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adresse au marquis de la Vallette un long rapport sur l'organisation qu'il rêve pour l'Ecole secondaire :

Le Directeur de l'Ecole secondaire de médecine de Grenoble

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à Monsieur le Marquis de la Valette, député de l'Isère (1).
Monsieur le Marquis,

Le projet de loi qui a été présenté aux chambres ne me parait pas devo r remplir le but que l'on devait se proposer: j'avais toujours pensé que le gouvernement devait avoir l'intention de disséminer dans les écoles secondaires les nombreux étudian's qui se rendent en foule à Paris.....

Il est impossible de ne pas voir que l'on

va donner le coup de mort aux écoles secondaires, si le projet n'est pas modifié; en effet, il est dit que les inscriptions prises dans les écoles secondaires ne compteront que pour moitié dans celles du premier ordre; on double le prix des inscriptions pour les écoles secondaires et on n'augmente pas celui des écoles spéciales, n'est-il pas évident que tous les étudiants se rendront de préférence dans l'une des trois écoles spéciales puisque le temps de leurs études leur sera compté intégralement et que leurs inscriptions ne leur coûteront que cent francs par an, tandisqu'on exigerait deux cents francs dans les secondaires. Cela est si vrai que, depuis la présentation de la loi, nos élèves se refusent à prendre leurs inscriptions, tous se disposent à partir pour Paris ou Montpellier et que, sous peu, l'administration des hospices sera dans l'impuissance d'assurer le service médical" des malades....

L'école secondaire de médecine de Grenoble croit avoir des droits à la bienveillance du gouvernemen,t soit par son ancienneté, qui date de plus de 40 ans, soit par sa position géographique, par le goùt bien prononcé de ses habitants pour l'étude des sciences physiques et naturelles, soit enfin par les services quelle croit avoir rendus.

Premettez-moi, Monsieur le marquis, de vous faire part de mes idées sur le mode qu'il conviendrait d'adopter pour l'organisation des nouvelles écoles :

1° Affecter pour chaque école secondaire une circonscription territoriale, comme cela était établi pour les jurys médicaux;

20 Exiger impérativement de tous les individus qui voudraient se livrer à l'étude de l'art de guérir, l'obligation expresse de passer les deux premières années dans l'école secondaire du ressort de sa circonscription;

3o Les inscriptions qu'ils seraient tenus de prendre leur seraient comptées intégralement dans les écoles spéciales;

40 Assujettir chaque étudiant à une rétribution de cent francs par année, laquelle sera versée intégralement dans la caisse de l'Université;

5o Le produit des réceptions d'officiers de santé et pharmaciens serait également versé dans la même caisse;

60 Assigner à chaque Professeur un traitement dont le minimum serait de quinze cents francs, affecter un préciput de 500 fr. au Directeur, comme cela se pratique dans les facultés;

70 Nomination de six Professeurs dans chaque école;

8o Placer les écoles secondaires sous la surveillance et discipline des conseils acadèmiques;

(1) Archives municipales, 9 F.

9o Assujetir les Professeurs à paraître dans les cérémonies publiques revêtus du costume qu'il plaira de fixer.

J'ai l'honneur d'être avec respect,
Monsieur le marquis,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

SILVY.

Bien des desiderata exprimés dans cette lettre sont encore les nôtres ; entre autres celui-ci : « On devrait disséminer dans les Ecoles secondaires les nombreux étudiants, qui se rendent en foule à Paris ». C'est ce que demandent aujourd'hui, non seulement les Ecoles secondaires, mais encore certains professeurs de Facultés. On ne voit pas pourquoi l'inscription des élèves en médecine dans l'Ecole préparatoire de leur ressort ne ne serait pas obligatoire pendant les trois premières années; munis à leur 13° inscription d'une instruction solide, après avoir facilement et abondamment disséqué, suivi les cliniques, les travaux pratiques de laboratoire, ils iraient se perfectionner dans les Facultés désormais désencombrées.

Plus tard, en 1824 (15 août), les professeurs de l'Ecole rédigent, sous l'inspiration de Silvy, un rapport au Préfet, M. de Clavières, pour lui exposer les inconvénients graves du régime administratif et financier de l'Ecole :

A Monsieur le Baror de Clavières, Préfet de l'Isère (1),

Les Professeurs de l'école secondaire de médecine établie à Grenoble ont l'honneur de vous exposer:

Par oronnance royale du 18 mai 1820, les écoles secondaires de médecine ont été réunies à l'Université et les certificats que les étudiants y reçoivent sont valables pour dispenses d'inscriptions dans les facultés, mais ces écoles sont les seules en France, où la rétribution des Professeurs n'aye pas été fixée. Sans doute, il faut attribuer cet état de choses au défaut d'une organisation définitive depuis si longtemps désirée.

