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déchirée par de si cruelles convulsions, ne leur offrirait qu'une proie facile à partager. On résolut donc de pousser les opérations avec vigueur; Condé fut assiégée, et les Anglais, réunis aux Impériaux, voulurent s'emparer de Valenciennes.

Le général Dampierre, ralliant tous les différens corps de l'armée, s'était mis à leur tête. Après plusieurs combats sanglans, il périt héroïquement à la bataille de Famars, combattant jusqu'à son dernier soupir, et vendant chèrement aux ennemis une victoire qu'ils n'avaient pas prévu qu'on pût leur disputer.

Un fait qui peut servir à caractériser cette funeste époque d'extravagance et de tyrannie, c'est qu'au même instant où le général Dampierre périssait sur le champ de bataille en défendant la république, on inscrivait son nom sur la liste des proscriptions, sur la liste des émigrés; et, lorsque son généreux sang coulait pour la France, la Convention confisquait et vendait ses biens.

Les troupes qui défendaient le camp retranché de Famars, opposèrent encore quelque temps une vigoureuse résistance aux Autrichiens; mais elles furent enfin forcées de céder au nombre, et de se disperser dans différentes places, en attendant que de nouveaux

renforts les missent en état de combattre. Leur retraite débarrassant le prince de Cobourg de tout obstacle, il investit Valenciennes, dont il ne put s'emparer qu'après un siége long et meurtrier.

Le général Custines vint prendre, peu de temps après, le commandement des débris de l'armée; on lui reprochait de n'avoir rien tenté pour secourir Mayence: il était soupçonné de trahison par les conventionnels. Ayant envoyé imprudemment un mémoire où il développait les dangers du système désorganisateur des jacobins, et la nécessité d'avoir recours à une espèce de dictature pour rétablir l'ordre, sa perte fut résolue; sa loyauté devint la cause de sa mort. Ne pouvant prévoir un sort qu'il ne méritait pas, il vint lui-même se livrer sans méfiance aux tyrans qui l'envoyèrent à l'échafaud.

Le général Montesquiou avait évité la même destinée en se sauvant en Suisse, au moment où on venait l'arrêter dans son camp. Le général Anselme fut aussi décrété d'accusation; ses infirmités et le peu d'éclat de son nom le firent échapper à la proscription.

Les revers des armées, les succès du roi de Prusse et l'invasion des Autrichiens consternaient les hommes éclairés, et portaient à la

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ce comité dénonce à la Convention vingt-deux Ire année députés, les accuse de complicité avec Dumouriez et la coalition, leur attribue l'intention de rompre l'unité de l'État, et de le morceler en plusieurs républiques fédérées; il les accuse aussi d'être du parti d'Orléans. Tous ces reproches, absurdement contradictoires, se détruisaient réciproquement; mais, lorsqu'on veut animer la multitude, l'accumulation des griefs a plus de force que leur vraisemblance.

Enfin le comité factieux, appuyé par la commune, par les faubourgs et par l'administration même du département, demande l'emprisonnement et la mise en jugement des députés dénoncés. Malgré les clameurs des tribunes, les cris des séditieux et les vociférations de la Montagne, la majorité de la Convention opposa encore, dans cette journée, quelque résistance aux conspirateurs. Elle n'avait pas la force de les punir; mais elle ne leur sacrifia point les victimes qu'ils demandaient.

Cet effort pour les défendre fut le dernier que l'on tenta. La terreur gagna rapidement tous les esprits; la Convention nationale, deux jours après, ayant en vain essayé de percer la ligne qui l'entourait, et d'en imposer au peuple par sa présence, rendit honteusement tous les décrets qu'on voulut lui arracher; elle fit

conduire en prison les accusés qui se laissèrent arrêter, proscrivit ceux qui, par la fuite, évitaient l'échafaud, envoya dans tous les départemens des commissaires chargés d'inspirer l'obéissance par la crainte, et se soumit sans réserve, ainsi que toute la France, à la plus odieuse et la plus sanglante tyrannie.

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fureur une populace aveugle. Il est impossible à la multitude de réfléchir assez pour attribuer ses malheurs à leur véritable cause; il est plus facile pour elle de tout expliquer par la trahison; et tous les démagogues, qui lui disent qu'on la trompe, sont certains d'être écoutés par sa crédulité, de plaire à ses passions et de diriger son ressentiment.

Robespierre, Marat, Danton, Collot-d'Herbois, et tous les chefs de la Montagne, connaissaient parfaitement ce secret, qui fit en tout temps la fortune des factieux : ils répandirent partout les poisons de la calomnie, et la Gironde, qui ne conservait d'influence que dans la Convention, éprouva bientôt que la puissance n'était plus dans l'assemblée, et que la force des clubs l'emportait sur toutes les autorités.

La commune de Paris, les sections, les sociétés populaires retentissaient de plaintes, de menaces et d'imprécations contre la partie de la Convention qui conservait quelques sentimens d'humanité, quelque amour pour l'ordre et quelque respect pour la justice. Les girondins, avertis de leurs dangers par le triomphe de Marat, par les cris séditieux des tribunes, par les harangues factieuses que les faubourgs de Paris les forçaient d'écouter, voulurent s'en

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