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III

Revenons donc à Grenoble et voyons ce qui s'y passsait, tandis que s'élaborait à Paris cette lente édification des Ecoles préparatoires.

Par suite de la nouvelle affectation de Saint-Robert, le cours départemental d'accouchement qui se faisait dans cet asile au service des fillesmères est fait maintenant à l'Hôpital, et le Dr Aribert-Dufresne est nommé professeur de ce cours. Mabboux est nommé professeur adjoint.

Albin Gras continue ses travaux personnels. Il publie une note sur les oursins fossiles du département (1); il donne une étude d'histoire sur Grenoble depuis la suspension de Louis XVI jusqu'en Thermidor (2). Enfin dans une étude purement médicale sur la topographie médicale de Grenoble (3), le médecin, souvent caché derrière le naturaliste, reparait sans que celui-ci masque toutefois celui-là, car il montre que le climat de Grenoble a permis l'acclimatement d'insectes et de plantes de la Provence Convolvulus cantabrica; Rhamnus alaternus; Olyris alba; Pistacia terebinthus.

Entre temps, Gras poursuit ses études de géologie et signale dans l'arrondissement de Grenoble quelques fossiles nouveaux Ostrea columba et Holaster subglobulosus.

A. Charvet publie un volume important sur la statistique générale du département de l'Isère (4). Il donne une note assez intéressante sur une variété noire de la vipère commune signalant dans la haute montagne des environs de Grenoble des individus noirs, généralement moins grands que

(1) ALBIN GRAS: Description des ossements fossiles du département de l'Isère, précédée de notions élémentaires sur l'organisation et la glossologie de cette classe de zoophytes, Grenoble 1846.

(2) Deux années de l'Histoire de Grenoble, depuis la suspension de Louis XVI (10 août 1792) jusqu'à la chute de Robespierre (5 thermidor an II), par Albin Gras, docteur és sciences, docteur en médecine de la Faculté de Paris, professeur à l'Ecole de médecine de Grenoble, ex-président de la Société de statistique de l'Isère, 0, 2789.

(3) Essai sur la topographie médicale de la ville de Grenoble, par le Dr Albin Gras, 0, 3816.

(4) Statistique générale du département de l'Isère publiée sous la direction de M. Pollenc, préfet de l'Isère; par M. Gueymard, ingénieur des mines, A. Charvet, docteur en médecine, professeur à la Faculté des sciences de Grenoble et à l'Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie; Pilot, homme de lettres, et Albin Gras, docteur en médecine et ès sciences, professeur à l'Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie de Grenoble, vice-secrétaire de la Société de statistique, T. II.

ceux de l'espèce commune. A la même époque, il publie un travail sur un cas d'inversion splanchnique générale (1); entre temps il s'occupe de fouilles palethnologiques (2).

Son neveu, J.-B. Charvet jeune, préparateur d'anatomie à l'Ecole de médecine, passe en 1845 sa thèse de doctorat (3).

L'enseignement supérieur s'accroit à Grenoble en 1847, par suite du rétablissement de la Faculté des lettres, supprimée depuis 1816. Enfin 1850 voit arriver trois nouveaux professeurs suppléants: Nicolas, Michaud, et Edouard Leroy, fils de C. Leroy. Le dernier ne tarda pas à donner sa démission; le Dr Michaud compte aujourd'hui, après une carrière bien remplie, parmi nos professeurs honoraires (4). Le Dr Michaud et Nicolas furent révoqués après le 2 décembre; M. Michaud fut réintégré (18 juillet 1853), après avoir juré obéissance à la Constitution et fidélité à l'empereur. Nicolas ne fut pas réintégré (5). En 1850 Epaminondas Bertrand est nommé chef des travaux anatomiques; il est en 1853 professeur suppléant d'anatomie et de physiologie. La même année, Breton (Henri), professeur suppléant, est, avec l'autorisation du Recteur, chargé par le titulaire Leroy de la chaire de pharmacie. M. Breton, dont la verte vieillesse défie les années, est avec M. Michaud un de nos professeurs honoraires.

Un certain nombre d'autres modifications se font en peu d'années dans le personnel de l'Ecole: en 1856, Arthaud, qui a quitté le barreau pour la médecine où il acquiert une grande clientèle, est nommé chef de travaux anatomiques en remplacement de Bertrand, dont la délégation est expirée.

La même année, Michaud, déjà professeur suppléant, est nommé pro

(1) Observation sur un cas d'inversion splanchnique général, T, 4239. (2) D'une caverne à ossements à Leval (Drôme), (Société de statisque, 1831), Bibliothèque, T, 4238.