Pour prévenir le découragement qu'inspire naturellement l'absence de cette disposition et soutenir ces précieux établissements, de toutes parts, les départements où il en existe, les conseils généraux se sont empressés de voter dans leur budget annuel des sommes plus ou moins fortes, propres à indemniser les Professeurs de leurs peines et à soutenir leur zèle. Parmi une foule d'exemples, on ne citera que celui du Doubs, où les Professeu's de l'école secondaire reçoivent annuellement chacun un traitement fixe de 2.000 fr. par le moyen du vote départemental.

Ceux de l'Isère, professant à Grenoble, sont loin de jouir d'un pareil avantage; ils n'ont, pour quatre Professeurs et deux adjoints, qu'une somme totale de 1.500 fr. due à la générosité du conseil municipal de cette ville et le produit éventuel et très faible des inscriptions qui, en 1823, ne se sont élevées qu'à 925 fr.; total 2.425 fr. à diviser entre six, dividende peu capable de les indemniser de leurs pénibles travaux.

Les soussignés osent se promettre, par votre intervention, Monsieur le (1) Registre des délibérations de l'Ecole.

Préfet, qu'à l'instar des autres conseils généraux des départements où il existe des écoles secondaires de médecine, celui de l'Isère, qui va s'ouvrir sous vos auspices, sentira de quelle importance est pour nos contrées l'établissement et la conservation de celle qui existe à Grenoble et que, sur votre proposition, il s'empressera de voter provisoirement et jusqu'à l'organisation générale et définitive de l'Ecole, une somme que les soussignés, guidés par un esprit de modération facile à juger, croient ne pouvoir demander au-dessous de 3.000 fr. annuellement.

:

Signés: SILVY, FOURNIER, BILON, BILLEREY.

On voit que la situation n'était pas brillante; cependant Grenoble semblait plus en faveur auprès de Charles X qu'auprès de Louis XVIII; le 22 septembre 1824, la Faculté de droit supprimée en 1821 est rétablie ; d'un autre côté, on parle d'un remaniement nécessaire des Ecoles secondaires on les supprimerait toutes et on en créerait de nouvelles. Silvy informe l'administration de l'Hospice de la nouvelle qu'il vient de recevoir (1), et termine sa lettre en disant : « Le ministre m'engage, dans l'intérêt de l'Hospice et dans celui de notre Ecole, à vous inviter, ainsi que le conseil municipal, à prendre une délibération pour demander le rétablissement de notre Ecole; déjà M. de la Valette a conféré avec le ministre de l'intérieur, qui lui a promis de s'intéresser à celle de Grenoble ».

Le conseil d'administration s'émut, en effet, du projet de suppression de toutes les Ecoles secondaires, et, en présence de l'éventualité de la création de 20 Ecoles nouvelles, déclare « qu'il importe de mettre sous les yeux de Son Excellence les droits qu'a cet Hospice à réclamer une des 20 Ecoles nouvelles ». On voit que l'Hôpital était toujours le défenseur de l'Ecole, mais, en somme, pro domo (2).

Mais le projet de refonte des Ecoles secondaires n'eut pas de suite; le plan présenté aux Chambres par le Gouvernement (3) fut bien accueilli par la Chambre élective, mais dénaturé par la Chambre des pairs, qui voulait une 4o Faculté à Lyon. Dans ces conditions, le Gouvernement retira sa proposition.

On continue donc à vivre petitement; l'Ecole est menacée dans son existence même. Le conseil de l'Hospice vote une somme de 2.400 fr. pour les professeurs de l'Ecole et l'on vit comme l'on peut; le 8 septembre 1825, un arrêté préfectoral nomme Silvy (Célestin), neveu du directeur, professeur-adjoint à l'Hôpital, et chargé du cours d'anatomie et de matière

(1) Archives de l'Hôpital, E E, 2. (2) Archives de l'Hôpital, E E, 2. (3) Discours de Billerey, 1831.

médicale. Fournier (Bernard-Adolphe), docteur en chirurgie, est nommé à la chaire des maladies de femmes et des enfants.

En 1830, Bilon fils étant mort, l'Hôpital nomme aux fonctions de médecin de l'Hôpital le gendre de Duchadoz, Berlioz. Mais Berlioz n'était pas professeur à l'Ecole; or, nul ne pouvait être professeur à l'Ecole s'il n'était médecin de l'Hôpital, ni médecin de l'Hôpital s'il n'était professeur (1). Billerey, comme doyen des médecins de l'Hôpital, s'élève contre l'entrée de celui qu'il appelle « un intrus » (2), son collègue Fournier se joint à lui.

