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droit de famille à ceux qui font parens dans le degré le plus proche, il en réfulteroit cet inconvénient qu'on auroit été obligé de laiffer fes biens par portions égales à des enfans dépravés, ou à des peres & meres dénaturés, ou à des collatéraux indignes. C'eft la raifon pourquoi les loix ont permis aux mourans, contre la nature de toutes les difpofitions, de difpofer de leurs biens après leur mort, d'avantager un enfant plus qu'un autre, pourvu que chaque enfant ait fa légitime, & même de déshériter leurs enfans pour de certaines caufes, enfin d'exclure les collatéraux, & c'eft-là l'origine de la fucceffion teftamentaire.

Tous les enfans, fans diftinction de fexe, qui font nés d'un légitime mariage, ou légitimés par un mariage fubféquent, fuccedent aux biens paternels; d'où il fuit que les bâtards font exclus de la fucceffion paternelle. Voilà le principe général. Voici quelques regles particulieres.

Lorfqu'une perfonne d'une honnête famille bourgeoife ou d'une condition plus élevée aura commis une faute, fans mener cependant une vie déréglée, ni avant ni après fa faute, nous voulons, dit le légiflateur, que le, bâtard, ou s'il y en a plufieurs, que tous enfemble héritent un fixieme de leur pere & grand-pere, lequel fixieme fera partagé entr'eux & la mere. Si cependant un homme avoit eu des bâtards de plufieurs femmes, aucun d'eux ne feroit en droit de prétendre à ce bénéfice, mais ils feroient tous obligés de fe contenter des alimens. Voilà pour la fucceffion paternelle, obfervez que par rapport à la fucceffion maternelle, les bâtards ont le droit de fuccéder à leur mere & de partager fes biens par portions égales, avec les enfans légitimes qu'elle a eu, foit avant ou depuis leur naiffance. Les bâtards font même admis à la fucceffion des afcendans maternels, mais jamais ils ne fuccedent aux biens des collatéraux.

Par un principe de tolérance bien digne d'être imité, le législateur ordonne que les enfans qui paffent de la religion catholique à la religion proteftante, ou de la proteftante à la catholique, ne foient pas privés du droit de fuccéder aux biens de leurs parens. Cependant il faut bien remarquer qu'il n'en feroit pas de même, fi des enfans embraffoient une religion qui ne fût pas une des trois religions tolérées dans l'empire.

On comprend fous le nom d'enfans, non-feulement ceux du premier degré, favoir les fils & les filles, mais encore les enfans que ceux-ci laiffent après leur mort, qui représentent leurs peres & meres défunts, & qui, par conféquent, obtiennent la portion que leurs peres & meres auroient obtenu, s'ils avoient vécu. Cette représentation a lieu à l'infini : les petits-fils & les petites-filles ne parviennent cependant pas à la fucceffion, lorfque leurs pere & mere y ont renoncé. Il est évident que ne pouvant fuccéder qu'en vertu du droit de leur pere, ils ne peuvent pas s'autorifer d'un droit auquel le pere lui-même a renoncé.

Les enfans capables de fuccéder, dont on vient de faire l'énumération; fuccedent ab inteftat aux biens, tant du pere que de la mere, & excluent

les grand-peres & les grand'meres de la fucceffion. Lorfqu'il y a des enfans de plufieurs lits, qu'un pere, par exemple, a des enfans de deux femmes, les enfans des deux lits fuccedent tous par portions égales, aux biens paternels, &, par conféquent, auffi aux biens des deux femmes, que le pere a acquis en toute propriété; mais quant aux biens maternels, les enfans du premier lit fuccedent à leur mere, qui eft la premiere femme, & ceux du fecond lit à leur mere, qui eft la feconde. Il en eft de même lorfqu'une femme a des enfans de deux lits. Lorfqu'un veuf, ayant des enfans de fa défunte femme, fe marie avec une veuve, qui a pareillement des enfans de fon premier mari, ces enfans fuccedent aux biens de leurs défunts pere & mere, mere, & excluent de ces fucceffions les enfans communs provenus du nouveau mariage de leurs pere & mere.

