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l'organisme; à ce point de vue, Leroy diffère singulièrement de ceux de nos confrères qui écrivent sur les eaux, dans lesquelles ils se complaisent généralement à trouver des agents pharmacodynamiques formidables. «Les eaux minérales, dit-il, produisent-elles seules les bons effets qui résultent ordinairement de leur usage? non; ces effets dépendent bien souvent des circonstances nouvelles dans lesquelles sont placés ceux qui en usent, circonstances qui modifient les individus plus ou moins puissamment. C'est à tel point que je pense que si les eaux étaient prises loin de ces circonstances, chez soi, par exemple, ou au milieu des causes qui ont vu naître le mal, elles cesseraient souvent de produire les mêmes résultats; de même que j'ai la conviction que si, dans leur usage, ne devait pas entrer l'influence d'autres modificateurs de l'organisme, on obtiendrait fréquemment le même bien avec l'eau ordinaire administrée sous la même forme et de la même manière ». Nos confrères des eaux durent bondir d'indignation!

<< Loin de moi, ajoute-t-il, en avançant ce principe, l'intention de vouloir déprécier le mérite des eaux minérales, de décrier leur pouvoir thérapeutique. Elles ont d'abord leurs vertus propres et spéciales; c'est incontestable. Ensuite, viendraient-elles à tirer une partie de leur pouvoir des circonstances accessoires qni concourent avec elles, qu'il faudrait bien toujours le leur rapporter, puisqu'elles seraient l'occasion de la manifestation de ces circonstances. Ce que j'en dis ici n'est donc que pour arriver à analyser toutes les causes de leur action, à distinguer ce qui en dépend naturellement de ce qui en résulte indirectement, distinction qui n'est pas sans importance. Tel est le but de ma proposition, et elle est sit évidente que personne ne doute que la plus ou moins grande salubrité des lieux, que le changement d'air et d'habitudes, que les modifications introduites dans le régime que la vie nouvelle que l'on prend pour celle que l'on quitte, que les plaisirs, le mouvement, les distractions, ne soient autant d'accessoires qui influent puissamment sur l'économie et qui, joignant leur pouvoir à celui des eaux, ne contribuent à des guérisons naturellement attribuées ensuite à celles-ci seules, et peut-être, cependant, dans quelques cas, obtenues contre elles, c'est-à-dire malgré leur usage intempestif.

Croit-on que, chez cet homme constamment occupé de ses affaires ou livré à une vie sédentaire, la privation de travail, le repos de l'esprit, les courses, l'exercice, dont l'usage des eaux lui fera un besoin, ne concourront pas au bien-être qu'il en éprouvera? Croit-on qu'il n'en sera pas de

Dr A. BORDIER. même pour celui qui, habitant des localités basses, étroites, malsaines, exposées à mille émanations pernicieuses, y trouvera un air pur, vif, dégagé de tout principe étranger et largement, constamment respiré? Pense-t-on que la femme délicate, vaporeuse, oisive et ennuyée, en proie aux mille fatigues, aux mille caprices, qui tourmentent sans relâche les personnes trop inquiètes, sensibles ou irritables, ne devra pas aux distractions, au mouvement, aux préoccupations de la vie toute nouvelle qu'elle y mènera, les heureux résultats qu'elle obtiendra du séjour aux eaux et qu'elle croira leur devoir ? »

Albin Gras, nommé d'abord, comme Leroy, professeur provisoire de 1 Ecole (1838), était encore un esprit à aptitudes variées avec Billerey, il y avait là, à l'Ecole, trois hommes remarquables et faisant honneur à l'enseignement médical de Grenoble.

Né à Grenoble en 1808, il avait débuté par l'Ecole des mineurs de Saint-Etienne (1826-1827), s'était fait recevoir docteur ès sciences (1831) et étant élève en médecine de Paris, avait publié une étude sur la gale, sujet alors tout nouveau (1).

Dès son retour à Grenoble, il ne cessa de montrer une grande activité, s'occupant successivement des sujets les plus variés; il débute par un essai sur la Topographie médicale (2) de notre ville. Bien que ce sujet eut déjà tenté Villars, Gras sut lui donner un caractère personnel et original; il est intéressant de remarquer qu'il signale la fréquence, à cette époque, des fièvres intermittentes souvent larvées. Aujourd'hui ces accidents sont rares et, dans la discussion qui eut lieu à la Société de statistique, lors de la lecture du mémoire, son collègue A. Charvet fit la remarque qu'ils étaient rares autrefois. Peu de temps après il publie plusieurs notes de chimie, entre autres, une sur un nouveau composé cyanogéné (3) et une étude qu'il ne pouvait manquer de faire à son tour, sur les Eaux minérales (4). Il se propose d'étendre et de faire connaître, dans un but fort louable de patriotisme local, les richesses du département.

