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du reste, de sauver les Ecoles secondaires et en particulier celle de Grenoble, car le nombre moyen d'élèves ne dépasse pas 20 chaque année et tout le monde se plaint de ce petit nombre ainsi que du peu d'assiduité de ceux qui sont inscrits. En 1839, Billerey lui-même excusait, dans une lettre très humble, à la commission des Hospices, les élèves de notre Ecole secondaire, sur laquelle vous avez incontestablement un droit d'inspection et de discipline (1). Nous voulons, Messieurs, marcher d'accord avec vous et même sous votre patronage ».

Le Préfet lui-même, frappé du petit nombre des élèves, écrit au même conseil d'administration, en 1840, pour lui faire remarquer qu'en 1839 et 1840, l'Ecole n'a eu que 21 élèves, dont 15 du département de l'Isère; que les 1.200 francs donnés par le conseil général, joints aux 2.400 francs de l'Hospice, font 3.600 francs, soit 240 francs par élève de l'Isère qui sont au nombre de 3 élèves et demi par professeur. Dans ces conditions, il ne demande plus la subvention de 1.200 francs au conseil.

:

L'Hospice enfin parle de supprimer les 2.400 francs (2), et pourtant le traitement de professeurs est toujours insuffisant en 1840, Albin Gras et Leroy, professeurs provisoires, écrivent même au conseil d'administraation de l'Hospice, pour se plaindre de ce que depuis plus de deux ans,<«< ils font des cours à l'Hôpital et prennent part aux examens sans aucune rétribution. M. Billerey, ajoutent-ils, n'ayant pas été remplacé comme professeur, le traitement qui lui était alloué est supprimé, et, au lieu de six professeurs payés aux termes du décret qui a constitué l'Ecole, il n'y en a que cinq. » Ils demandent qu'on partage entre les trois provisoires le traitement précédemment alloué à Billerey.

Heureusement, le 13 octobre 1840 (3), V. Cousin, grand maître de l'Université, adresse à Louis Philippe un rapport où il est dit :

Il existe en France aix huit écoles secondaires médicales, mais ces écoles ayant été fondées isolément, et sans aucune règle commune, ne présentent aucun ensemble dans leur organisation; quelques-unes possèdent des fondations, qui pourvoient aux frais du matériel et au traitement des Professeurs; dans la plupart, c'est le conseil municipal ou le conseil général du département, ou l'administration des hospices, qui subvient aux dépenses, ce qui livre ces établissements au vice d'une perpétuelle mobilité; enfin, quelquefois, elles n'ont d'autre ressource que le faible produit des inscriptions payées par les élèves. Le prix de ces inscriptions varie suivant

(1) Archives municipales, 9 F.

Exactement 15 élèves en 1831, 25 en 1832, 20 en 1833, 20 en 1834, 26 en 1835, 17 en 1836, 21 en 1837, 21 en 1838, 20 en 1839, 21 en 1840.

(2) Archives de l'Hôpital, E E, 2.

(3) Rapport et ordonnance concernant l'organisation des Ecoles préparatoires de médecine et de pharmacie.

les localités, depuis 6 fr. jusqu'à 30 fr.; dans deux écoles on ne paye même aucune rétribution. Les traitements des Professeurs présentent la même inégalité fâcheuse : quelques uns ne touchent que 130 fr. par an, d'autres reçoivent 1.000 fr., quelques-uns 1.500 fr.; un assez grand nombre n'ont aucune espèce de traitement.

V. Cousin propose pour les Ecoles qui seront réorganisées conformément aux nouvelles dispositions, de remplacer le titre d'Ecole secondaire par celui d'Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie.

il ajoute :

« Un des avantages les plus précieux des Ecoles préparatoires, est d'offrir pour les études anatomiques, cette base essentielle de la médecine, des ressources qu'on ne rencontre pas toujours dans les Facultés où les élèves sont quelquefois trop nombreux pour suivre utilement toutes les démonstrations ».

Les écoles préparatoires de médecine et de pharmacie sont des établissements communaux; et, sous ce rapport, elles seront dans la même situation, à la garde des facultés, que les collèges communaux à l'égard des collèges royaux. Les villes pourvoiront, en conséquence, à toutes les dépenses du personnel et du matériel, s'élevant ensemble à un minimum de 13.000.

Suivait l'ordonnance de Louis-Philippe, ainsi conçue dans ses principaux articles:

ART. 1er. Les écoles actuellement établies sous le titre d'Ecoles secondaires de médecine, et qui seront réorganisées conformément aux dispositions prescrites par la présente ordonnance, prendront le titre d'Ecoles préparatoires de médecine et de pharmacie.

