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les vainqueurs furent approuvés. Pour sauver seulement les formes constitutionnelles, autant que la circonstance et la crainte le permettaient, Louis XVI, qu'on suspendit de ses fonctions, fut enfermé avec sa famille dans la tour du Temple.

On établit un gouvernement provisoire, et l'on convoqua une Convention nationale pour prononcer définitivement sur le sort du monarque. Depuis ce moment la puissance n'exista plus dans le corps législatif; la commune de Paris s'en empara totalement; l'usage sanglant et barbare qu'elle en fit remplit encore l'âme de tristesse et d'horreur.

Ce qui dut surprendre les rois coalisés, et tous ceux qui ne calculent ni l'influence des opinions politiques sur le caractère des nations, ni la violence de la passion naturelle de l'homme pour l'indépendance, ce fut l'intrépide fermeté des Français contre les ennemis du dehors, dans les momens où ils montraient le plus de faiblesse contre les factieux qui ensanglantaient et déchiraient le sein de leur patrie.

Après la journée du 10 août, la méfiance régnait partout, et l'autorité légale ne se trouvait nulle part. La nation française avait fortement exprimé son vou de vivre sous la forme

d'une monarchie libre, et ses représentans venaient de violer la constitution et d'emprison- 1792. ner le monarque qu'elle déclarait inviolable. Le corps législatif, se reconnaissant incompétent pour donner à la nation une constitution nouvelle, osa, en appelant une Convention, livrer la France aux orages des élections au milieu du désordre de mille factions, et au bruit effrayant du canon des puissances étrangères qui venaient envahir la France.

Cette assemblée si rigoureuse contre le prince, et si timide contre la multitude, ne pouvant gouverner, avait nommé un conseil exécutif provisoire, qui était dominé lui-même par cette redoutable commune de Paris, écume des clubs et foyer de crimes, dont la tyrannie se voyait appuyée par la fureur des jacobins et par le fanatisme de la populace.

Le même trouble, le même désordre, les mêmes dissensions qui agitaient la capitale, régnaient dans les armées. Une grande partie des généraux et des officiers étaient indignés des événemens du 10 août; beaucoup de subalternes, dans l'espoir de leur succéder, se dévouaient aux nouveaux maîtres de la France, et affectaient de regarder comme des traîtres ceux qui n'approuvaient pas la révolution de Paris.

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La foule des soldats, d'abord soumise à ses chefs, avait renouvelé le serment constitutionnel; mais, comme il arrive toujours à la multitude, la nouveauté, le succès, les sẻductions et les soupçons répandus avec adresse, ébranlèrent bientôt sa fidélité.

Cependant, au sein de cette agitation qui donnait tant d'espoir aux ennemis, l'ardeur pour repousser leur invasion ne cessa pas un instant d'être unanime. Les Français, divisés d'opinion sur tout le reste, s'accordaient sur ce seul point; prêts à se battre pour les différentes formes de gouvernement qu'il fallait adopter, ils étaient tous réunis pour défendre leur indépendance et pour se soustraire au joug humiliant de l'étranger.

La désorganisation de l'État, l'anarchie des clubs, la méfiance du nouveau gouvernement et la jalousie des généraux paralysèrent les efforts des armées, et empêchèrent tout accord dans les opérations. Les ennemis en profitèrent; mais ce succès passager, qui fit naître tant de brillantes illusions dans l'esprit des coalisés, n'était qu'un phare trompeur qui les séduisit en leur inspirant une folle confiance, et qui hâta leur chute en précipitant leur course.

La connaissance du pays et les mouvemens de l'ennemi avaient facilement fait prévoir aux

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généraux français que les Prussiens voulaientpénétrer dans le royaume par Longwy, et l'on avait résolu de porter tous les moyens de défense sur les frontières de Champagne et du pays Messin. Le commandement général des troupes avait été partagé entre les généraux Luckner et la Fayette. Le premier devait couvrir les frontières depuis Montmédy jusqu'au Rhin, et le second depuis Dunkerque jusqu'à Montmédy. On avait fait beaucoup de recrues en soldats de ligne et en volontaires; mais le parti qui voulait perdre le général la Fayette ne lui avait donné, dans la distribution de ces secours, que le tiers des recrues, quoiqu'il eût la moitié du terrain à défendre.

Le maréchal Luckner était particulièrement chargé de s'opposer au front de l'attaque des Prussiens, et le général la Fayette devait les inquiéter sur leur flanc. Le duc de Saxe-Teschen, pour diviser les forces françaises, s'était porté avec un corps de troupes autrichiennes en Flandre, du côté de Bavay. Les généraux la Fayette et Luckner, qui ne furent pas trompés par cette fausse attaque, avaient ordonné au général Dumouriez de quitter le camp de Maulde, où il entassait ses troupes sans utilité, et de venir rejoindre le maréchal Luckner. Le général Dumouriez, exagérant le danger de la

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marche des Autrichiens et l'importance du camp de Maulde, désobéit. Les jacobins de Paris approuvèrent sa conduite, et crièrent que le général la Fayette était un traître. Celui-ci ordonna au général Dillon d'arrêter le général Dumouriez. Dillon n'osa pas exécuter cet ordre, et les armées de Luckner et de la Fayette, privées des moyens sur lesquels on avait compté, ne se trouvèrent plus en force suffisante pour combattre une armée de soixante-dix mille hommes qui s'avançait sous les ordres du roi de Prusse.

Ainsi ce fut en partie cette désobéissance du général Dumouriez qui rendit les premiers progrès de l'ennemi si faciles et si rapides. Il ne resta plus de voile sur ses motifs quelque temps après; car, lorsque son ambition fut satisfaite, et qu'il eut remplacé le général la Fayette dans le commandement de l'armée, non-seulement le camp de Maulde qu'il fit évacuer n'eut plus d'importance à ses yeux, mais, ne se croyant même pas en état de résister avec ses forces et celles de Luckner réunies, il fit venir d'Alsace le général Kellermann avec les troupes qu'il y commandait.

Cependant le corps législatif, convaincu qu'il était de la plus haute importance pour lui de s'assurer des troupes, avait envoyé à toutes

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