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Cour honorerait de son choix pour le bien de ladite ville, conserverait le rang qu'il aurait eu par son doctorat, avant l'introduction de ladite aggrégation, duquel il ne peut estre privé par les autres médecins, sans une contrevention manifeste au dit arrest, laquelle, si elle était tolérée, fermerait l'entrée, à l'advenir, à tous les médecins de réputation, au lieu de les attirer au service du public, suivant l'esprit du dict arrest, n'y en ayant aucun, qui voulut se résoudre à quitter ses anciens emplois, pour n'avoir autre rang dans la dite ville, qu'après tous les autres aggrégés, qui est la cause qu'il requiert d'y pourvoir....

Notre dicte Chambre, de l'advis de celle de l'édit entérinant la dite. requeste, ordonne que les arrests du 11 avril 1620 et 16 mars 1674 seront exécutez selon leur forme et teneur et ce faisant que le dit Monin pour provision, conservera son rang du jour de son doctorat, dans toutes les consultations et examens des appoticaires et chirurgiens ».

Le livre de Monin sur le Lys des Etangs n'était pas de nature à lui susciter beaucoup de jaloux ; c'est une mauvaise amplification sur deux ou trois idées. fausses. Un seul passage est digne d'être relaté ici, à titre documentaire : c'est celui qui est consacré à de Villefranche, dont il fait le plus bel éloge. La citation n'a d'intérêt qu'à ce point de vue il s'agit, pour Monin, de montrer les dangers du sirop de pavot blanc et même du sirop de nymphæa chez les femmes en couches; or il s'appuie sur l'autorité de Villefranche: «S'il ne tenait, dit-il, qu'à citer des authrorités de sçavoir de nos jours, on en pourrait appeler, avec bien de justice, à un grand homme d'illustre et de fraiche mémoire, qui a pratiqué pendant près de quarante ans la médecine en cette ville, avec l'applaudissement général des grands et des petits; son nom était connu (il met en marge: M. de de Villefranche) aussi bien au-delà des monts que dans tout le royaume, la renommée l'ayant porté jusques dans le cabinet du Prince, dont la Majesté a bien voulu luy accorder l'honneur de son estime. Il y a une infinité de témoins vivans de sa manière de pratiquer, qui peuvent asseurer, qu'il ne s'est jamais abandonné à des coups de cette nature, et les restes précieux des productions de son bel esprit ne sont point souillés de semblables imprudences >>

Un autre médecin du collège eut également à lutter, avec quelques-uns de ses confrères et avec les pharmaciens; c'est Jacques Massard, un protestant.

Le titre de l'ouvrage qu'il a laissé ne le recommande guère (1). Mais

(1) Panacée ou discours sur les effets singuliers d'un remède expérimenté et commode pour la guérison de la plupart des longues maladies, même de celles

l'auteur semble surtout avoir voulu flétrir la polypharmacie de son temps. et faire la critique des usages du corps de la médecine. Bien que ce petit livre soit gâté par le charlatanisme, il contient néanmoins beaucoup de bonnes choses.

Dédié à Madame la conseillère de la Martellière, dame de Laval, SaintEtienne et autres lieux..., il donne d'abord la parole, suivant l'usage consacré, à la Muse... de la réclame :

Mortels, qui gémissez sous les vives douleurs

D'un venin obstiné, d'une fièvre incu able,

Mortels qui, pour guérir d'un mal qui vous accable

N'avez, pour tout secours, que l'usage des pleurs,

Mortels qui flétrissez comme les belles fleurs,

Qui souffrent du raidy l'ardeur impitoyable,

Vous enfin qui, fuyant et le lit et la table,

Perdez en peu de temps vos plus vives couleurs,
Cessez, cessez vos cris; abandonnez vos plaintes
Vos maux vont prendre fin et toutes leurs atteintes,
Se peuvent éluder par le secours de l'art.

Et cet art merveilleux, fils de la pensée,

Se trouve renfermé dans cette Panacée

Que vous offre aujourd'hui le médecin Massard.

Il va jusqu'à imprimer ce détestable anagramme:
Jacques Massard médecin

A acquis de remèdes amis.

et termine « les prolégomènes » par un article-réclame, article de fonds, sans doute moins cher alors qu'aujourd'hui, qui nous initie aux mœurs du journalisme naissant; cet article flatteur, sorte de compte rendu sommaire du livre, lui est envoyé par le signataire M. de Blegny, chirurgien ordinaire du corps de Monsieur, directeur de l'Académie des nouvelles découvertes en médecine (?), à Paris, devant le Palais-Royal. C'est un extrait du Journal de médecine du mois d'août1681, p. 378, où il a paru sous le titre Nouveautés.

