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DES

LOIS, DÉCRETS, ORDONNANCES, ETC.,

Depuis le mois de Juin 1789 jusqu'au mois d'Août 1830;

ANNOTÉ

Par M. LEPEC, Avocat à la Cour royale de Paris;

AVEC DES NOTICES

DE MM. ODILON BARROT, VATIMESNIL, YMBERT;

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de plusieurs pairs de France, députés, magistrats, jurisconsultes MM. Portalis, Siméon,
Tripler, Zangiacomi, de Haussy, de Noé, de Balzac, Bernard (de Rennes), Bignon,
Boissy-d'Anglas, Champanhet, Cormenin, Dubois (de Nantes), Étienne,

Gillon, Havin, Mauguin, Passy, de Schonen, Teste, Mestadier,
Debelleyme, Merlin, Crémieux, etc., etc.

TOME TROISIÈME.

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A PARIS,

A L'ADMINISTRATION DU JOURNAL DES NOTAIRES ET DES AVOCATS,

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NOTICE

SUR

L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Cette assemblée, nommée en exécution de la constitution de 1791 était appelée à exercer concurremment avec le roi le pouvoir législatif. Sa mission légitime et prévue était d'achever les travaux pure. ment législatifs dont l'assemblée constituante n'avait pu que poser les bases, et d'exécuter cette codification générale de nos lois civiles dont le principe avait été décrété. Mais cette mission supposait entre les pouvoirs de l'état des rapports arrêtés et franchement acceptés, unë situation régulière et légale qui était loin d'exister lors de la réunion de cette assemblée.

Au lieu d'une constitution à exécuter paisiblement, le corps legislatif avait hérité d'un combat acharné à soutenir au dedans, d'une guerre étrangère et européenne à commencer au dehors.

Une révolution ne s'arrête qu'autant qu'elle n'est pas combattue; dès qu'elle l'est, il n'y a d'autre alternative pour elle que d'avancer ou d'être étouffée.

le

La révolution était ouvertement combattue les nobles et par par clergé; elle l'était par les souverains de l'Europe qui en redoutaient la contagion; la couronne elle-même la subissait comme un acte de violence, plutôt qu'elle ne l'acceptait comme un contrat libre: il y eut donc nécessité dé pousser plus avant cette révolution pour l'as

surer.

Si Louis XVI, se faisant l'instrument de la révolution, s'identifiant avec elle, épousant ses intérêts et même ses colères, l'eût servie avec énergie, sans réserve ni arrière-pensée contre ses ennemis du dedans et du dehors, peut-être eût-il ressaisi par les passions une partie de ce que les passions lui avaient enlevé; car alors, comme depuis, les masses étaient plus passionnées que théoriciennes, plus révolutionnaires que libérales.

Dans le terrible conflit qui se préparait, un seul parti était impossible et ne pouvait conduire qu'à une catastrophe, c'était celui de la neutralité : c'est ce que Vergnaud avait si énergiquement précisé par. ces paroles, il faut opter entre la France et l'étranger.

Le roi crut pouvoir s'interposer entre les combattans: il voulut protéger par son véto les prêtres qui poussaient les populations à l'in

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surrection, les émigrés qui s'organisaient sur nos frontières et s'ap prétaient à diriger les armées étrangères sur notre territoire. La révolution, menacée dans ses foyers, éprouvait le besoin de s'entourer de forces; à son tour, elle voulait agglomérer des troupes sous Paris, et à son tour aussi la couronne eut l'imprudence d'y résister. Les rôles étaient changés depuis le 14 juillet 1790.

C'est ainsi que trouvant la royauté entre elle et ses ennemis, menacée par eux et ne pouvant de son côté les atteindre; empêchée de satisfaire ses vengeances et d'assurer sa sécurité, la révolution fut poussée à détruire l'obstacle qui la gênait dans ce combat à mort.

Henri III, pour avoir hésité entre la ligue et la réforme, avait perdu la vie; Louis XVI, pour avoir flotté incertain entre la révolution et la contre-révolution, a perdu la couronne et la vie.

Les journées des 20 juin et 10 août portèrent les derniers coups à ce fantôme de royauté qui n'était plus entre les partis, impatiens d'en venir aux mains, qu'une barrière importune.

La suspension ou plutôt l'abolition de la royauté, car une royauté ne se suspend pas, fut prononcée par l'assemblée législative, à la suite de l'insurrection du 10 août.

Le manifeste insolent de Brunswick, l'entrée des armées étrangères en France, leurs premiers succès, les menaces de subversion totale et de réaction sanglante de la part des émigrés, précipitèrent cette catastrophe, qui fut bientôt suivie des massacres des prisons des 2 et 3 septembre, événement atroce que peut à peine expliquer le délire d'une populace poussée par la colère et la peur au dernier paroxisme d'une rage forcenée; cruelle combinaison de quelques hommes qui avaient froidement calculé l'effet de la terreur sur les esprits dans ce moment de crise.