(3) Sur l'incurvation instantanée des os longs chez les enfants, Bibliothèque, 0, 3923.

Le Dr J.-B. CHARVET, fidèle aux traditions de sa famille, porte encore aujourd'hui fort allègrement, après avoir fait une grande clientèle, un nom respecté dans le monde savant comme palethnologiste. La question du harnachement du cheval, au point de vue préhistorique et historique l'a paincipalement occupé. Ses travaux font autorité et ses collections ont une réputation européenne. (4) Parmi les travaux du Dr Michaud, je citerai :

Note sur un fœtus montrueux (Société de statistique, 1843);

Réflexions sur quelques épidémies du Dauphiné (Société de statistique, 1846). (5) Le Dr Nicolas était membre du conseil municipal de Grenoble. Il est le père de notre collègue le Dr Nicolas, qui continue à l'Ecole, comme ancien professeur suppléant chargé du cours de physiologie, les traditions d'honneur et de travail de sa famille.

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fesseur adjoint de pathologie interne. Enfin en 1857, Arthaud, déjà chef de travaux anatomiques, est nommé professeur suppléant; il conserve néanmoins le titre et les fonctions de chef des travaux, et est chargé, pendant le semestre d'été, de l'enseignement de la physiologie, qui, dans les Ecoles réorganisées, était confié au professeur adjoint d'anatomie et de physiologie; Berriat (Hippolyte) est également nommé suppléant.

La situation de l'Ecole vis-à-vis l'Hôpital est d'ailleurs toujours la même; la subordination est complète et les cours ne se font pas, quand les besoins de l'Hôpital exigent le 27 juin 1855, l'administration de l'Hospice avertit purement et simplement l'Ecole pour lui dire : « La réparation de la salle de MM. les officiers nous met dans la nécessité de disposer du salon des cours, le cas échéant, pour y placer les officiers malades qui entreraient à l'Hôpital militaire. Nous avons pris toutes les mesures pour assurer la prompte exécution des travaux. Nous espérons que nous n'aurons pas de malades dans l'intervalle. S'il en était autrement, nous vous prierions de supporter avec nous cette gêne momentanée, en établissant provisoirement les cours de médecine dans la salle des opérations et dans le laboratoire de chimie » (1).

Les compensations qui peuvent se présenter dans cette étroite dépendance ne sont pas d'ailleurs suffisantes; elles se bornent à quelques livres reçus « Le 27 août 1855, M. l'intendant militaire transmet plusieurs volumes des mémoires de médecine et de pharmacie militaires: d'après une dépêche du ministre de la guerre, ces volumes sont destinés à la bibliothèque de l'Hospice civil, et comme cette bibliothèque vous est confiée, afin qu'elle puisse servir à l'instruction de MM. les élèves, nous avons l'honneur de vous les adresser » (2).

En 1861, l'Ecole perd son directeur Silvy (Célestin), homme actif et dévoué. Leroy pourra, avec justice, dira sur sa tombe; « Ses fonctions publiques ont eu plus de 30 ans de durée et nous seuls, ses collègues dans l'enseignement, pouvons dire avec quelle exactitude, quels soins consciencieux il les remplissait, plein du désir de voir l'Ecole prospérer, y concourant de tous ses efforts, aimé de ses collaborateurs et chéri des élèves, dont les succès faisaient l'objet de ses plus vives préoccupations ».

Il est remplacé par Berriat, comme professeur, et comme directeur, par Aribert-Dufresne (13 mars 1861), professeur de matière médicale.

(1) Registre des delibérations de l'Hospice. (2) Registre des délibérations de l'Hospice.

Quant à Leroy, le doyen de la Faculté des sciences, déjà professeur adjoint de chimie à l'Ecole, il est nommé, en 1861, professeur titulaire de chimie.

IV

Si nous laissons un moment l'Ecole pour voir en dehors d'elle le monde médical, nous constatons un mouvement qui est tout à l'honneur du corps médical de Grenoble. Il a pour effet la transformation, le rajeunissement de l'ancienne Société de santé, qui avait à plusieurs époques joué un rôle important. Le 20 novembre 1856, sur l'initiative du Dr Buissard, et avec l'autorisation du préfet de l'Isère, en date du 22 octobre, les médecins et pharmaciens de l'Isère, réunis à l'Hôtel de Ville, fondaient avec les débris de l'ancienne Société de santé l'Association de prévoyance et de secours des médecins et pharmaciens de l'Isère. Le but de l'association, dit l'art. 1er des statuts est de distribuer des secours aux sociétaires tombés dans le malheur par suite de maladies, infirmités, progrès de l'âge. Les veuves et les enfants des sociétaires pourront être admis à participer aux secours de l'Association. L'Association aura à signaler et à réprimer, par tous les moyens en son pouvoir, les délits et les abus relatifs à l'exercice de la médecine et de la pharmacie.

