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résister à ses conseils, et qu'elle obtiendrait par les armes une juste réparation des griefs dont elle se plaignait avec autant d'aigreur que de mauvaise foi.

La diète polonaise, plus indignée qu'effrayée, ne connaissait pas la révolution qui s'était opérée dans la politique des rois; elle ne pouvait croire que ceux qui avaient dirigé ses opérations, aiguillonné son courage, l'abandonnassent aux vengeances de Catherine, et consentissent à voir agrandir sur leurs ruines la puissance colossale de la Russie. On résolut de défendre la liberté et de courir aux armes.

1792.

Stanislas-Auguste implora le secours du roi de Prusse, et réclama l'exécution du traité d'alliance de 1790, qui l'unissait à lui; mais il fut déplorablement trompé dans son espérance. Frédéric-Guillaume, feignant d'oublier qu'il avait fomenté l'insurrection des Polonais, en les excitant à se rendre indépendans, qu'il avait voulu les armer contre la Russie, et que son ministre Goltz avait, en son nom, donné l'approbation la plus complète à leur sage constitution, répondit au roi de Pologne qu'il avait toujours prévu les suites funestes des changemens qui s'étaient opérés dans le gouvernement polonais; qu'il lui conseillait de céder à l'impératrice, pour éviter de grands

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malheurs; et que, le

pacte constitutionnel étant postérieur au traité d'alliance, il n'était plus obligé d'en exécuter la disposition par laquelle il avait promis des secours, si quelque puissance étrangère attaquait la Pologne, et s'immisçait dans ses affaires intérieures.

Ce manque de foi et ce lâche abandon n'anéantirent point l'espoir de cette nation infortunée; elle crut que son courage lui tiendrait lieu de force, d'argent et d'allié. Elle mérita par sa vaillance un roi plus ferme, des ennemis plus généreux, des amis plus fidèles et un meilleur sort.

Mais sa résistance fut inutile et courte; Stanislas l'abrégea par sa faiblesse : intimidé par les menaces de Catherine, trompé par ses promesses, il fit retirer son armée que le célèbre Kosciusko avait déjà, en quelques rencontres, illustrée par sa valeur. Il céda honteusement à son ennemi; l'impératrice, abusant de la victoire, opprima et démembra le pays qu'elle voulait, disait-elle, protéger; elle punit avec cruauté cette république de s'être changée en monarchie, tandis que le roi de Prusse et le roi de Hongrie se préparaient à châtier une monarchie qui prenait la forme d'une république.

Il était nécessaire de retracer rapidement

les dispositions de toutes les puissances européennes, au moment où la guerre éclata. On voit à présent quelle était leur erreur, puisque l'esprit révolutionnaire, qui leur semblait si redoutable pendant la paix, leur paraissait en même temps si facile à détruire à coups de

canon.

le

On ne calculait pas les ressources que le papier-monnaie devait donner aux Français pendant plusieurs années; on ne s'apercevait pas que la garde nationale, instituée par général la Fayette, avait créé quatre millions de soldats, animés par l'attrait de la nouveauté, l'enthousiasme de la liberté, formés à l'exercice fréquent des armes, et plus redoutables

que

les combattans soldés qui faisaient la guerre par obéissance, mais sans passion; on oubliait que la France possédait le corps d'artillerie le plus instruit de l'Europe; on ne savait pas que la troupe nombreuse des officiers restés à leur poste et des sous-officiers, remplis d'instruction, enflammés par la perspective brillante d'avancement et de gloire que la révolution ouvrait devant eux, allait développer les talens des Hoche, des Menou, des Desaix, des Kleber, des Macdonald, des Moreau, des Pichegru, des Massena, des Moncey, des Brune, et de tant d'autres guerriers qui devaient renouveler,

1792.

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dans ces temps modernes, les exploits des héros antiques, et dédommager la France, en quelque sorte, par leur gloire, de la honte d'une tyrannie atroce.

Cependant, quoique la ligue se trompât sur les moyens de défense des Français, sur la possibilité de changer par la force les opinions que la compression allait rendre plus énergiques, et qu'elle commit une grande imprudence en approchant ses soldats d'un pays dont elle disait les principes si contagieux, elle pouvait encore obtenir quelques succès dans son entreprise, si elle avait su ménager les esprits au lieu de les aigrir, et diviser les partis au lieu de les réunir.

La France était déchirée par quatre factions : les royalistes absolus, qui voulaient l'ancien régime; leur nombre était faible, et leur puissance était au dehors: les monarchistes constitutionnels; c'était la majorité immense de la nation; leur vœu général était l'alliance du trône avec la liberté : les républicains; ce parti faible encore, composé de quelques penseurs hardis, ne prévoyait pas ses triomphes: enfin, les anarchistes; c'était la lie de toutes les classes en minorité dans chaque partie de la France, mais profitant des troubles pour exciter la fermentation de la populace des gran

des villes. Cette faction détestable, universellement haïe et méprisée, ne pouvait prendre quelque empire que dans les momens où le peuple en danger se livrait à la méfiance et à la terreur.

Si la coalition avait paru soutenir le parti constitutionnel, elle aurait pu croire que la confiance et la paix replongeraient dans le néant ces factieux absurdes et cruels, qui n'en auraient jamais dû sortir. Mais, puisque tous les rois, aveuglés par leurs passions, voulaient combattre une constitution que l'expérience seule aurait corrigée, au moins devaient-ils donner des soldats aux princes émigrés, et ne point se présenter en conquérans de la France; alors une guerre civile, après des succès balancés, aurait probablement terminé la querelle des partis, en modifiant la charte constitutionnelle au profit du trône et de la vraie liberté. Mais la ligue royale, intéressée dans ses projets, passionnée dans ses ressentimens, traînant à sa suite les émigrés, lorsqu'elle envahissait leur patrie, excita contre eux l'indignation générale, et força tous les partis divisés à se réunir pour la défense commune.

En les réduisant au désespoir par l'excès de leurs périls, elle créa l'affreuse puissance que l'anarchie jacobine exerça sur une nation éga

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