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études sérieuses. Les cinq professeurs de l'Ecole de Médecine ne font plus de cours ils se bornent, pendant la seule année 1814, à soigner, avec leurs élèves, environ 1.400 malades ou blessés (1). Le nombre des élèves employés à l'Hôpital est encore de 30 (2). mais, comme on ne fait plus de cours, « le conseil d'administration décide qu'on rendra les inscriptions payées, ou qu'elles serviront pour l'année suivante » (3), mesure fort honnête, sans doute, mais peu brillante, et qui montre dans quel désarroi était l'Ecole de Grenoble, comme la France entière d'ailleurs.

Enfin, le 17 février 1815, au moment même où l'Empereur débarque à l'ile d'Elbe, où nous pourrions voir près de lui un jeune chirurgien qui jouera plus tard un rôle à Grenoble, Camille Leroy, Louis XVIII nous fait entrevoir un horizon nouveau : « Nous avons mûrement examiné les institutions que nous nous proposons de réformer, dit le roi à peine revenu de l'étranger, et il nous a paru que le régime d'une autorité unique et absolue était incompatible avec nos intentions paternelles et avec l'esprit libéral de notre gouvernement ». En conséquence, l'Université impériale est supprimée (4). L Académie de Grenoble devient l'Université de Grenoble et elle comprendra les départements de l'Isère, du Mont-Blanc des Hautes-Alpes, de la Drôme et du Rhône.

La nouvelle Université de notre ville ne fut pas de longue durée; elle vécut quarante et un jours. Grenoble avait ouvert ses portes à l'Empereur qui, le 30 mars 1815, rétablissait son Université dans l'état où il l'avait laissée (5). Cette fois ce fut définitif : l'Université ne devait plus suivre la fortune de son fondateur, car, après les cent jours, Louis XVIII a renoncé à toucher à son organisation (6). Bien plus, Grenoble, qui, ne méritait certes pas les bonnes grâces de la Restauration, vit sa Faculté des Lettres supprimée (7).

(1) A. Rey Eloge de Billerey.
(2) Archives de l'Hôpital, EE, 2.
(3) Archives de l'Hôpital, EE, 2.

(4) Ordonnance du 17 février 1815:

ART. 1er. Les arrondissements formés sous le nom d'Académies par le décret du 17 mars 1808 sont réduits à dix sept. Ils prendront le titre d'Universités. Les Universités porteront le nom du chef-lieu assigné à chacune d'elles. (5) Décret du 30 mars 1815:

ART. 1er. - L'ordonnance du 17 février 1815, portant règlement sur l'instruction publique, est annulée.

ART. 3.

L'Université impériale est rétablie telle qu'elle était organisée par notre décret du 17 mars 1808.

(6) Ordonnance du 15 août 1815:

ART. 1er. L'ordonnance des Académies est provisoirement maintenue. (7) Le décret du 18 janvier 1806, qui supprimait la Faculté des lettres de Grenoble portait le même coup à celles d'Amiens, de Bordeaux, de Bourges, de

Les personnages qui s'étaient compromis pendant les Cent-jours ne furent pas, bien entendu, ménagés : Bilon fils qui, pendant cette période, était menbre du bureau de la Fédération dauphinoise, fut suspendu de ses fonctions de professeur à la Faculté des Sciences comme à l'Ecole de Médecine, et consigné aux portes de la ville (1).

La vie médicale se ralentit d'ailleurs à Grenoble depuis qu'on ne s'y prépare plus à la chirurgie des champs de bataille; la ville est en outre endettée un sieur Berger (Sébastien), ancien chirurgien-major, écrit au maire pour lui demander une place de médecin nécrologiste (2). Il fait valoir le danger des inhumations précipitées, la fréquence des crimes méconnus et se recommande de son beau-frère Clappier de l'Isle, fourrier de la garde à cheval et juge de paix du canton de Vif; mais le maire répond que la ville a trop de payements arriérés pour s'occuper d'un nouvel établissement et engage le postulant à s'adresser au préfet.

Héraut continue néanmoins à faire son cours d'accouchement jusqu'en 1818, époque à laquelle la Maternité est transportée à l'asile Saint-Robert, que le département aménageait depuis 1812, pour y entasser aliénés, mendiants et vénériens, dans l'ancien monastère de Guigues-le-Vieux, acheté pour la somme de 45.000 fr.

Silvy fait encore paraître quelques publications: il signe avec Chanoine, Comte, Bouteille et Plana, pharmacien, un mémoire assez intéressant adressé au comte de Montlivault, préfet du département (3), sur une épidémie d'ergotisme qui sévit dans les environs de Beaurepaire. A part l'erreur qui fait attribuer, par les auteurs, l'altération du seigle à un insecte, c'est là un document intéressant, qui nous renseigne sur l'état précaire de la culture à cette triste époque, dans une contrée aujourd'hui si riche.