ART. 2. Les objets d'enseignement dans les Ecoles préparatoires de médecine et de pharmacie sont:

1. Chimie et pharmacie.

2. Histoire naturelle médicale et matière médicale.

3. Anatomie et physiologie.

4. Clinique interne e pathologie interne.

5. Clinique externe et pathologie externe.

6. Accouchements, maladies des femmes et des enfants.

ART. 3.

Il y aura, dans chaque école, six Professeurs titulaires et deux

Professeurs-adjoints.

ART. 4. Les professeurs titulaires et adjoints seront nommés par notre ministre de l'instruction publique, sur une double liste de candidats présentée, l'une par l'Ecole où la place est vacante, l'autre par la Faculté de médecine dans la circonscription de laquelle ladite Ecole se trouve placée.

ART. 6. Les professeurs recevront un traitement annuel, dont le minimum est fixé à 1.500 fr. pour les titulaires et à 1 000 fr. pour les adjoints. ART. 7.- Les professeurs titulaires et adjoints subiront sur leur traitement la retenue du vingtième au profit de la caisse des retraites, auxquels ils auront droit désormais, comme tous les autres fonctionnaires de l'Université, et aux mêmes conditions.

ART. 9. L'administration des hospices de chaque ville, où une Ecole

préparatoire sera établie, fournira, pour le service de la clinique médicale et chirurgicale de ladite Ecole, une salle de cinquante lits au moins. ART. 10. Les Ecoles préparatoires de médecine et de pharmacie sont des établissements communaux.

ART. 11. Une commission vérifiera, chaque année, les comptes présentés par le Directeur.

Cette commission sera composée :

Du Maire de la ville, président.

D'un membre désigné par le conseil municipal.

D'un membre désigné par le conseil général.

De deux membres désignés par la commission des hospices.

ART. 14.

Les élèves des Ecoles préparatoires pourront faire compter les huit inscriptions prises pendant les deux premières années, pour toute leur valeur dans une Faculté de médecine.

ART. 15. Les élèves en pharmacie seront admis à faire compter deux ans d'études dans une Ecole préparatoire pour deux années de stage dans une officine et pour quatre années de stage lorsqu'ils justifient, en même temps, de deux années de stage.

Le 12 mars 1841, un règlement (1) précisait les détails du nouveau fonctionnement des écoles.

Je signalerai entre autres articles :

ART. 14. Chaque leçon est d'une heure et demie, y compris l'interrogation sur la leçon précédente, qui doit avoir lieu au commencement de chaque séance, sans excéder une demi-heure.

ART. 21. Tous les ans, à la fin d'aoû, les élèves ayant pris quatre, hnit, ou douze inscriptions dans les Ecoles préparatoires de médecine et de pharmacie, soutiendront un examen de trois quarts d'heure sur les matières des cours qu'ils auront dû suivre.

ART. 22. Les étudiants qui auront satisfait à l'examen recevront un certificat qui ne leur conférera aucun grade, mais sans lequel: 1° ceux qui se destinent à la médecine ne pourront être admis à prendre de nouvelles inscriptions, ni à échanger dans une Faculté celles qu'ils auraient prises; 2o ceux qui se destinent à la pharmacie ne pourront jouir du bénéfice accordé par l'ar icle 15 de l'ordonnance du 13 octobre 1840.

Mesure excellente, sans laquelle l'assiduité aux cours n'avait aucune sanction.

Il y avait dans ces ordonnances et règlements une amélioration incontestable des conditions d'existence qui nous étaient faites, bien que notre indépendance vis-à-vis tout autre corps que l'Université ne fut pas encore complète, ainsi que le prouve l'art. 11 de l'ordonnance.

(1) Règlement relatif aux Ecoles préparatoires de médecine et de pharmacie signé Villemain, grand maître de l'Université, contresigné par Saint-Marc Girardin.