Mais laissons la réclame. Je ne parlerai pas non plus de la panacée « bezoar ou élixir composé des esprits doux de quelques minéraux ». Je ne dirai pas avec l'auteur qu'elle guérit « l'obstruction des entrailles, la jaunisse, les pales couleurs des filles et la suppression de leurs mois, les douleurs d'estomac et le dégout, même celui des femmes enceintes.

les palpitations de cœur, les vapeurs de mères.... » Je n'ajouterai pas « que l'on donne ce remède en petite quantité, que l'on n'est pas obligé d'observer aucune précaution. Que l'on n'exige rien, ny pour

qui semblent incurables. Par Jacques Massard, docteur en médecine, agrégé au collège de médecine de Grenoble, 1679. Chez l'auteur, rue Brocherie. 1 vol.

les frais du remède, ny pour les soins qu'on prend des malades, qu'après guérison ». Nous en tirerons du moins cet enseignement que les modernes charlatans n'ont rien inventé.

Mais quand on a laissé de côté tout ce fatras, on lit avec plaisir cette profession de foi, qui était bien de mise dans la ville où avait été institué le corps de médecine: « Les médecins ayant divisé la médecine en pharmacie, en chirurgie et en diète, ils ont abandonné la pharmacie aux apothicaires, la chirurgie aux chirurgiens, et se sont réduits volontairement à la diète. La médecine ayant été séparée en trois parties et ayant été donnée à exercer à trois personnes différentes, je ne pense pas qu'on puisse appeler aucune de ces trois médecin: la médecine est composée de ces trois parties jointes ensemble, et il est nécessaire qu'un médecin les possède toutes les trois ». Cette conception de la médecine, qui est celle d'Hippocrate, et la seule vraie, était très avancée pour l'époque où il la formulait. Entraîné plus loin qu'il pensait par son admiration pour le médecin complet, il va même jusqu'à vouloir qu'il prépare lui-même chez le malade « des remèdes faciles et plus asseurés »; « s'il y avait quelque chose chez l'apoticaire qu'on jugeât nécessaire, on pourrait le faire acheter comme chez un marchand. » C'est pourquoi, dit-il en terminant, « il faudrait anéantir le contrat ridicule qui fut fait entre les médecins et les apoticaires de cette ville en 1620, par lequel les médecins de ce temps-là se condamnèrent volontairement à payer une amende, s'il leur arrivait de donner quelque remède ou d'en faire chez les malades ».

Il est aisé de deviner, que les apothicaires ne l'aimaient guère. Ses confrères ne l'aimaient pas davantage; tous auraient dù cependant lui pardonner pour le passage suivant, qui, résume si bien une situation encore assez fréquente, mème de nos jours: « Les malades font venir d'abord leur apothicaire qui, n'ayant d'ordinaire aucune connaissance des maladies ny des bons remèdes et n'ayant pour but que de débiter ses drogues, traite le malade suivant son caprice et lui fait faire très mauvaise chère et beaucoup de dépenses. Le malade empirant pour cette mauvaise conduite, appelle le médecin qui, dans la vigueur du mal et contre le précepte d'Hippocrate, ordonne presque toujours la réitération de la saignée, de la purgation et du lavement, de peur de paraitre inutile et que le malade ne vint à mourir sans remèdes. La réitération de ces mauvais remèdes étant inutile ou plutôt désavantageuse et le mal augmentant tous les jours, on appelle plusieurs médecins en consulte.

Mais il y a tant d'envie et de jalousie parmy les docteurs, que la plupart seraient bien marris que le malade vint à guérir par l'avis ou par

le remède de son collègue et, comme on fait ces consultes en public, chacun soutient son opinion avec opiniâtreté et tâche de l'emporter sur son compagnon, quand le malade en devrait mourir. De sorte que le malade venant à mourir, on a juste sujet de dire avec Mollière, qu'il est mort de quatre médecins et de deux apothicaires ».

<< Sans doute, les consultes sont nécessaires en beaucoup d'occasions, mais, pour éviter les abus qui s'y ccmmettent, il faudrait appeler des médecins qui fussent bien ensemble..... ... Mais ceux qui se servent de plusieurs médecins tombent ordinairement dans les fautes de tous les médecins qui pluribus medicis utuntur in singulorum errores incidunt) et dans le malheur de Trajan, qui fit graver cette épitaphe sur son tombeau : La multitude des médecins a tué l'empereur ».