Il passe en effet tour à tour en revue les eaux de La Motte, d'Uriage, où il trouve 37 centimètres cubes d'hydrogène sulfuré par litre; d'Allevard,

(1) Recherche sur l'acarus ou sarcopte de lagale de l'homme, par Albin GRAS, docteur és sciences, élève de l'Hôpital Saint-Louis, à Paris, 1834. O. 8725.

(2) Essai de la topographie médicale de Grenoble. (Bulletin de la Société de statistique, 9 mars 1838).

(3) Note sur un nouveau composé cyanogéné, se rapprochant de la substance désignée par Wohler sous le nom de cyanogène hydrosulfuré. (Société de statistique, 13 décembre 1839).

(4) Note sur les eaux minérales du département de l'Isère. (Société de statistique, 29 novembre 1838).

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sulfureuses et salines; de l'Echaillon, pourvues d'hydrogène sulfuré; de Corenc, dans la propriété Flauvan, route de Chambéry à Grenoble (1) ». Il ajoute D'après les recherches de Gueymard, elles auraient la même. composition que celles d'Uriage ». Il étudie ensuite les eaux de Choranche, eaux sulfureuses, dans le canton de Pont-en-Royans; de Bourg-d'Oisans, sulfureuses, en deux sources: l'une au hameau des Soulieux, au bord de la Romanche; l'autre au hameau de La Paute; les eaux sulfureuses de Tréminis; les carbonatées ferrugineuses d'Auriol et de Monestier-deClermont; de Crémieu, et enfin la source, non analysée de son temps, de la Terrasse.

Obéissant à un sentiment de patriotisme local, il va jusqu'à dire «< que pour les eaux sulfureuses nous n'avons rien à envier aux Pyrénées, et que les eaux de Bussang, de Forges et de Spa pourraient être remplacées par celles d'Auriol, de Crémieu et de Monestier ».

Plus tard, il porte son attention sur l'histoire naturelle, et en particulier sur les mollusques (2); puis aborde les questions d'hygiène sociale, notamment celles relatives aux enfants trouvés (3).

Il passe ensuite à l'archéologie et étudie les souvenirs laissés par les Romains à Grenoble (4) à l'Histoire de la médecine (5). Ne me proposant pour le moment que de montrer le bilan intellectuel de l'Ecole préparatoire de Grenoble au moment de sa réorganisation, je ne poursuis pas plus loin la revue des travaux de Gras. Nous le retrouverons bientôt.

Il importe, d'ailleurs, de placer à côté de lui et de noms précédents, complétant la liste d'hommes d'une incontestable valeur, qui se trouvaient, à ce moment, réunis à Grenoble, dans l'ordre des sciences médico-naturelles, leur collègue A. Charvet, médecin des Hôpitaux civil et militaire, professeur d'anatomie et de physiologie à l'Ecole de médecine, professeur de zoologie à la Faculté des sciences.

Travailleur infatigable, A. Charvet a laissé de nombreuses publications, qui, toutes sont marquées au coin d'un esprit judicieux et élevé : comme

(1) Cette source, qui existe encore, était, jusqu'à une époque très récente, utilisée par les gens du pays. Des travaux de nettoyage et de captage meilleur seraient aujourd'hui nécessaires.

(2) Description des mollusques fluviatiles et terrestres du département de l'Isère. (Société de statistique, 1840).

(3) Notice historique sur les enfants trouvés et abandonnés du département de l'Isère.

(4) Note sur les anciens remparts de Grenoble.

(5) Notice historique sur Villars et histoire des institutions médicales à Grenoble.

a atomiste, il a laissé dans l'esprit de ses élèves une réputation considérable.

Son premier travail sur l'Action de l'opium chez l'Homme et les animaux (1) laisse déjà prévoir le naturaliste et l'esprit hautement généralisateur; cette dernière qualité s'accentue dans son second travail sur la Détermination des espèces en zoologie (2).

