Page images
PDF
EPUB

ce nommés par le Supérieur Général dudit Ordre en Françe, à faire des Cours particuliers pour l'inftruction des jeunes Religieux deftinés à l'exercice de la Chirurgie, fuivant leurs Conftitutions et les Lettres-Patentes données fur icelles. Enjoignons audit Supérieur Général de chofir à cet effet les Religieux qui auront acquis le plus d'expérience et de capacité en ce genre, et de s'en affurer préalablement par les atteftations des Médecins et Chirurgiens defdits Hôpitaux.

ΧΙ

LES jours et heures desdits Cours feront réglés par le Prieur de la Maifon, de concert avec ledit Chirurgien en chef; et les jeunes Religieux et les éleves de la Maifon y feront admis gratuitement, ainfi qu'aux opérations fur les cadavres, auxquelles ils feront employés tour à tour.

XII

A l'egard de ce qui concerne le fervice et la police intérieure de la Maifon, il fera réglé par le Prieur feul, fauf, en cas d'abus, à y être pourvû par nofdites Cours fur le réquifitoire de nofdits Procureurs Généraux, aifi qu'il appartiendra. XIII

LE Chirurgien en chef fera tenu de faire affiduement le fervice de l'Hôpital, et en cas d'empêchement légitime, il avertira fon Subftitut, pour qu'il le fuppléé fans retard: Voulons méme qu'en chaque Hôpital, il y ait une chambre pour le gagnant Maîtrife, afin que le fervice des pauvres puiffe être affuré de nuit comme de jour.

XIV

Er au moyen des difpofitions fufdites, avons permis et permettons auxdits R ligieux de la Charité, d'exercer comme par le passé, et conformément à le r Inftitution, la Chirurgie en leurs Hôpitaux, dans les cas de Léceffité fenselement, ou lorfque le Chirurgien en chef, fon Subftitut ou le gagnant Maitrife n'y pourront vacquer, ce qu'aucun defdits Religieux ne pourra néanmoins faire fans en avoir obtenu préalablement une permiffion du Supérieur de la Maifon, et fans appeller le Chirugien du lieu, s'il y en a, et le Médecin de ladite Maifon pour affifier aux opérations, autant que faire fe pourra; leur enjoignons de n'ufer de ladite permiffion que de la maniere la plus circonfpecte, et pour les pauvres étant dans leur Maifon feulement.

XV

VOULONS en outre qu'aucun des Religieux ne puiffe exercer la Chirurgie dans lefdits Hôpitaux, qu'après en avoir obtenu une permiffion par écrit du Supérieur général dudit Ordre, dans notre Royaume, et ne pourra ladite permiffion lui être accordée qu'après une information préalable de la capacité et de fon expérience; et fur le vu des atteftations des Médecins et Chirurgiens defdits Hôpitaux, fous les yeux desquels il aura appris ledit Art. XVI

FAISONS très expreffe inhibitions et défenfes à tous les Religieux de la Charité de s'immifcer en l'exercice de la Chirurgie hors de leurs Hôpitaux, et de faire ailleurs aucunes opérations ou panfemens, fous quelque prétexte ou de quelque maniere que ce puiffe être, fous telle peine qu'il appartiendra, fuivant l'exigence des cas.

Il n'en demeure pas moins acquis que les Pères dirigaient une véritable école de chirurgie, à l'usage de leurs frères. Le cours des études des jeunes re" ligieux durait trois ans. Une déclaration de l'Hôpital avait, en outre, à plusieurs reprises, spécifié (1) « qu'on continuerait à recevoir des pensionnaires (1) Archives de l'Hôpital, II, E, 2.

et des élèves chirurgiens pour le service de l'Hôpital ». C'était donc une véritable école de chirurgie.

Les apothicaires attaquaient de leur côté les religieux et l'Hôpital, pour la concurrence qui leur était faite par les uns et surtout par l'autre : l'Hôpital vendait beaucoup de médicaments; nous voyons, en effet, qu'en 1723 (1) la recette de la pharmacie fut de 2.444 livres. Sans doute il est juste de reconnaitre qu'en 1722 le syndic des huit apothicaires de la ville avait tacitement consenti à l'ouverture au public de la vieille pharmacie de l'Hôpital; mais il n'est pas moins vrai que, en 1724, une ordonnance du Parlement, rendue sur la plainte des apothicaires, défend (2) « à tous les droguistes, épiciers, religieux et religieuses, hospitaliers et hospitalières, et à tous autres, à l'exception des maîtres apothicaires, de composer, vendre, débiter et distribuer aucunes préparations galéniques et chimiques appartenant à la médecine. >>

La mesure demeura à peu près sans effets, car nous voyons, en 1726 (3), Mile de Blanc succéder à Mile Chape et, comme elle sans maîtrise, vendre des médicaments au public, en 1759 (4), un nouvel arrêt du Parlement de Dauphiné dut renouveler à tous religieux ou religieuses de l'Hôpital de Grenoble la défense de vendre ou débiter au dehors les drogues ou médecines.

