdeleine, qui lui apparut une seconde fois, que cette affaire auroit un heureux succès, et que Dieu l'avoit choisie pour la terminer; car cette illustre amante de IESUS-CHRIST traitoit si familièrement avec celle qui luy estoit associée en amour, qu'elle l'informoit souvent des volontez de celuy qui en estoit l'unique objet, et luy servoit de conseil dans les plus importantes affaires de l'Ordre.

Son départ qui approchoit, donnoit de grandes inquietudes à Madame d'Halincourt et à toutes les Religieuses; et quoy,qu'elles s'y deussent attendre, elles eussent eu grande peine à s'y resoudre, si la Mere ne les eût fortifiées par ses raisons. Elle laissa pour prieure en sa place la Mere Terese de lesus, qui estoit sa Soúprieure, et la sœur Marie de Saint François pour Souprieure, à qui elle donna tous les avis necessaires pour se bien acquitter de leurs charges. Madame d'Halincourt qui avoit toujours apprehendé cette separation, ne put se resoudre à luy dire adieu, et la pria de la surprendre, ce qu'elle fit, et partit de Lyon lors que cette Dame s'y attendoit le moins. L'absence de la Mere ne diminua point la charité de cette Fondatrice pour la maison, qu'elle continua d'assister comme elle avoit si bien commencé. Lors qu'elle tomba malade de la maladie dont elle mourut, elle se fit souvent porter au Couvent pour s'entretenir avec les Religieuses, à qui elle declara le desir qu'elle avoit d'y estre enterrée, et l'ordonna par son testament de peur que M. d'Alincourt ne la fist inhumer dans l'une de ses maisons, où ses predecesseurs avoient choisi leur sepulture. Elle mourut un an et demy après l'établissement du Monastere de Lyon, ayant esté indisposée pendant tout ce temps si bien qu'il semble que notre Seigneur ne prolongea sa vie que pour accomplir ce bon œuvre, dont elle receut une extrême consolation à sa mort. Elle donna, outre les autres

charitez qu'elle fit au Monastere, une somme fort considérable pour acquerir la qualité de Fondatrice, ce que nous avons cru devoir inserer en ce lieu pour une marque publique de la reconnoissance des Carmelites envers cette illustre Dame, et pour obliger celles qui liront cet ouvrage à donner quelques prieres à une personne qui l'a si bien merité de tout l'Ordre.

Pour reprendre la suite de nostre discours, la Mere partit de Lyon au mois de luillet mil six cens dix-sept, laissant dans cette grande ville une merveilleuse odeur de sa sainteté.

La première novice que reçut à Lyon la Révérende Mère Madeleine de Saint-Joseph, est Marthe de l'Incarnation Nau, qui prit l'habit au monastère de Notre-Dame de la Compassion le 18 octobre 1616, et en fut la deuxième professe, la première étant la sœur du voile blanc Marthe de Jésus Bigot, qui avait pris l'habit au couvent de l'Incarnation de Paris, le 29 juillet 1616 pour venir à la fondation de Lyon, où elle fit profession le 6 août 1617. La Révérende Mère Marthe de l'Incarnation fit sa profession le 19 octobre 1617, fut élue sous prieure le 26 mars 1619', puis prieure le 26 février 16232. Elle partit du monastère de Lyon le 23 juillet, 1625, pour aller fonder celui de Marseille, qu'elle gouverna pendant sept aus. Élue prieure du couvent de la Mère de Dieu, à Paris, elle résida dans cette maison jusqu'à sa mort arrivée le 12 mai 1652. Elle était âgée de cinquante huit ans et de religion trente-cinq ans. Son portrait, peint après son décès, est conservé au Carmel de Lyon.