Ce n'est pas sans un certain étonnement et sans satisfaction, qu'on voit à cette époque, où Lamarck était si oublié, si méconnu, où Darwin n'existait pas, triompher dans l'esprit de A. Charvet les principes défendus par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire contre Cuvier. « Ces groupes (les espèces), dit-il, sont arbitraires..... Dans les animaux, comme dans les végétaux, il est souvent difficile de distinguer l'espèce de la variété.... et il faudrait parvenir à déterminer d'une manière précise les limites des variations possibles dans les végétaux soumis à des circonstances différentes, et, pour les animaux, savoir les variations qu'entrainent l'àge, le sexe, la localité, la race ».

Plus tard, d'ailleurs, il se montrera l'élève d'Isidore Geoffroy-SaintHilaire, par la publication de plusieurs travaux sur les monstruosités (3). Dans le domaine de la zoologie descriptive, il publie deux notes sur le dragonneau (4):

« Ce nouveau dragonneau se trouve dans deux ruisseaux de Fontanil, qui ont une source commune, dont le fond est pierreux et le courant rapide. Il se trouve aussi à Saint Robert et à Saint-Egrève, dans le torrent de la Vence; à Saint-Martin-le-Vinoux, dans le petit torrent qui coupe le chemin de Quaix... Un ver de cette espèce fut trouvé dans la fontaine du Lion, à Grenoble, ainsi que, près de Meylan, dans l'intestin du gryllus stridulus et dans celui du phaneropteres falcata ». « Dans les gros torrents, ces vers sont cachés sous la pierre, à l'abri du courant et de la lumière, et ne nagent jamais à la surface comme ceux de Claix et de Risset » Il décrit, en somme, trois dragonneaux: 1o de Risset, 2o de Claix; 3° des torrents.

(1) Action de l'opium chez l'homme et les animaux, par Pierre-Alexandre CHARVET. Bibliothèque, V, 941.

(2) Sur la détermination des espèces en zoologie, par Pierre-Alexandre CHARVET, 1827. Thèse pour le doctorat ès sciences. Bibliothèque, 0, 8808.

(3) Recherches pour servir à l'histoire générale de la monstruosité dans les animaux, par A. CHARVET (1837).

Recherches sur les monstruosités par inclusion chez les animaux (1838), par le Dr A. CHARVET, professeur d'anatomie à l'Ecole de médecine de Grenoble. (4) Note sur le dragonneau de Claix et le dragonneau de Risset (nouvelles anales du Museum, tome III).

Note sur une espèce non décrite du geare dragonneau. Grenoble, T, 4237.

Ce dernier se rapprocherait des filaires et sa présence dans l'intestin de quelques insectes, aussi bien que sous les pierres des torrents, à l'abri de la lumière, du mouvement et des changements de température, était, aux yeux de A. Charvet, une condition commune du milieu, qui expliquait sa vie souvent parasitaire et son passage au type filaire, dont il diffère cependant par une bouche non cornée et par un tube digestif simple et sans renflement.

En 1839, Charvet est nommé professeur à la Faculté des sciences, et, malgré ce surcroit de besogne, continue la série de ses publications: il publie une note sur un Hydrachme parasite qu'il a trouvé chez l'anodonte des canards, des marais de Voreppe, sous forme de petits grains noirs, subovoïdes, répandus entre les feuillets des branchies et la lame palléale (1). Nous aurons encore, au chapitre suivant, l'occasion de constater les effets de son infatigable activité. Ce que je viens de dire des principaux professeurs de la nouvelle Ecole préparatoire, montre assez que son personnel enseignant était évidemment supérieur et digne de la réorganisation.

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Voeu formé par

faveur des Ecoles préparatoires menacées de suppression.

la commission en faveur de l'institution d'un concours subi à l'Ecole, pour le recrutement des professeurs des Ecoles. Congrès médical. Examens de fin

d'année.

Projet de loi déposé par de Salvandy comportant la suppression des officiers de santé, l'institution d'un baccalauréat médical passé dans les Ecoles. - Projet de rattachement des Ecoles au budget de l'Etat. Grenoble.

La révolution de 1848.

Propositions du maire de

Commission de la réforme des études en pharmacie.

Suppression des jurys médicaux.

Suppression du certi

De Fourtoul. ficat d'études pour les officiers de santé, qui sont astreints à prendre des inscriptions et à passer des examens dans les Ecoles. Pharmaciens de 2o classe,

(1) Note sur un hydrachme parasite des mollusques d'eau douce, par A. Charvet. (Société de statistique, 1840).

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