Un praticien de Grenoble, du nom de Frier, médecin des épidémies, publie un petit mémoire, sans grande valeur, sur l'efficacité des eaux minérales de La Motte; enfin les Cours de médecine et de chirurgie sont encore faits, avec peu de régularité, par les quatre médecins seulement composant le personnel de l'Ecole; les élèves sont d'ailleurs peu nombreux.

Seul un médecin attire à ce moment sur lui l'attention générale: c'est le Dr Renaud (de Voiron), établi à Grenoble depuis 1810, époque à laquelle

Cahors, de Clermont, de Douai, de Limoges, de Lyon, de Montpellier, de Nancy, de Nimes, d'Orléans, de Pau, de Poitiers, de Rennes, de Rouen; il supprimait en même temps la Faculté des sciences de Besançon, de Lyon et de Metz. (1) Albin Gras: Grenoble en 1814 et en 1815.

(2) Archives municipales, 5, J. 1.

(3) Journal politique et départemental de l'Isère, oct. et nov. 1816.

il avait quitté l'armée. Le 20 avril 1817, il ouvre un cours particulier de médecine à l'usage des gens du monde et obtint, dit A. Rey (1), « un véritable triomphe. Il fit plus tard un cours de médecine judiciaire très suivi par les avocats, les étudiants en droit et les magistrats. Praticien très occupé, « distingué, élégant, soigné, de belle prestance » (2), il fait, à certain moment, grand bruit: l'histoire d'un homme à la fourchette lui valut un immense succès de curiosité. Un bateleur de Romans avait avalé une fourchette, qui s'était logée dans le cœcum. Renaud alla l'opérer, ouvrit le cœcum, retira la fourchette, ne fit ni suture, ni ligature et dix jours après le bateleur venait à pieds, de Romans à Grenoble, remercier son sauveur et répandre sa renommée dans toute la ville. L'existence d'adhérences qui avaient permis d'ouvrir l'intestin sans danger, avait sauvé l'opéré des dangers d'une opération hardie à cette époque, où l'antisepsie n'était point soupçonnée. Mais la célébrité de l'opérateur ne fut pas de longue durée et ce praticien remarquable mourut jeune et pauvre. Les Cours de médecine et de chirurgie, à qui la guerre avait fourni pendant l'Empire une clientèle suffisante, n'avaient plus leur raison d'être à Grenoble. Il était temps que l'Université nous ouvrit enfin les bras.

CHAPITRE IX
(1820-1841)

I. Ordonnance générale qui autorise la transformation des Cours de médecine et de chirurgie en Ecoles secondaires et leur rattachement à l'Université.

de Grenoble sont transformés en Ecole secondaire de médecine. général.

Silvy Directeur de l'Ecole. Organisation des cours. remerciements au Recteur. Fournier secrétaire de l'Ecole.

Les Cours Règlement

- Adresse de

Séance d'ou

verture.

Suppression de la Faculté de droit. — Les

II. Etat précaire de l'enseignement. cours de l'Ecole de médecine interrompus. Exposé des doléances des professeurs relativement à l'organisation de l'Ecole. Appel aux administrateurs de l'Hôpital. CréaL'Ecole est plus que jamais annexée en réalité à l'Hôpital. tion d'un chef des travaux anatomiques. Rapport du Directeur au Maire tou chant les desiderata de l'organisation des Ecoles de médecine en général et de celle de Grenoble en particulier. Lettre des professeurs au Préfet. Rétablissement de la Faculté de droit. — Bruit d'un remaniement des Ecoles de médecine.

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- Voeu des administrateurs de l'Hospice en faveur de l'Ecole. Les droits des professeurs au service médical à l'Hôpital. Berlioz. Pro

(1) A Rey: La chirurgie à Grenoble. Loc. cit.

(2) A. Rey: Loc. cit.

position ayant pour but de confier gratuitement le service médical aux médecins de la ville, à tour de rôle. - Protestation de Billerey et de Fournier. Commission administrative et son intervention dans les affaires de l'Ecole.. Démission de Silvy - Billerey nommé Directeur.

III. Enquête d'Orfila.

- La

Ses projets. Améliorations à l'Ecole de médecine: Camille Leroy; Aribert-Dufresne; A. Charvet; Silvy; Chanriont; Robin; Albin Gras. Mort de Billerey. Robin nommé Directeur.

IV. Le nombre d'élèves est insuffisant.

Découragement ¿énéral.

Rapport de

V. Cousin sur la réorganisation des Ecoles de médecine. Ordonnances de Louis-Philippe relatives à la réorganisation des écoles secondaires en écoles préparatoires de médecine et de pharmacie. — Règlement de ces écoles. mens de fin d'année. - Equivalence des inscriptions.