L'Hôpital était d'ailleurs en procès avec les maîtres apothicaires de Gre noble, depuis 1756. En 1762, les directeurs, voyant que l'issue de ce procès allait évidemment leur être défavorable, résolurent de prendre, chez eux, un maître apothicaire, qui aurait les mêmes droits que ses confrères; or, comme aucun de ceux de la communauté de Grenoble n'eut voulu accepter, on fit venir de Paris un nommé Delange, maître apothicaire,

En vain, Chabert, doyen des apothicaires de Grenoble, écrit à Paris, afin de détourner tout jeune maître d'accepter l'invitation (5); il ne réussit pas. On faisait, en effet, au nouveau pharmacien une assez bonne situation, car, en échange d'un engagement de 12 ans, il était logé, nourri, chauffé, blanchi,éclairé ; il avait le quart des bénéfices de la pharmacie et un traitement fixe de 500 livres (6). On payait, en outre, pour sa réception au syndicat des apothicaires de Paris, 600 livres ; pour son examen à Paris, 44 livres; pour le café donné aux médecins de la Faculté, qui ont assisté à sa

(1) Archives de l'Hôpital, F, 36.
(2) Archives de l'Hôpital, H, 775.
(3) Archives de l'Hôpital, E. 9.
(4) Archives de l'Hôpital, F, 33.
(5) Archives de l'Hôpital, F, 33.
(6) Archives de l'Hôpital. E, 20.

réception, 18 livres ; pour sa place dans la diligence de Paris à Lyon, 100 livres, et pour celle de Lyon à Grenoble, 15 livres. Enfin, on faisait les frais de son agrégation au corps des apothicaires de Grenoble (1). On lui donne un garçon apothicaire, deux filles servantes « de l'apothiquairerie »; enfin Mile de Blanc quitte ses fonctions.

En même temps on fait construire un nouveau laboratoire de pharmacie et on améliore « les jardins qui sont dans l'enclos de l'Hôpital général » et qui, destinés à la culture des plantes et simples, sont confiés au sieur Delange: premier jardin botanique sérieux. On y cultive, ainsi que le dit le procès verbal, « les plantes botaniques (2) »; mais les simples seront encore remis à MMiles de Blanc et Daru (3), pour le service des pauvres malades de l'Hôpital. Les réclamations fondées des apothicaires de la ville avaient, en somme, amené indirectement des modifications heureuses.

Le service médical laissait encore, à cette époque, singulièrement à désirer; pourtant l'élément médical ou pharmaceutique figure de plus en plus dans le conseil de l'Hôpital : en 1702, Bozonat, apothicaire, avait été nommé directeur (4); en 1707, nous voyons entrer au conseil Jomaron, simple droguiste, mais personnage important: il était consul, il était syndic de tout les corps de la ville et capitaine de la garde bourgeoise (5), dont le colonel sera bientôt un autre apothicaire, Bérard.

Mais les médecins ne faisaient pas leur service; quant à ceux qui, par exception, le faisaient, c'était depuis bien longtemps! Antoine Patras, agrégé au collège, qui, en 1695, avait succédé à Levet, et venait presque tous les jours, demande sa retraite ; il désire, comme honoraires, << une simple attestation du conseil affirmant que depuis 30 ans il soigne gratuitement les pauvres (6) ». Jean Massu, chirurgien, était là depuis 35 ans Claude Chelan, chirurgien, depuis 15 ans seulement.

François Bérard, apothicaire, et Paul-François Varillon, chirurgien, entrent au conseil en 1734 (7). Ce dernier obtient, en 1738 (8), de soigner les femmes et les enfants syphilitiques, qu'on envoyait encore à Lyon, en 1733 (9), « pour les faire traiter! ».

(1) Archives de l'Hôpital, E, 141.

(2) Archives de l'Hôpital, E, 20, E, 21.

(3) Miles de Blanc et Daru avaient, en outre à l'Hôpital, la spécialité d'un onguent et d'un emplâtre, dont elles avaient le secret pour la teigne ou rache-vive (E, 20). (4) Archives de l'Hôpital, E, 7.

(5) Archives de t'Hôpital, H. 785.
(6) Archives de l'Hôpital, E, 9.
(7) Archives də l'Hôpital, E. II.
(8) Archives de l'Hôpital, E, 12.
(9) Archives de l'Hôpital, E, 10.

En 1756, l'Hôpital fait encore venir un opérateur étranger, un sieur Mafioty, oculiste, « qui lèvera la cataracte (1) ». Nous le verrons encore en 1764 établir un mandat de 30 livres pour le prix de deux doses de remèdes, des pilules ou dragées de Keyser, que le roi désire voir expérimenter (2).

