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1791.

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échouer les opérations militaires.—Changement de ministres.
-Déchéance du roi et accusation du général la Fayette re-
jetée.-Manifeste du duc de Brunswick.-Conjuration contre
la cour.
- Révolution du 10 août.-Les généraux la Fayette,
Alexandre de Lameth et Maubourg sont obligés de s'expatrier.
Leur arrestation. Convocation d'une Convention natio-
nale. - Invasion des étrangers.
Armement universel des
Français. Faute du roi de Prusse. Prise de Longwy et de
Verdun.-Massacres de septembre. - Puissance de la commune
de Paris. La république est décrétée.-Négociations. — Re-
traite imprévue de Frédéric-Guillaume. Succès du général
Custines. - Tyrannie en France. — Effroi général en Europe.

LES

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Es députés constituans, s'étant déclarés inéligibles, espéraient en vain jouir paisiblement de la reconnaissance du peuple, pour les sacrifices qu'ils lui avaient faits, et pour les droits qu'ils lui avaient rendus; ils se trompaient encore plus en croyant que leurs successeurs, n'ayant plus rien à conquérir pour une sage liberté, ne s'occuperaient qu'à en assurer la jouissance, et ne feraient consister leur gloire qu'à travailler, de concert avec le pouvoir exécutif, à perfectionner le code civil, à encourager le commerce, et à faire fleurir l'agriculture.

L'assemblée législative, composée en grande partie d'hommes qui s'étaient fait remarquer plutôt par leur ardeur que par leur prudence, contenait moins de propriétaires que la première assemblée. On y voyait peu de zélés

partisans du gouvernement qui pussent opposer l'esprit de parti aristocratique à l'esprit de parti démocratique ; et, dès les premières délibérations, il fut facile de prévoir combien la session serait orageuse.

Cependant une forte majorité d'hommes éclairés s'y montrait disposée à maintenir la balance des pouvoirs constitués, contre une minorité turbulente qui voulait en détruire l'équilibre. Mais cette majorité n'avait pour elle que le froid langage de la raison, tandis que ses adversaires avaient pour eux l'éloquence des passions, l'apparence d'un patriotisme plus prononcé, et la disposition du peuple à regarder le fanatisme comme zèle et la modération comme perfidie. Cette lutte était d'autant plus inégale, que le côté droit luimême, en défendant le gouvernement, n'était pas exempt de méfiance, et craignait les arrière-pensées d'une cour qui ne pouvait pas avoir perdu tant de puissance sans regret, et se rappeler tant d'outrages sans ressentiment.

Les bulles foudroyantes du pape, dédaignées par les incrédules, mais respectées par les dévots, les protestations des prêtres et de leurs disciples, la conclusion subite de la paix entre les puissances germaniques et les princes du Nord, l'appui donné aux émigrés, leur ar

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mement, leurs espérances follement répandues, leurs menaces impolitiquement publiées, les conférences de Padoue et l'entrevue de Pilnitz, répandaient l'alarme dans l'esprit de tous ceux qui s'étaient prononcés pour la révolution, et justifiaient aux yeux du peuple toutes les fureurs du parti des jacobins.

Ceux qui voulaient l'armer contre ces périls menaçans lui paraissaient des amis fidèles; ceux qui lui conseillaient d'éloigner ces dangers par une conduite plus sage, n'étaient à ses yeux que des traîtres qui voulaient l'aveugler sur sa position. Les harangues violentes à la tribune, les pamphlets injurieux pour les rois, les discours incendiaires dans tous les groupes se multipliaient de jour en jour, et par-là on redoublait l'animadversion des puissances étrangères, que la crainte de la propagation des principes révolutionnaires avait seule armées.

Un effroi réciproque alimentait les haines; et la peur, qui avait présidé à toutes les fautes politiques de la cour de France et de l'assemblée constituante, étendit bientôt son funeste règne sur l'Europe entière; de sorte que, par les plus fausses mesures, des deux côtés, les patriotes armèrent contre eux tous les monarques dont ils devaient désirer la neutralité; et les rois, pour punir de vaines déclamations et éviter

des périls chimériques, se précipitèrent dans un danger réel, réunirent contre eux les partis qui s'étaient divisés, hâtèrent la chute du trône qu'ils voulaient soutenir, changèrent en fanatisme l'ardeur des opinions, qui aurait pu s'affaiblir, complétèrent la ruine d'une noblesse dont ils avaient égaré le courage, provoqué l'émigration et trompé l'espérance, et furent enfin au moment de voir leurs États universellement embrasés par le volcan dont ils avaient allumé les feux et accéléré l'explosion.

L'assemblée législative voulut donner à son président, dans son sein, la préséance sur le roi, et fut forcée par la clameur publique de révoquer ce décret. La garde nationale était irritée contre les hommes à piques, qui avaient promené en triomphe dans Paris les Suisses du régiment de Château-Vieux, justement condamnés, l'année précédente, pour la révolte de Nancy. Les chefs des trois régimens de ligne qui étaient à Paris avaient la ferme intention de soutenir la constitution que la faction jacobine attaquait. Tous les patriotes honnêtes et éclairés, tous les hommes modérés, qui formèrent en tout temps l'immense majorité des Français, étaient indignés qu'une minorité inquiète et turbulente voulût éterniser les malheurs publics, en protégeant partout

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les libelles, les désordres, les délations, l'indiscipline des troupes et les séditions de la populace; ils voyaient clairement qu'en prolongeant la tourmente révolutionnaire, on détruisait la liberté au lieu de l'affermir, et que l'on courait le risque même de rendre universellement odieux des principes qui ne seraient jugés que par leurs funestes conséquences.

Dans cette disposition des esprits, on peut croire que, si les étrangers avaient cessé de vouloir s'immiscer dans les affaires de la France, et si les nobles, sacrifiant leurs illusions à la réalité, avaient voulu faire cause commune avec ce qu'on nommait la bourgeoisie, on aurait aisément comprimé les factions et prévenu la seconde révolution qui se préparait. Il fallait voir que la question était changée, que l'objet des nouveaux révolutionnaires n'était pas de combattre le pouvoir arbitraire qui n'existait plus et des priviléges abolis, mais d'établir une guerre entre le riche et le pauvre, et de parvenir par cette lutte, sur les débris du trône, à une démocratie absolue, qui, sous le faux nom de liberté, ouvrirait à ses fondateurs l'arène de la licence, la source des richesses et le chemin de la tyrannie.

Tous les membres de la minorité n'étaient pas animés par de si perverses intentions; dans

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