La réclamation était absolument légale; elle était d'autant plus opportune, que l'empiètement de l'Hôpital sur l'Ecole menaçait de l'annihiler complètement le maire avait, en effet, l'intention, dit Billerey (3), de confier le service de santé de l'Hôpital, non plus aux médecins-professeurs rétribués, mais à la généralité des médecins, qui au nombre de 28, offraient de faire ce service, gratuitement, à tour de rôle. C'état retomber dans les errements du siècle dernier, à l'époque où le Pères de la Charité n'étaient pas encore à Grenoble. En réalité, cela faisait une économie misérable de 1.200 fr., cela créait surtout une illégalité et risquait de compromettre l'Ecole.

Dans un discours de rentrée prononcé en 1831, Billerey ne manque pas l'occasion de rappeler, avec les droits de l'Ecole, les services qu'elle avait rendus malgré sa mauvaise organisation (4). Elle a, dit-il, peuplé de médecins recommandables la ville, le département et les départements voisins. Parmi eux, le plus grand nombre y ont trouvé le complément de leurs connaissances médicales, de manière à n'avoir plus à prendre que leurs degrés dans les Facultés spéciales; d'autres y ont reçu la moitié ou les trois quarts de leur éducation médicale, sans compter un bien plus grand nombre d'officiers de santé, qui ont pris du service dans les armées ou qui pratiquent avec succès dans les campagnes ». « Ces services, ajoute-t-il, sont d'autant plus méritoires, que l'Ecole n'a jamais eu, pour se soutenir, que le zèle des professeurs, qui, loin d'être traités à l'égal de

(1) Décret de 1807: « Le service médical de l'Hospice sera confié exclusivement aux professeurs de l'Ecole ».

(2) Lettre du docteur BILLEREY, premier médecin et professeur de médecineclinique à l'Hôpital civil de Grenoble, à M. le Préfet du département de l'Isère. Grenoble, 1831. 0, 3717.

(3) Lettre au Préfet.

(4) Discours prononcé à l'ouverture des cours de l'Ecole secondaire de médecine de Grenoble le 7 novembre 1831, par BILLEREY, professeur de clinique interur, de matière médicale et de thérapeutique. 0, 3714.

ceux des autres Ecoles, confiées comme elle à la sollicitude des administrations locales, n'ont jamais joui que d'une rétribution, qui ne pouvait être qu'exigüe, attendu qu'elle était prise sur le budget de l'Hospice, fourmillant d'autres besoins encore plus impérieux. Les renseignements qui nous sont parvenus d'autres Ecoles de France nous ont appris, en effet, que nulle part les professeurs n'étaient traités avec autant d'indifférence que ceux de Grenoble, car on voit que partout, on leur fixe à chacun un traitement d'au moins 1.000 fr. annuellement, payé par les votes des conseils généraux ou des conseils municipaux, tandis qu'il ne nous a jamais été alloué que quatre votes de 1.500 fr., savoir: deux par le conseil général et deux par le conseil municipal ». L'orateur revient sur la nomination illégale d'un médecin de l'Hospice, non professeur à l'Ecole : « On a introduit dans l'Hospice des médecins étrangers à l'Ecole, alors qu'il y a un droit attribué aux professeurs par le décret d'institution, qui consiste dans l'exercice exclusif du service des malades ». Mais comme il prononçait cette dernière phrase, il fut brusquement interrompu par M. Pierquin, inspecteur d'académie, qui présidait en l'absence du Recteur, et qui lèva la séance! Il est vraisemblable que l'éloge dithyrambique de l'Empereur qu'il avait fait quelques minutes avant fut au moins pour quelque chose dans la susceptibilité excessive du Président.

Billerey n'en voulait pas autrement à la commission administrative, qu'il remercie, dans ce même discours, « d'avoir donné une nouvelle vie à cette Ecole si négligée et si délaissée, en lui donnant six professeurs au lieu de cinq ». Robin vient en eflet d'ètre nommé professeur de matière médicale (1831); A. Charvet enseignait l'anatomie; Chanrion avait été nommé à la clinique externe; enfin Silvy neveu, déjà chirurgien à l'Hôpital, adjoint depuis deux ans, était nommé titulaire de pathologie externe. L'Hôpital, d'ailleurs, tout en cédant sur la question de principe, qui réservait la place de médecin aux professeurs de l'Ecole, n'en continuait pas moins à tenir l'Ecole sous sa coupe : le 8 avril 1832 (1) l'administration de l'Hospice convoque, en effet, les professeurs, et leur reproche d'avoir suspendu leurs cours depuis plusieurs mois. Elle arrête: « qu'il sera tenu un registre pour constater l'absence des élèves aux cours ». Enfin, Sylvy ayant donné sa démission de Directeur, le 17 octobre 1832, c'est elle qui invita les professeurs à lui choisir un successeur. « Les professeurs (2) dit le procès-verbal de la séance du 7 décembre 1832, réunis dans une

(1) Archives de l'Hôpital, E E, 2.

(1) Registre des délibérations de l'Ecole de médecine.

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