Enfin, en 1761, en même temps que paraît l'édit de Marly, le conseil de l'Hôpital prend la mesure, à laquelle il avait songé depuis longtemps: il s'attache un médecin à honoraires fixes, qui devra faire chaque jour, une visite à tous les malades de la maison, outre celles qu'il fera suivant les besoins et lorqu'il sera appelé (3). C'est Dumas, déjà un des directeurs, qui est nommé aux appointements fixes de 200 livres par an. Il conservera exceptionnellement sa qualité de directeur, mais n'aura plus voix aux délibérations.

Ravix Dumas est peu connu comme médecin ; on est assez surpris de trouver une sorte d'encouragement de lui, dans une attestation que, comme son collègue Chabert, il met au bas d'un petit livre anonyme. recueil de recettes populaires (4). Ces remèdes populaires ne sont curieux que pour nous. Ce livre est d'ailleurs destiné aux pauvres, car l'auteur anonyme déclare que « ceux qui sont riches consulteront, dans toutes leurs maladies, Messieurs les médecins >>.

Dumas a cru néanmoins devoir mettre au bas de la dernière page : « Je soussigné, docteur en médecine, aggrégé au collège de Grenoble, certifie avoir lu et examiné un manuscrit, que m'a remis une persone charitable, intitulé le Médecin des montagnes. C'est un recueil de remèdes simples et familiers et peu coûteux, que cette même personne a fait pour l'utilité des pauvres habitants éloignés des villes et qui ne sont pas en état de faire de la dépense; et je n'ai rien trouvé qui puisse empêcher l'impression. Fait à Grenoble, le 5 août 1765. R. DUMAS (5). »

En même temps on donne la modeste gratification de 240 livres au chirurgien Varillon, qui, « depuis 25 ans, soigne les vérolés ».

Le conseil décide en outre qu'il ne sera fait, dans l'intérieur de la maison, aucun acte ou opération de chirurgie, ni donné aucun remède, que sur ordounance du médecin.

(1) Archives de l'Hôpital, E, 17.
(2) Archives de l'Hôpital, E, 145.
(3) Archives de l'Hôpital, E, 20.

(4) Le Médecin des Montagnes, Grenoble, 1762. Chez Joseph Cuchet, imprimeur, rue du Palais.

(5) Ce même petit livre contient aussi une attestation semblable de Chabert. « Vu le contenu cy dessus, je n'y ai rien trouvé qui en puisse empêcher l'im pression. » A Grenoble, 5 août 1762. C. CHABERT, médecin.

Varillon est toujours chirurgien. Il touche même, en 1763, la somme de 36 livres (1), dont on le prie de se contenter, pour une amputation de jambe; mais il ne soignera plus les vénériens, car, par une étrange conception de ses devoirs, la direction décide, qu'elle ne fera plus traiter, à l'avenir, les personnes atteintes de maladies vénériennes, soit de Grenoble, soit d'ailleurs, « considérant que cette charité, quoique extrêmement utile, n'est pas son œuvre et qu'elle peut d'ailleurs dégénérer en abus (2) ». Elle continuera néanmoins, par une autre inconséquence, à faire traiter les nourrices des enfants trouvés, qui auraient été contaminées par leur nourisson.

Nous retrouvons, en 1764, le nom de R. Dumas, cette fois tout à fait à son honneur : les dépenses de l'Hôpital excèdent les recettes; la maison vient de faire des pertes considérables par suite de l'insolvabllité de ses fermiers, de l'incendie des bâtiments d'un de ses domaines et de la banqueroute d'un notaire. R. Dumas abandonne spontannément les 200 livres qui lui sont allouées depuis 1761 et continue à faire exactement son service (3).

Tous ses collègues ne sont pas aussi exacts: Gagnon et Flauvan, médecins, qui avaient promis de faire trois visites par semaine, n'ont pas tenu leurs engagements. Un malade meurt même sans qu'aucun médecin l'ait vu et le directeur de semaine est forcé de prier les médecins de se faire au moins remplacer, lorqu'ils seront empêchés de venir (4). Le chirurgien Varillon, lui-même, son gendre Billon ne viennent que très rarement (5), et Mile de Blanc, chargée des pansements, se plaint de n'avoir aucun chirurgien pour la guider. On décide qu'à l'avenir chacun de ces chirurgiens recevra, comme le médecin, un traitement flxe de 60 livres par an, à condition de venir au moins une fois par semaine, et toutes les fois qu'on le fera demander.

Toutes ces mesures semblent n'avoir eu qu'une efficacité passagère : sous leur Influence le zèle se ranimait un peu, pour s'éteindre bientôt après le Dr Flauvan, en 1768, exige que désormais l'apothicaire et le chirurgien suivent sa visite, mais quelques mois après, on se plaint encore que les trois visites par semaine, qu'il a promis de faire, n'aient jamais lieu et que le Dr Gagnon ne vienne pas davantage.

(1) Archives de l'Hôpital, E, 20. (2) Archives de l'Hôpital, E, 20. (3) Archives de l'Hôpital, E, 20. (4) Auchives de l'Hôpital, E, 21. (5) Archives de l'Hôpital, E, 21.

« PreviousContinue »