Dans le nombre des caufes qui peuvent faire perdre aux enfans le droit de fuccéder à leurs pere & mere, on compte principalement les fuivantes. Lorsque les biens des peres & meres font confifqués, auquel cas néanmoins, on doit leur réserver leu. légitime. Lorfque les enfans eux-mêmes ont été bannis, ou que leurs biens ont été confifqués, auquel cas les peres & les meres ne peuvent pas prétendre de légitime. Lorfque les enfans renoncent à la fucceffion paternelle, & enfin lorfqu'ils apoftafient. Nous avons dit plus haut que l'apoftafie n'a point lieu forfqu'on ne quitte une religion tolérée que pour en embraffer une autre que l'empire tolere également.

La veuve du pere ou du grand-pere admife à fuccéder avec les enfans, n'a que le quart de la fucceffion, s'il y a trois enfans vivans; s'il y en a davantage, elle n'a qu'une portion égale à la portion de chaque enfant. On regarde comme veuve légitime, celle dont le promis eft décédé après la bénédiction nuptiale, quoique le mariage n'ait pas été confommé, ou celle qui, après des fiançailles publiques, a habité avec fon promis, décédé avant la bénédiction nuptiale, & en a eu un enfant.

Il existe un fecond ordre de fucceffion ab inteftat, favoir celle des afcendans. Lorsqu'il n'y a point de defcendans, la fucceffion tombe ab inteftat en partage aux parens afcendans du défunt, favoir au pere, à la mere, & fi ceux-ci n'exiftent plus, à l'ayeul & à l'ayeule tant paternel que maternel. Le pere & la mere fuccedent par portions égales, & fi l'un des deux eft décédé, l'autre fuccede feul, & exclut tous les ayeux. Mais ce droit de fuccéder aux defcendans, n'appartient qu'aux afcendans légitimes. Les loix excluent les peres illégitimes, qui jamais ne font admis à la fucceffion de leurs enfans illégitimes. Il n'en eft pas de même par rapport aux meres; elles font héritieres naturelles de leurs enfans illégitimes, quand ils meu→ rent ab inteftat; mais lorsque les enfans font nés d'un adultere ou d'un incefte, ni le pere, ni la mere, ni les autres parens ne font pas admis à leur fuccéder, & leur fucceffion, s'ils viennent à mourir fans defcendans, eft déférée au fifc.

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Les loix excluent, en fecond lieu, de la fucceffion des enfans, ceux qui ne font leurs peres que par adoption. Les ascendans ne peuvent fuccéder aux defcendans, lorfqu'une mere mene ouvertement une vie déréglée. Par exemple, fi après la mort du mari elle accouche d'un bâtard. Lorfqu'une mere ou une grand❜mere se marie dans les fix mois après la mort du mari, quand même elle auroit obtenu une difpenfe à ce fujet.

Nous ne croyons pas devoir entrer ici dans les détails de la fucceffion des parens collatéraux. Nous obferverons feulement que le parent collatéral qui prétend à la fucceffion, après avoir justifié sa parenté, doit encore en prouver le degré de proximité, & comme il s'éleveroit au fujet de cette proximité une foule de procès, lorfque la parenté eft fort éloignée, on ne fera plus, après le dixieme degré, aucune attention à la parenté par rapport à la fucceffion ab inteftat. Mais la fucceffion fera tenue pour vacante & tombera en partage à notre fifc dit l'illuftre auteur. Lorfqu'il n'y a point de parens, la veuve de celui qui eft décédé le dernier, fuccede, non au quart, mais à la moitié de tous fes biens. L'au tre moitié des biens du défunt appartient auffi au fifc.

Mais cette fucceffion de veuve n'a pas lieu, lorfqu'il y a des conventions matrimoniales, parce que la veuve eft obligée de s'en tenir à ce que ces conventions ont réglé.

Il faut en excepter les veuves des gens de qualité qui, fuivant les conftitutions féodales, ont droit de choifir entre la portion réglée par les conventions matrimoniales, & le bénéfice qui leur eft accordé, jure proprio.