-

Exa

V. Initiative du Recteur de l'Académie de Grenoble, pour amener la réorganisation. Mauvaises dispositions du maire Berriat. Abnégation des professeurs de l'Ecole. Sacrifices faits par le Conseil d'administration de l'HosVou gratuit de la municipalité. Ordonnance portant création d'une

pice.

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Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie à Grenoble. VI. Quelques figures médicales de cette période : Billerey; Camille Leroy; Albin Gras; A. Charvet.

Déjà, le 15 août 1815, une ordonnance avait donné le nom d'Ecoles secondaires à quelques-uns des Cours de médecine et de chirurgie institués dans les hôpitaux ; mais cela n'avait rien changé à leur situation : ils avaient continué à dépendre du ministère de l'intérieur, ou, pour mieux dire, de la Commission administrative de l'Hospice dans les villes où ils existaient.

Ce n'est que le 18 mai 1820 que paraissait dans l'Officiel l'ordonnance suivante :

Louis, etc.....

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

ART. 1er Les professeurs des Ecoles secondaires de médecine et des cours d'instruction médicale, institués dans les hôpitaux des différentes villes de notre Royaume, et les étudiants qui suivent ces écoles et ces Cours, sont soumis à la discipline du corps enseignant, et placés, à cet égard, sous l'autorité de notre commission de l'instruction publique.

Pour la première fois, les écoles de médecine allaient entrer dans l'Université. Enfin, le 5 juillet 1820, les Cours de médecine établis à Grenoble en 1806, sont convertis en Ecole secondaire.

A son tour, le 7 novembre 1820, la commission d'instruction publique place les écoles secondaires sous la surveillance des recteurs et des

inspecteurs d'académie, chez lesquels les élèves sont obligés de prendre leurs inscriptions (1):

ART. 12. Les certificats d'inscription dans les écoles secondaires ne seront valables, pour dispense d'inscription dans les Facultés, que s'ils ont été visés par le Recteur.

ART. 20. Les écoles secondaires de médecine, qui n'ont point de chef reconnu et établi par les règlements, présenteront au Recteur de leur académie, deux de leurs Professeurs; le Recteur adressera cette présentation, avec son avis, au conseil royal, qui̇ désignera celui qui doit remplir les fonctions de chef.

ART. 21. Les chefs des Ecoles secondaires prendront le titre de Directeur. Ils exerceront, chacun près de son école, les fonctions que les doyens exercent près des facultés.

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Art. 22. Les Professeurs des écoles secondaires de médecine légale . ment établies sont officiers de l'Université et peuvent en porter la décoration comme les Professeurs des facultés et les Professeurs de première classe des colléges royaux; néanmoins, dans les cérémonies publiques, ils ne porteront que la robe de docteur, c'est-à-dire la robe de laine noire à revers de soie nacarat.

ART. 23. Le présent arrêté sera adressé aux Recteurs et notifié immédiatement par chacun d'eux aux écoles de son ressort. Il devra être en pleine exécution dans chaque école, un mois après sa notification. ᎪᎡᎢ. 24. Dans les quinze jours qui suivront le terme exprimé à l'article précédent, le Recteur rendra compte au conseil royal de l'état où en sont les choses et si, quelque école secondaire, à moins de motifs jugés valables par le conseil, ne s'était point conformée aux dispositions contenues dans le présent arrêté, les certificats d'études faits dans cette école ne seraient plus admis pour dispenser d'inscriptions dans les facultés.

ART. 25. Il en sera de même des écoles secondaires actuellement existantes, où les six cours prescrits par les arrêtés rendus en 1808 par le ministre de l'intérieur n'auraient pas été établis ou, ayant cessé d'avoir lieu, ne seraient pas rétablis dans l'espace de six mois à compter de la publication du présent arrêté.

ART. 26. Le présent arrêté sera adressé à S. Exc. le ministre de l'intérieur, avec prière d'étendre les deux articles précédents et l'article 12 cidessus aux admissions devant les jurys médicaux.

ART. 27. Les dispositions du présent arrêté, qui sont relatives aux élèves, seront applicables à ceux de ces jeunes gens qui étudient dans les facultés de médecine avec le désir d'obtenir un jour le diplôme d'officier de santé.

Signé au registre :

PETITOT, secrétaire général,

BARON CUVIER, faisant fonctions de Président.

Ce règlement fut transmis le 23 novembre 1820 par le Recteur Sordes aux professeurs de l'Ecole secondaire de Grenoble, avec la lettre suivante (2):

Messieurs,

J'ai l'honneur de vous adresser un exemplaire d'un arrêté, etc...

Je vous prie, Messieurs, de vouloir bien prendre de suite toutes les mesu

(1) Arrêté du 7 novembre 1820 concernant l'enseignement et la discipline dans les Ecoles secondaires de médecine.

(2) Registre des délibérations de l'Ecole secondaire de médecine de Grenoble.

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