Nous fondions donc à Grenoble, du même coup, une association de prévoyance et un syndicat professionnel spécialement dirigé contre l'exercice illégal de la médecine; nous restions, en outre, dans la vieille tradition dauphinoise, qui avait créé jadis à Grenoble, par la réunion des médecins et des pharmaciens en une seule association, l'ancien corps de médecine.

Il est bon de rappeler que ce n'est que deux ans plus tard que fut créée à Paris, en 1858, l'Association Générale des médecins de France. Le Dauphiné avait donc l'honneur de l'initiative. L'Association générale demanda de suite à l'Association de l'Isère de s'affilier à elle; mais la largeur de vue qui avait guidé les médecins de Grenoble ne nous permettait pas d'entrer dans le cadre plus étroit qui avait été façonné à Paris : l'Association générale ne comptait en effet, que des médecins, et nous, nous avions englobé en un seul faisceau les médecins et les pharmaciens. Après de longs pourparlers, le Dr Buissard répondit que nous consentions à affilier la partie médicale de notre association locale, sans rien changer à la largeur de ses statuts, excellent exemple à la fois de conciliation et de fermeté. Gardons nos forces chez nous: la centralisation. ici comme en tout, est paralysante.

En même temps d'excellents travaux, d'utiles créations se faisaient dans notre pays.

En 1853, Armand Rey, que nous retrouverons bientôt à l'Ecole, fondait l'établissement hydrothérapique de Bouquéron, ouvrant ainsi une voie agrandie plus tard et intelligemment rendue pratique par le syndicat d'initiative de Grenoble (1).

Buissard concourait au même but, en introduisant la pulvérisation et l'inhalation aux eaux de la Motte, dont il était inspecteur (2).

Les infatigables travailleurs Albin Gras et A. Charvet continuaient à donner de nouvelles publications.

Albin Gras menant de front la science et l'histoire, publie le catalogue des plantes qui croissent spontanément dans le Bourg-d'Oisans (3). Charvet, à propos d'une dent de mastodonte trouvée à Voiron (4), publie un mémoire sur les ossements fossiles du Dauphiné, et continue ses études sur les monstruosités (5).

En 1864, Armand Rey, est nommé professeur suppléant des chaires d'accouchement et de chirurgie, en remplacement d'Arthaud, qui meurt jeune, d'une tuberculose pulmonaire. La place de chef de travaux anatomiques est donnée au Dr Minder qui, à ce titre, comme c'était alors l'usage, fait l'enseignement de la physioiogie et inaugure une série d'expériences et de vivisections, alors nouvelles à Grenoble.

La même année l'Association locale des médecins et des pharmaciens de l'Isère perd son vice-président, homme de talent et d'avenir, que nous avons vu briser volontairement sa carrière en 1852, le Dr Nicolas.

L'Ecole a su conserver l'affection de ceux qui l'ont fréquentée. Par testament du 18 décembre 1855, M. Ferrat (Louis-Alexis), de la Mure,

(1) Notice sur l'établissement hydrothérapique de Bouquéron près Grenoble, précédée d'un exposé critique, dogmatique, théorique et pratique de la vérita ble doctrine hydrothérapique par ARMAND REY, professeur d'accouchement, de maladies des femmes et des enfants à l'Ecole de médecine de Grenoble (2e édition, 1870). La 1re édition est de 1860, T, 727.

(2) La Motte-les-Bains. Lettre au rédacteur de la Gazette médicale de Lyon, par le Dr Buissard, médecin inspecteur des eaux de La Motte. O, 10114. Consulter du même auteur: Indicateur médical et descriptif des eaux de La Motteles-Bains, par Buissard. T, 4464.

En collaboration avec Breton, le Dr Buissard avait fait, en 1850, des recherches sur l'existence de l'iode et de l'arsenic dans les eaux de La Motte.

(3) Ces notes se trouvent dans l'Essai descriptif de l'Oisans par Aristide Albert. Elles se trouvent mêlées aux notes de Bouteille, de Viaud et de Thevenet. T, 563. (4) A. CHARVET Mémoire sur les grands ossements fossiles du Dauphiné, Société de statistique, 1860.

(5) A. CHARVET: Observations sur des cas d'anomalies anatomiques multiples. Il s'agit dans ce mémoire principalement d'anomalies musculaires et artérielles.

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