Lorfque le défunt ne laiffe ni parens au dixieme degré, ni veuve, le fife fuccede à tous les biens qui vaquent par fa mort, en vertu du droit qui a lieu par rapport aux biens vacans. Pour que le fifc foit admis à la fucceffion; il eft requis que par trois citations édictales qui doivent se faire de quatre en quatre femaines, il ait affigné ceux qui pourroient fe qualifier en qualité d'héritier du défunt.

Il faut que la juftice ait pris préalablement connoiffance des circonftances, pour favoir fi la fucceffion eft effectivement vacante, par conféquent, le fifc n'eft pas autorifé à dépouiller de fait le poffeffeur qui a pris poffeffion de la fucceffion en qualité d'héritier, mais il eft obligé d'attendre le jugement de la juftice; bien entendu cependant, qu'en attendant, il peut obliger le poffeffeur à donner une caution: l'effet de la fucceffion du fifc confifte en ce que le fifc tient lieu d'héritier. D'où il fuit qu'il eft obligé d'obferver tout ce qui eft ordonné aux autres héritiers. Ainfi il faut qu'il déclare dans le temps prefcrit, s'il veut accepter l'hérédité, il faut qu'il faffe un inventaire, & s'il fe déclare héritier, qu'il paye toutes les dettes, même au delà des forces de l'hérédité, ultra vires hæreditatis. Lorsque le fifc renonce à l'hérédité, ce qu'il eft en droit de faire, l'on établira un curateur aux biens de l'hérédité pour citer les créanciers & payer les dettes.

Nous

Nous venons de voir comment on acquiert un droit réel par le moyen des fucceffions qui font déférées ab inteftat, jettons les yeux maintenant fur la maniere dont on acquiert un droit réel par le moyen des fucceffions. déférées par testament.

Le teftament eft une difpofition libre, claire & folemnelle, par laquelle celui qui fait le teftament déclare fa volonté fur tout ce qu'il veut être fait après fa mort. Le teftament differe du codicille qui confifle auffi dans des difpofitions à caufe de mort, en ce que le codicille n'eft pas une difpofition univerfelle, & qu'on ne peut y inftituer un héritier. Les teftamens font ou folemnels ou privilégiés; on appelle teftamens folemnels ceux qui pour être valides requierent certaines folemnités effentielles, & teftamens privilégiés, ceux qui n'exigent point toutes ces folemnités. Pour faire valablement un teftament folemnel, il faut en premier lieu, que le teftateur ait le droit & le pouvoir de tefter: car il y a des perfonnes qui font incapables de tefter, foit par la nature foit en vertu des loix. Ceux que la nature rend incapables de tefter, font ceux qui ne font aucun ufage de leur raison, ou qui ne font pas entiérement dans leur bon fens. Savoir, 1°. les infenfés, quand même le curateur y donneroit fon confentement; 2°. les impuberes, quand même le tuteur y interpoferoit fon autorité. 3°. Celui qui eft né fourd & muet, quand même il en auroit obtenu la liberté du fouverain. 4°. Ceux qui font dans un état d'ivreffe affez confidérable, pour les empêcher de jouir de leur raison. 5°. Les agonifans hors d'état d'expliquer leur volonté diftinctement, font auffi au nombre de ceux que la nature condamne à ne pouvoir tefter. Voyons maintenant ceux que les loix civiles déclarent incapables de faire des difpofitions teftamentaires. 1°. Les prodigues, qui par décret de juftice, ont été interdits. Leur reftament fut-il fait d'une maniere raisonnable, n'en feroit pas moins invalide. Si cependant un prodigue avoit fait un teftament, bon d'ailleurs, avant que d'avoir été interdit, ce teftament vaudra après l'interdiction, de même qu'auparavant. Il ne faut pas douter non plus, qu'il ne foit en droit de refter après que l'interdiction aura été levée. 2o. Les criminels dont les biens font confifqués; le teftament qui auroit été fait, même avant que le crime ne fût commis, feroit invalide. 3o. Les eccléfiaftiques & religieux qui, felon les ftatuts de leur ordre, acquierent tout à leurs chapitres ou couvens. Mais fi ces eccléfiaftiques font quelques acquifitions en prêchant, en enfeignant, en difant la meffe, &c. ils pourront en disposer par teftament.

