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et l'Archevêque de Lyon ont pour la memoire de cet incomparable Défunt, leur piété n'a pas moins paru, par la beauté et la richesse des ornements dont ils ont voulu que les Autels fussent parés, et les Officians revestus pendant cette sainte et lugubre Ceremonie.

« Le Grand Autel et celuy de la Chapelle étoient ornés dessus et au devant de leurs retables chacun d'un grand drap mortuaire de dix aunes en carré de velours noir, chargez dans leur estendüe d'une Croix de moëre d'argent de sa longueur, entouré d'un grand galon d'argent, accompagné dans le milieu des quatre cantons desdits draps de quatre Ecussons aux armes dudit Défunt, de deux pieds en carré, d'une très-riche et fine broderie; et lesdits draps, en tout leur contour, terminés par une bordure d'hermine de sept à huit pouces de large. Les deux devants d'Autels estoient du même velours, avec de pareilles Croix de moère et quatre Ecussons moindres, mais de la même broderie que ceux des draps. Les ornemens servans aux Officians estoient des mêmes velours et moëre, frangés, galonnés, et houppés d'argent, ce qui faisoit une uniformité et une richesse égale dans tout ce qui servit à l'Office, qui fut fait par Messieurs les Doyen et Comtes de Lyon; lesquels s'estant toujours fait un point d'honneur et de joye de donner des preuves de leur affection envers ledit Seigneur Archevêque, et toute l'Illustre Maison de Villeroy, en ont fait éclater de nouvelles dans ce te triste occasion. Ils partirent processionnellement de leur Eglise de Saint-Jean, et allèrent à l'Église des Carmelites, où Monsieur l'Archevêque de Lyon s'estoit auparavant rendu et mis dans un banc qui luy avoit esté preparé du costé droit et à la teste de Messieurs les Comtes de Lyon et du Clergé, vis à vis du bout du Mausolée qui faisoit face au Grand Autel, avec un prié Dieu dans ledit banc, le tout couvert d'un grand tapis de velours violet, et garni de trois carreaux de même, dont celuy dudit prié Dieu estoit couvert de crespe. Messieurs les Comtes et leur Clergé dans leurs habits ordinaires estant entrés, prirent les places qui leur estoient destinés sur quatre grands bancs couverts de drap noir, deux de chaque costé dudit Mausolée, et les Enfants de Choeur se rangerent dans lespace qui estoit de six pieds de large entre lesdits bancs et ledit Mausolée.

<< La Grille du Choeur des Dames Religieuses parût ouverte; on les vit venir toutes avec un cierge à la main se mettre à genoux, cachées de leurs voiles, au devant de ladite Grille, où elles demeurerent en cet estat pendant le Service.

« La Noblesse tant du Païs que de la Ville, à la teste de laquelle estoient Messieurs le Marquis de la Baume, et le Chevalier de Courcelles, se rangerent en des bancs qui estoient derrière ceux où se mirent Messieurs de Saint Jean.

« Du costé droit de l'Autel estoit Monsieur le Comte de la Chaise, Seneschal, à la teste du Presidial, et derriere ledit Presidiai les Eslus; A la gauche dudit Autel estoient Messieurs du Consulat dans les bancs qui leur estoient preparez, et ensuite les Exconsuls; Vis à vis dudit Autel, peu au dessus du Mausolée, estoient dans un banc séparé les Trésoriers de France.

<< Ceux desdits Sieurs Comtes qui devoient officier allèrent se revestir à la Sacristie, d'où sortirent un peu aprés quatre Chappiers; scavoir deux desdits Sieurs Comtes, et les sieurs Sousmaistre, Scholastique, qui s'allérent placer au désous dudit Mausolée, sur un banc tapisé de noir, au milieu des deux Choeurs et de tout le Clergé tenant des cierges en main; Cependant partirent de ladite Sacristie le Bastonnier de leur Église, en robbe avec une Masse d'argent, precedant les deux Accolites qui estoient suivis de deux Sousdiacres revestus, marchans ensemble devant un desdits Sieurs Comtes aussi revestu d'habit de Sousdiacre; Après eux marchoient deux Diacres avec les habits de leur ordre devant un autre desdits Sieurs Comtes faisant le Diacre, après lequel estoient ensemble deux Prestres revestus d'habits sacerdotaux, precedant Monsieur le Doyen qui estoit suivi de son Aumônier en surplis; Messieurs les trois Comtes susdits estoient mîtrez suivant l'usage de l'Eglise de Lyon; tous lesdits Officians s'allérent placer aux lieux destinés pour les fonctions de leurs ministeres, ausquels ils vacquerent jusques à l'Offertoire, entre laquelle et la Preface fut prononcé l'Oraison Funebre par le Pere David de l'Oratoire qui s'en acquitta très-dignement, et ensuite la Messe fut continuée et achevée. A la fin d'icelle ledit Sieur Doyen revestu d'une Chape se rendit avec les autres Officians à costé dudit Mausolée à main gauche d'iceluy, accompagné des Prestres, des Diacres et Sous

