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Art.

177.

presque impossible le paiement des lettres de change, et détruirait leur circulation.

Cependant, comme on ne peut méconnaître qu'une disposition qui déclarerait sans restriction valablement libéré celui qui paie une lettre de change à son échéance sans opposition, présenterait aussi des inconvéniens; qu'elle semblerait affranchir le payeur de toute précaution, de toute prudence ; qu'elle assimilerait en quelque sorte la lettre de change à un effet au porteur; qu'elle paraîtrait élever contre le vrai propriétaire une fin de non-recevoir, insurmontable même en cas de collusion entre le payeur et le porteur, ou en cas d'une négligence excessive, voisine de la collusion et du dol : la loi déclare seulement que le payeur est présumé valablement libéré. Il aura en sa faveur la présomption légale. C'est le demandeur qui sera tenu de prou. ver les faits par lesquels il prétendrait l'inculper et le rendre responsable du paiement. Les tribunaux feront justice.

En ce qui touche le rechange et compte de retraite, le projet de loi ne s'écarte point de l'ordonnance de 1673.

Le principe de l'ordonnance était tout entier dans l'article 5 du titre VI, portant:

<< La lettre de change étant protestée, le re>> change ne sera dû par celui qui l'aura tirée, >> que pour le lieu où la remise aura été faite, >> et non pour les autres lieux où elle aura été » négociée, sauf à se pourvoir, par le porteur, >> contre les endosseurs pour le paiement du >> rechange des lieux où elle aura été négociée >> suivant leur ordre >>.

Ce principe ne reçoit aucune altération, et

se retrouve seulement plus développé dans les Art. articles 179, 180, 181, 182 et 183 du projet. 179

180.

181.

On aurait pu, à la rigueur, considérer que le tireur, en livrant à la circulation du commerce 182. une lettre à ordre, est censé avoir véritablement 183. donné la faculté indéfinie, de négocier dans tous les lieux ; que les rechanges ne sont occasionnés que par son manquement à l'obligation de faire les fonds à l'échéance, et en conséquence faire retomber sur lui seul, la charge de tous les rechanges accumulés.

Mais si, tout bien considéré, ce n'eût été que justice, cette justice a semblé trop sévère, et comme chaque endosseur a réellement profité pour ses propres intérêts de la faculté de négocier en tous les lieux qu'il lui a convenu, il a paru qu'il y aurait plus de mesure, de modération et même d'équité dans la disposition adoptée, conforme d'ailleurs à l'usage le plus général du commerce de l'Europe, comme à notre ancienne ordonnance.

A côté et parallèlement, pour ainsi dire, à la lettre de change, marche et circule une autre espèce d'effet de commerce, dont l'usage s'est singulièrement étendu depuis l'époque de 1673; c'est le billet à ordre.

Le principal caractère de différence est, que 187. la lettre de change ne peut être tirée que d'un lieu sur un autre, au lieu que le billet à ordre est le plus souvent payable dans le lieu même où il a été souscrit; de sorte qu'il n'y a pas, comme pour la lettre de change, remise d'argent de place en place. Caractère de différence qui, cependant, s'efface en quelque sorte, dans certaines circonstances, c'est-à-dire lorsque le

billet å ordre est fait payable à un domicile étranger au lieu de la résidence du confectionnaire.

Au reste, le billet à ordre circule dans le commerce comme la lettre de change, au moyen de l'endossement; cet endossemeet en transfère également la propriété, sans aucune formalité et sans signification du transport. Les signataires sont solidaires les uns des autres, comme les signataires de la lettre de change; le porteur est tenu des mêmes devoirs et obligations, et sous les mêmes peines. Il aura aussi le même droit, faute de paiement, de prendre de l'argent sur la place à rechange, et d'exercer, d'endosseur à endosseur, retraite sur les lieux où le billet a été négocié.

Tout cela est ainsi décidé et réglé par l'article 187, section II.

Ces dispositions ont paru la conséquence nécessaire de la nature et des fonctions de ces effets, devenus d'un si grand usage dans les opérations commerciales, et qui, concurremment avec les lettres de change, remplissent tous les canaux du commerce, comme ils satisfont à tous ses besoins, à toutes ses conveArt.nances.

189.

Enfin, Messieurs, l'ordonnance, par son article 21 du titre des Lettres et Billets, avait fixé à cinq ans la prescription en fait de lettres ou billets de change, et n'avait rien dit sur les simples billets à ordre; ce qui laissait la prescription à leur égard dans les termes du droit commun, fixée à trente ans.

On a pensé que la rapidité de la marche des affaires commerciales, considération qui avait

sans doute porté le législateur de 1673 à restreindre à cinq ans la prescription en fait de lettres de change, justifiait la convenance et l'utilité de la même disposition à l'égard du billet à ordre.

C'est une juste conséquence de la similitude de fonctions et de services de ces deux espèces d'effets de commerce.

Tels sont, Messieurs, les motifs du projet de loi que nous vous présentons; nous espérons qu'ils vous paraîtront suffisans pour lui concilier vos suffrages et votre assentiment.

RAPPORT

Fait au Corps Législatif, sur le projet de loi intitulé Code de Commerce, liv. I, tit. VIII, par M. DUVEY RIER, orateur des deux sections réunies de Législation et de l'Intérieur.

Séance du 11 septembre 1807.

MESSIEURS,

MA mission est d'exposer au Corps Législatif l'opinion et les motifs qui ont déterminé l'opinion des deux sections du Tribunat réunies de Législation et de l'Intérieur, sur le projet de loi intitulé Code de Commerce, (Livre Ier, titre VIII).

Cette partie du Code commercial contient toutes les dispositions relatives à la lettre de change et au billet à ordre.

La lettre de change, fille et mère du com

merce.

Sans le commerce, la lettre de change n'existerait pas.

Sans la lettre de change, le commerce n'aurait pas, dans les temps modernes, surpassé les progrès admirés dans les anciens temps.

De quelles merveilles nous étonneraient aujourd'hui ces antiques fondateurs du commerce,

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