A l'égard des eccléfiaftiques ou religieux qui, n'acquérant pas pour leur communauté, confervent la liberté de difpofer de tous leurs biens par teftament. Le légiflateur ordonne que ceux qui entrent dans un chapitre, ne pourront lui léguer au-delà de la fomme de cinq cents rixdalers; ni lui donner une plus grande fomme par acte d'entre-vifs.

Si les chapitres ou communautés reçoivent davantage, fous quelque prétexte que ce foit, ils rendront tout ce qu'ils auront reçu aux héritiers ab Tome XX.

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inteftat, & payeront le double au fifc. Ce qui fera pareillement obfervé à l'égard des églifes & autres corps pieux, de quelque religion qu'ils foient. 4°. Les apoftats qui, du chriftianifme paffent au paganifme ou au judaïsme. On ne répute en aucune maniere pour apoftats, ceux qui, du fein de la religion proteftante, paffent dans celui de la religion catholique, ni ceux qui de catholiques fe font proteftans, lefquels font en droit de dif pofer de leurs biens par teftamens. 5. Les hérétiques, c'eft-à-dire, ceux qu'aucune des religions tolérées dans l'empire, ne veut reconnoître pour un membre de fa communion.

On peut voir dans l'ouvrage que nous analyfons, quelles font les autres perfonnes, que la nature ou la loi prive du droit de faire un teftament.

Une feconde condition néceffaire pour la validité d'un teftament folemnel, c'eft que le teftateur ait déclaré fa volonté librement, fans y avoir été porté par la crainte de quelque violence. Ainfi on fuppofe qu'une femme n'a pas tefté librement, lorfqu'ayant été maltraitée par fon mari pendant fon mariage, elle a néanmoins difpofé en fa faveur de toute fa fucceffion, ou même de la plus grande partie, au préjudice de fes parens : ce qui feroit à préfumer fur-tout, fi elle avoit fait ce teftament dans fa derniere maladie. Bien-entendu, qu'on ne peut regarder, ni comme une violence, ni comme une fuggeftion frauduleufe, les bonnes manieres & les careffes d'un mari à l'égard de fa femme, pour la déterminer à faire un teftament en fa faveur.

Une troisieme condition pour pouvoir faire un teftament folemnel, c'est qu'il foit fait judiciairement, ou préfenté à la juftice. Il faut que trois membres, pour le moins, de la juftice, foient préfens à la confection ou préfentation d'un teftament; il n'eft pas néceffaire que le teftament fe faffe devant la juftice ordinaire du teftateur; toutes les juftices qui ont la jurifdiction volontaire, étant en droit de recevoir les difpofitions teftamentaires de qui que ce foit.

Il faut obferver particuliérement que, tous les autres teftamens qui n'auront pas été faits judiciairement, & qui par conféquent, ne feront que des teftamens privés, feront nuls de droit, quand même ils auroient été écrits tout entier, de la propre main du teftateur.

On peut objecter contre ce réglement qu'il n'eft pas facile, fur-tout dans des cas preffans, ou à la campagne, d'affembler une pareille juftice, de forte que par l'établissement d'un pareil réglement, on prive indirectement plufieurs perfonnes de la faculté de tefter, ce qui ne paroît pas équitable; mais on ne fe laiffera point éblouir par cette objection fpécieufe, fi l'on confidere que dans un cas preffant, il eft également & même plus difficile d'affembler fept témoins ainfi qu'il eft requis par le droit commun, même pour les teftamens des payfans: que le teftateur doit s'imputer de n'avoir point penfé à faire fon teftament dans un temps propre, pendant qu'il jouiffoit d'une bonne fanté, & d'avoir attendu juf

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