V

Il s'agissait pour l'Ecole secondaire de Grenoble de profiter de ces bonnes intentions du gouvernement et d'arriver à être réorganisée. Ce fut le Recteur, Avignon, qui prit les devants (1). Dans une lettre au maire, il rappelle les termes de l'ordonnance de 1840, insistant sur le caractère communal des dépenses, dont le minimum obligatoire est de 13.000 fr.; il ajoute : « Ces avantages (l'équivalence des huit premières inscriptions) auront pour effet d'attirer un plus grand nombre d'élèves dans les Ecoles; je me plais à croire que la ville de Grenoble voudra assurer, immédiatement, à son Ecole médicale, les avantages de la nouvelle organisation, en votant l'allocation nécessaire ». De son côté le maire Berriat, cherchant à éviter à la ville une dépense nouvelle, écrit au ministre (2), que « Grenoble, siège d'une Académie, voit professer, outre les sciences qu'on y enseigne, et en dehors de l'Académie même, une multitude de cours intéressants pour les études médicales, comme un cours de botanique, dont les frais sont faits par la caisse municipale, comme des cours d'hygiène et d'anatomie, mais que la ville ne peut faire les frais des 13.000 fr. demandés pour la réorganisation; je viens donc, monsieur le ministre, dit-il en terminant, vous demander une subvention de 2.000 fr. pour la première année de la formation de l'Ecole ».

La réponse n'était pas douteuse : le 31 octobre 1840, le ministre refuse purement et simplement, « le principe de l'ordonnance du 13 octobre étant que les villes soutiennent elles-mêmes leurs Ecoles secondaires médicales ».

Berriat se retourne d'un autre côté : « Je ne vois chance d'arriver, écritil au Recteur (3), que par l'adoption d'un moyen, savoir l'abandon volontaire, par MM. les professeurs titulaires et par MM. les professeurs adjoints, d'une portion de leur traitement. Les premiers ne reçoivent aujourd'hui que 400 fr. ; si donc ils consentaient à une réduction du tiers de leur nouveau traitement, ils ne seraient pas très mal rétribués ». Cela avait l'air d'une mauvaise plaisanterie! « Je crains, ajoute le maire, qui nous donne à croire que le conseil municipal d'alors était fort inférieur à ses successeurs, que le conseil se dise: l'Ecole secondaire est de peu d'intérêt pour la ville; elle ne répandra aucun éclat

(1) Archives municipales, lettre du Recteur, 1840, F 9.

(2) Archives municipales, 9 F.

(3) Archives municipales, 9 F.

sur la cité et c'est sous MM. les professeurs actuels qu'elle est constamment venue en déclinant ». Le maire n'était pas tendre pour l'Ecole! Comme il tient surtout à se dégager, il termine en disant : « C'est pour l'Hospice en particulier, que cet établissement est utile; jusqu'à ce jour le conseil général, dans un intérêt départemental et l'Hospice dans celui de l'exécution de ses services, avaient seuls pourvu aux frais de l'entretien de l'Ecole secondaire et l'on n'avait jamais eu la pensée d'appeler la ville à y contribuer >>.

Des démarches tendant à abuser des professeurs furent immédiatement tentées mais elles rencontrèrent dans Orfila un obstacle inattendu. Avec le tact qui le caractérisait, l'illustre médecin voyait là une atteinte considérable à la dignité du professorat et faisait pressentir les dangers d'un précédent qui amènerait plus tard des conflits; ses prévisions se réalisérent! On passa outre, et malgré son influence, malgré ses exhortations, les professeurs eurent la magnanimité, un peu naïve, de se dépouiller. << Les professeurs de l'Ecole de médecine, prenant en considération (1) les dépenses énormes qui sont en ce moment à la charge de l'Hospice, s'engagent collectivement à faire, pour l'année 1842, à cet établissement, l'abandon de la somme de 3.200 fr. à prendre sur leurs émoluments de la même année. Cette somme sera versée par eux, dans la caisse du receveur de l'Hospice, dans la proportion suivante: les professeurs titulaires et le chef des travaux anatomiques donneront chacun 400 fr.; les deux professeurs adjoints (Leroy et Gras), chacun 200 fr. ». Cette mesure, qui comprenait même les trois professeurs, adjoints ou titulaires, qui n'étaient pas en même temps médecins de l'Hôpital (Leroy, Gras et Aribert Dufresne), était prise avec le consentement de ces derniers, qui abandonnaient, à eux trois, une somme de 1.000 fr.

Le conseil de l'Hospice décide alors :

1° De verser au budget de l'Ecole les 2.400 fr. attribués jusqu'ici aux professeurs de l'Ecole....

2.400

2o D'y joindre les 2.000 fr. attribués jusqu'ici au service médical. 3o D'y ajouter les 400 fr. attribués au prosecteur.....

2.000

400

Enfin, ne voulant pas rester avec les médecins en retard de générosité,

«

il décide << de remettre, à l'avenir, le montant des inscriptions qui jusqu'ici revenaient à l'Hospice, dans la caisse de la ville ».

Devant cet assaut d'abnégation de la part de tout le monde, le conseil

(1) Archives de l'Hôpital, E E, 2.

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