Le monastère de Notre-Dame de la Compassion a atteint son apogée sous la direction de l'arrière-petite-fille de ses fondateurs, la Révérende Mère Madeleine Eléonore de Jésus de Neufville de Villeroy, qui en fit reconstruire les bâtiments. claustraux sur un plan grandiose et monumental. Au sujet des présents que le Consulat faisait chaque année à la Révé

1 En remplacement de la sœur Marie de Saint-François qui partait pour une no velle fondation.

2 En remplacement de la Mère de Jésus qui partait pour la fondation de Marseille.

rende Mère de Villeroy, à l'occasion du premier jour de l'an (voir page 38), nous devons faire observer que les objets qui entraient dans leur composition et dont l'usage est interdit aux Carmélites, n'étaient acceptés que dans le but de procurer quelques adoucissements aux malades ou pour être donnés en aumônes.

Mais si les constructions du monastères étaient vastes et bien disposées, par contre ses revenus étaient insuffisants pour assurer leur entretien. Aussi lorsqu'à la suite des grosses réparations et reconstructions que la communauté se trouva dans la nécessité de faire exécuter vers 1761, pour prévenir la ruine d'une partie des bâtiments, fut elle obligée d'emprunter une forte somme pour le paiement de ces travaux. En 1778, dans sa détresse, elle sollicita de l'administration diocésaine un secours qui lui permit d'éteindre en partie les dettes qu'elle avait été dans l'obligation de contracter. La situation du monastère était si précaire, que lorsque la sœur Marie-Joséphine de Saint-André Yon de Jonage fut élue dépositaire, le 18 octobre 1782, elle trouva le dépôt sans argent et avec 40.000 livres de dettes. Sa sage économie, son industrieuse prévoyance, les personnes qu'elle eût le talent d'intéresser à la détresse de la communauté, lui permirent non seulement de liquider la plus grande partie des dettes, mais encore de faire exécuter les réparations nécessaires. A sa sollicitation Mm de Monteynard, abbesse de Saint-Pierre-les-Nonnains, pro ura à diverses reprises des secours importants à la communauté', et continua d'assister les religieuses après leur expulsion en 1792; Mme de Monteynard a donc acquis, à bien juste titre, celui de bienfaitrice des Carmélites de Lyon.

Nous avons trouvé dans les carnets de comptes,

1 M de Monteynard ayant prêté aux Carmélites diverses sommes dont le total atteignait 28000 livres, leur érivit alors avec une noble générosite de n'être point en peine des emprunts qu'elles ne pouvaient lui rembourser, qu'elle les entenait quittes, et que a tous les billets etaient au feu ».

tenus par la sœur Thérèse de Saint-Albert Deville qui a été dépositaire de 1790 à 1816, de curieux et intéressants renseignements sur l'état de la communauté pendant cette période, la situation précaire des religieuses et les divers domiciles qu'elles ont habités successivement jusqu'au moment où elles purent se réunir de nouveau, en clôture, dans la maison de la Providence. Malheureusement nous n'avons pas eu connaissance de ces documents assez à temps pour les utiliser à la place qu'ils devraient occuper, ce qui nous oblige de les donner ici, sous formes de notes complémentaires.

NOTES COMPLÉMENTAIRES

SUR LA SITUATION DE LA COMMUNAUTÉ DES CARMELITES DE LYON DE 1790 A 1816

Lorsqu'en juin 1790, au nom de la Nation, le district de Lyon déposséda le monastère des Carmélites de tous ses revenus, au moment où la communauté se disposait à percevoir les rentes semestrielles qui formaient ses seules ressources, les religieuses se trouvèrent dans une grande pénurie et sans moyens d'existence. La soeur de Jonage, alors dépositaire, ne crut pas devoir faire connaître immédiatement la triste situation de la communauté dans la crainte d'éveiller les susceptibilités de l'administration qui en était cause; mais après quelques semaines, cet état de choses s'étant ébruité au dehors du monastère, les familles des religieuses et de nombreux bienfaiteurs leur vinrent en aide. Le premier secours qu'elles reçurent fut un assignat de 200 livres, envoyé par Messieurs du séminaire de Saint-Irénée; Me Duculty leur apporta vingt-cinq louis aussitôt qu'elle apprit leur détresse. Enfin le Directoire du département prenant en considération la supplique qu'elles adressèrent au président du District de Lyon, leur fit délivrer

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