diacres, et autres Officians qui l'avoient assisté à la celebration de la Messe à la manière cy-dessus, et aprés que les Prières à l'usage de l'Eglise de Lyon par lesdits Sieurs furent chantées, et les Oraisons dites par ledit Sieur Doyen, le Chœur psolmodiant, l'on sorti dudit Mausolée les Corps dudit Seigneur Mareschal et de Madame la Mareschale; et ce pendant les Officians, les Prestres, Diacres et Sousdiacres, que Chappiers allerent, precedés de la Croix, se ranger dans la Chapelle à l'entrée de la cave où les Corps furent incessamment portés par les Officiers et domestiques de la maison des Défunts, les quatre coings des draps mortuaires par quatre Gentilshommes jusques à ladite Cave, dans laquelle lesdits Corps furent mis dans leurs places par six hommes revestus de noir à neuf, et destinez à cét office.

« Monseigneur l'Archevêque et tout le Clergé demeurerent dans leurs sièges jusques à ce que les Corps du Presidial, de la Ville, des Tresoriers et de l'Eslection fussent retirés; et finalement lesdits sieurs Doyen et Comtes de Lyon s'en retournerent procession nellement dans leur Eglise de Saint Jean comme ils cn étaient partis.

<«< Ainsi finit cette triste et celebre action, où l'on peut asseurer que Monseigneur l'Archevêque de Lyon a donné des témoignages d'une tendresse particulière pour Monsieur le Mareschal de Villeroy son frère, le Clergé et Messieurs de Lyon des marques d'un veritable zele pour leur Gouverneur, et d'un regret extrême de la mort d'un si Grand et si bon Seigneur qui meritoit de vivre des siècles entiers, ainsi que fera sa memoire et celle de son Illustre Maison.

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Pour conserver à la postérité le souvenir des honneurs funè

bres rendus à la mémoire du premier maréchal et duc de Villeroy, le Consulat prit la délibération suivante :

Du Jeudy vingt quatriesme janvier mil six cens quatre vingt e! six, avant midy en la ville de Lyon y estans: Messieurs Pecoil, Prevost des Marchands, Gayot, Ravat, Basset, Genevay, Eschevins.

Lesdits sieurs ayant estė priez de la part de Monseigneur l'Archevesque Comte de Lyon, Primat de France, Commandeur des ordres du Roy, Lieutenant ge. neral pour sa Majesté au gouvernement de ladite ville de Lyon, provinces de Lyonnois, Forestz et Beaujolois, comme les autres Compagnies, d'assister à la pompe funebre de Monseigneur le Mareschal de Villeroy, Duc et Pair de France, Chevalier des ordres du Roy, Chef du Conseil Royal de ses Finances, Gouverneur de ladicte ville de Lyon et des provinces de Lyonnois, Forestz et Beaujolois, dans Lesglise des Religieuses Carmelites, s'y sont rendus assistez des officiers de la Ville revestus de leurs robes consulaires violetes, accompagné des sieurs exconsuls portans leurs robes noires, ayant a leur teste leurs mandeurs avec leurs robes manches a baguetes, ou ils ont trouvé Messieurs les anciens Prevosts des Marchands placez dans un banc derriere celuy qui avoit esté preparé pour ledit Consulat a la gauche du grand autel. Monsieur le Comte de la Chaize, seneschal de Lyon et Messieurs du presidial s'y estoient rendus et avoient pris leurs places a la main droite dudit grand autel sur les bancs qui leur estoient destinez. Messieurs les Tresoriers de France s'y sont de mesme transportez et ont esté placez dans des bancs vis-àvis ledit grand autel entre Messieurs du presidial et Messieurs de la Ville; et derriere Messieurs du presidial estoient placez Messieurs de l'eslection. Monsieur l'Archevesque estoit assis a la droite avec les officiers de ses gardes, ses gentilhommes et ses gardes la carrabine sur l'espaule autour de luy, a la teste de Messieurs les Comtes de Saint-Jean qui estoient venus en procession officier, faisant cœur autour du mauzolée. Derriere luy estoient placez Messieurs de La Baume, de Courcelles et force gens de qualité. De l'autre costé de Lesglise derriere Messieurs de Saint-Jean il y en avoit encores un grand nombre tant de la province que de la ville. Apres que tout a esté placé dans un fort bon ordre l'Office a esté entonné par Messieurs Les Comtes de SaintGeorge, nommé à L'evesché de Clermont, Precenteur, et de Charmazel, Chantre; Monsieur le Doyen a dit la messe avec deux desdits sieurs Comtes qui luy servoient de diacre et sous diacre. L'Evangile dit et l'ablution faite, Messire Paul David, prestre de l'Oratoire, a prononcé une tres eloquente oraison funebre a la memoire de Monseigneur le Mareschal. Apres avoir repassé outes les belles actions de sa vie, il ne pouvoit donner une meilleure opinion de la droiture de son cœur qu'en faisant apercevoir qu'il ne s'est ataché qu'a meriter des honneurs et des dignitez avec toute la religion possible, puis qu'il na laissé après avoir esté gouverneur de sa Majesté a vingt-quatre ans, Chef de son Conseil, que les mesmes biens qu'il avoit reçu de ses pères. L'Office ayant esté continué et finy, Monsieur Le Seneschal, Messieurs du presidial, Prevost des Marchands, Eschevins, Officiers et Ex-consuls sont sortis assavoir: Ledit sieur Seneschal, le Lieutenant general et le Prevost des Marchands ensemble, et le reste du Consulat estant a la gauche de Messieurs du presidial en execution de l'arrest du Conseil du quatorziesme avril mil six cens quatre vingt et un, ensuite desquels alloient lesdits sieurs Eslus. Lesdits sieurs Tre