Je crois, qu'en réalité, la vraie qualité de la Panacée de Massard, c'est qu'elle ne contenait rien, que quelque laxatif hygiénique, associé à quelques aromatiques et stimulants, pour parler l'ancien langage: il évitait de nuire aux malades par les drastiques intempestifs, trop souvent réitérés et par les saignées faites à tout propos; il aimait assez volontiers la médecine expectante, attachant une assez grande importance à ce qu'on nomme aujourd'hui l'« antisepsie intestinale»: « la cause de la plupart des maladies se rencontre, dit-il, dans les parties du bas-ventre, parce que c'est dans cette partie que s'engendrent les levains des premières digestions ». Nourri d'ailleurs de la lecture de Van Helmont, il parle presque comme nous-mêmes de levains et de ferments. «Non seulement nous naissons et nous sommes nourris par le moyen des ferments, mais aussi nous mourrons par ce même moyen; chaque maladie excite en nous ses tragédies par quelque levain.....

Malheureusement le livre se termine, non par des observations, mais plutôt par des attestations ou au moins des mentions de guérison, qui ne prouvent absolument rien. Il a guéri Mme de Puigiron, Mme de la Rouillière, fille de M. le conseiller de Bardonnanche; la fille du sieur Clerget, maitre chirurgien en cette ville; M. Antoine Vallin dit la Violette, qui blanchit les peaux à Saint-Laurent; la femme du sieur Verdier, impriet il continue ainsi, désignant chacun par son nom, allant même jusqu'à apprendre à toute la ville, qu'il a guéri la femme du sieur Abren, receveur des tailles,... ... « d'une constipation extrême ». Nous avons vu tout à l'heure, parmi les signataires de la plainte portée contre l'apothicaire Delorme, figurer un nom nouveau, c'est celui du médecin Gigard Il était alors agrégé au collège de médecine. Son père avait été médecin, mais je ne pense pas que ce fût à Grenoble. Il parle plu

meur....

sieurs fois de lui et nous dépeint « le sieur Louïs Gigard, son père », comme convaincu de l'importance « des lumières de l'astrologie »; c'est elle qui, en médecine, « a été l'étoile polaire du sieur Louïs Gigard, pour extirper les maladies en tous les lieux où ses ordonnances sont arrivées ». Il avait donc exercé dans divers pays.

Lui-même, il avait beaucoup voyagé, car il prie « d'excuser son langage corrompu, à cause de ses longues absences hors du royaume ». Entre autres pays, il avait exercé en Piémont: il nous ditmême quelque part: « J'ai renvoyé, ces jours passez, 3 messagers qu'on m'envoya de ce païs-là, pour me prier d'y retourner pour combattre les malignités qui le détruisent ». Il avait enfin, un peu partout, « traité plus de 50.000 personnes en plusieurs années! » Expression un peu hyperbolique, ce semble. Quoi qu'il en soit, c'est à Grenoble, « en cette ville où, depuis quelques mois j'habite », qu'il publie le livre dont je vais dire un mot.

Son titre est toute une table des chapitres (1). Il est dédié à « Messeigneurs du Parlement du Dauphiné ». Dès le début, il montre l'importance de la médecine: «Que la philosophie, dit Quintilien, soit une grande chose, elle regarde peu de personnes; que l'éloquence soit admirable, il n'y a pas moins de ceux à qui elle est nuysible, que de ceux à qui elle est profitable. Il n'y a que le seul médecin qui est nécessaire à tous les hommes >>. Quelle que soit la conviction de l'auteur sur l'utilité de la médecine, son titre, suffisamment suggestif, nous dit assez que nous ne trouverons rien qui nous intéresse chez cet ennemi de la théorie d'Harvey, « qu'il combat et détruit » (?), chez ce « partisan de la saignée au pied, plustòt qu'au bras » et réciproquement. Néanmoins, dans les symptômes qu'il expose « plus clairement que les rayons du soleil », on peut reconnaître la fièvre typhoïde au cours de laquelle il saignait largement : « Il est mort, dit-il, dans cette ville, beaucoup de personnes du menu peuple qui n'ont point

(1) Traitté des maladies du temps, où l'auteur explique en général les causes des pleurésies, rhumes, fièvres catharales et autres qui ont régné cet hyver, conformes à la propriété du temps et de la saison, et qui règnent à présent, à cause de quelques dépendances qu'elles ont des corps supérieurs.

Il résout la difficulté des saignées en ces maladies courantes.

Il décide encore la question très difficile, s'il faut saigner au bras ou au pied les femmes atteintes de ces maux, pendant le flus de leurs mois ou de leurs lochies.

Il combat et détruit l'opinion de la circulation universelle du sang.

Ensuite il décrit en général la nature, causes et effets des fièvres véritablement malignes, qui règnent à présent et propose la méthode très facile de les guérir. Par A. GIGARD, docteur en médecine, à Grenoble.

Chez P. Fremon, imprimeur du roy; pour Monseigneur, le duc de Lesdiguières et nos seigneurs de la Chambre des comptes, rue Chenoise, en l'Hôstel de Chevrières, M D C L XX V I. (Bibliothèque de Grenoble, 0, 3813).

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