L'assemblée législative ne fut pas coupable des massacres de septembre, mais elle les laissa se consommer; et c'est beaucoup trop pour sa mémoire. De vaines et impuissantes protestations s'élevèrent de son sein, qui vinrent expirer devant les récriminations et les menaces du club des jacobins et de la commune de Paris.

Ce ne fut même pas librement et spontanément qu'elle suspendit la royauté, elle céda aux violences des clubs et des pétitions armées. Elle permit que son enceinte fût violée le 20 juin par la force brutale, et dès ce moment elle cessa de s'appartenir.

Comme gouvernement révolutionnaire, l'assemblée législative n'eut pas même le triste avantage de l'initiative et de la direction; elle laissa faire. Le pouvoir était hors d'elle, il était dans les clubs et les

sections.

C'est ce qui explique comment, après avoir solennellement et à une imposante majorité absous Lafayette de l'accusation dirigée contre ce général pour être venu protester à la barre contre les violences du 20 juin, elle se laissa aller plus tard à sanctionner non seulement le 20 juin, mais le 10 août.

Cette contradiction s'explique aussi par la progression des événemens qui, rendant le danger tous les jours plus imminent, donnait de nouveaux alimens à la colère et à la peur, ces deux sentimens qui en révolution finissent toujours par dominer les corps politiques et par les entraîner bien au delà de leur but.

Il y avait sans doute dans l'assemblée législative un parti républicain par théorie et par conviction; mais ce parti, en très faible minorité dès le principe, ne reçut sa force et son influence que des tentatives de contre-révolution du clergé et de la noblesse, et de la complicité cachée de la couronne. Les Girondins eux-mêmes, qui, dans les derniers temps de l'assemblée législative, vinrent prêter à ce parti républicain la puissance de leurs talens et de leur énergie, ne se décidèrent à cette résolution extrême qu'après avoir vainement tenté d'entraîner la couronne à s'identifier avec la révolution.

Pour qui examine avec quelque attention la série d'incidens pai lesquels les choses furent à cette époque amenées en France jusqu'à l'abolition de la royauté, reste la conviction que cette abolition fut plutôt une réaction de colère et de peur que l'œuvre du calcul et de la préméditation, plutôt un moyen désespéré de salut, une espèce de défi jeté à des ennemis, que le résultat d'une révolution consommée dans les opinions et dans les mœurs.

Il y a peu de choses à dire des travaux purement législatifs de l'assemblée législative, et on jugerait très mal cette assemblée si on l'appréciait d'après son titre.

En parcourant la partie du Bulletin qui renferme ses actes, ou rencontre un grand nombre de mesures de circonstance contre les prétres, contre les émigrés, sur les assignats, sur les passeports, le service de la gendarmerie, mais très peu de ces monumens de législation durables et permanens.

<< L'assemblée nationale (porte le décret du 28 mars 1792 sur les << passeports), obligée de multiplier temporairement les mesures de << sureté publique, déclare qu'elle s'empressera d'abroger le présent « décret aussitôt que les circonstances qui l'ont provoqué auront «< cessé et que la sûreté publique sera'suffisamment assurée. »

Presque tous les décrets publiés par l'assemblée législative ont ce caractère circonstantiel et accidentel, quoique tous ne le proclament pas aussi explicitement.

Si cette révision tant désirée du Bulletin des Lois, révision qu'un gouvernement loyal regardera comme un devoir d'accomplir, est un jour opérée, il ne restera que bien peu de lois appartenant à l'assemblée si improprement appelée législative.

Dans ce peu de lois, il faut cependant citer celle du 2 septembre. 1792, qui abolit les substitutions; la loi du 22 septembre 1792, qui établit le divorce; celle du 30 mai 1792, qui fixe l'âge de la majorité à vingt-un ans et modifie la puissance paternelle; enfin, celle du 25 septembre 1792, qui pose quelques règles pour la tenue des registres de l'état civil, règles qui ont passé en grande partie dans le Code civil, et qui déterminent les conditions du mariage civil.

Ces lois, sauf celle de l'abolition des substitutions, qui a eu une immense portée politique et sociale, en rendant au commerce une si grande masse de propriétés foncières qui en étaient retranchées depuis des siècles, exagéraient encore l'esprit logique et philosophique de l'assemblée constituante: on en peut juger par cette assimilation du mariage à une simple convention privée, résoluble à volonté, par le consentement des parties, qui sert de base à la loi du divorce assimilation de tous points fausse, puisque dans le mariage il y a d'au

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