soriers de France sont sortis par la sacristie ainsy que les anciens Prevosts des Marchands. Lesglise estoit tapissé de haut en bas de drap noir avec trois Lets, deux de velours avec des franges d'argent et un d'hermine, tous trois couverts d'un nombre infiny d'armoiries grandes et petites soutenues par des pantes de Crespe voltigeans partout jusques au haut de la voute de Lesglise avec deux rangs de cierges autour.

Celui d'en haut separé par de tres gros flambeaux de cire blanche. Le grand autel orné de quantité de chandeliers d'argent et d'un parement de velours avec une croix de toile d'argent et les armes dudit seigneur aux quatre coings avec une broderie tres riche, de mesme qu'aux ornemens des officians et que ceux de la Chapelle qui estoit tendue et illuminée comme Lesglise. Au milieu de ladite esglise il y avoit un mauzolée ou reposoient les corps de Monseigneur Le Mareschal et de Madame La Mareschale, avec une grande illumination et un daix au dessus de velours noir. Lon peu dire avec raison que jamais Lart n'a esté soutenû avec plus de magnificence, de bon gout et de propreté, le tout par les soins et suivant le dessin qu'en a donné le sieur Blanchet, peintre ordinaire du Roy et actuellement de cette dite ville. Dont a esté fait le present acte pour y avoir recours quand il sera nécessaire.

Signé PECOIL DE VILLEDIEU, Gayot, Ravat, Basset, Genevay. (Registres des actes consulaires, année 1686, folio 16).

Camille de Neufville, archevêque de Lyon, abbé d'Ainay et de l'Ile-Barbe, mourut le 3 juin 1693 dans l'hôtel de Villeroy, place du Gouvernement. Ses entrailles furent enterrées dans la cathé drale Saint-Jean, son cœur fut déposé dans l'église de Neuville qu'il avait fait bâtir, et son corps porté aux Carmélites et inhumé dans la chapelle de Villeroy destinée pour la sépulture des membres de sa famille.

Il était né à Rome, le 22 août 1606, pendant l'ambassade extraordinaire de son père auprès du pape Paul V qui fut son parrain. Il n'avait que cinq ans lorsque Louis XIII le nomma à l'abbaye d'Ainay en 1611; Paul V lui donna un bref de dispense pour porter ce bénéfice avant l'âge canonique (Germain Guichenan, Vie de Camille de Neufville).

En 1618, Antoine de Nérestan, abbé de l'Ile-Barbe, résigna son titre en faveur de Camille qui, deux ans plus tard, en 1620, fit reconstruire l'église de cette antique abbaye que les protes tants avaient démolie en 1562.

(PERICAUD, Notice sur Camille de Neufville) Nommé lieutenant de Roy au gouvernement de Lyon et des provinces de Lyonnais, Forez et Beaujolais, le 6 mai 1646, puis promu archevêque de Lyon, le 26 mai 1653, Camille de Neuf

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