1376 & 1393. En 1394, on le bâtit de pierre, des amendes de certains Juifs. Voici le fait. Denis de Machault ayant en 1393, abjuré le Judaïfme, difparut l'année fuivante : fept Juifs furent accufés de l'avoir tué, ou du moins de l'avoir fait abfenter de Paris, après l'avoir engagé pour de l'argent à quitter la Religion chrétienne: outre tous leurs biens qu'on confifqua, ils furent condamnés à avoir le fouet trois famedis de fuite, & à 10000 livres d'amende.

La Chronique de Charles VI & l'Hiftoire de Juvenal des Urfins, rapportent ce fait un peu autrement. La première dit que lorsqu'on en vint à chaffer les Juifs, quatre furent réfervés dans les prifons du Châtelet, accufés d'avoir affommé un Juif converti; qu'enfuite ayant été condamnés à avoir le fouet par tous les carrefours de Paris, quatre Dimanches confécutifs: après avoir fouffert la moitié de la peine, ils donnèrent pour fe racheter de l'autre moitié, 18000 francs d'or, dont fut bâti le petit-Pont. Jean le Coq, Avocat du Roi, qui fut appellé & préfent au procès, dit que le Prévôt de Paris, affifté de quantité d'Avocats & de Docteurs en Théologie, les avoit condamnés à être brûlés; qu'en ayant appellé, la Sentence avoit été caffée le 7 d'Avril 1394, & que la Cour, par fon Arrêt, confifquant les biens de ces fept Juifs, ordonna de plus qu'ils feroient bannis, fouettés trois famedis de fuite, aux Halles, à la Grêve & à la Place Maubert; que cependant ils garderoient la prifon jufqu'à ce qu'ils euffent fait revenir Machault, & payé 10000 livres d'amende ; que de ces 10000 livres, l'Hôtel-Dieu en auroit 500 livres, & que le refte feroit employé à commencer le petit-Pont, & que contre la porte de derrière de l'HôtelDieu, il feroit dreffé une croix de pierre, fur laquelle il y auroit une infcription qui marqueroit que ce Pont auroit été fait de l'argent des Juifs. Les regiftres du Confeil du Parlement, difent qu'en 1395, au mois de Juin, la Cour, pour lever cette fomme, commit Etienne de Guiri, Pierre PEfclat, & Robert Maugier, Confeillers au Parlement.

Ce nouveau Pont fut commencé au mois de Juin, & le Roi Charles VI y mit la première pierre; il ne fut achevé qu'onze ans & demi après, favoir en 1406 à la S. Martin. Će Pont ci ne dura qu'un an, & fut emporté par les eaux pour la feptième foic. La Cour & la Ville fe cotisèrent pour faire rétablir ce Pont, qui ne fut achevé qu'en 1409, le 10 Septembre. On prétend que ce fut Jean Joconde, Dominicain de Vérone, qui en donna le deffin & conduifit les travaux. Après ce rétabliffement, Sauval ne trouve rien qui

nous apprenne de combien de temps fut la durée de ce Pont Le P. Dubreul, & une infcription qu'il rapporte, nous font feulement connoître qu'en 1552, les maifons qui étoient fur ce Pont,furent rebâties de même fymmétrie. Par une infcription qui y étoit encore du temps de Sauval, il paroiffoit que les maifons que nous y avons vues avant l'incendie arrivé en 1718, avoient été conftruites en 1603.

En 1618, une fufée tirée de l'Ifle Notre-Dame, tomba fur un bateau chargé de foin, & y mit le feu qui fe communiqua enfuite à fix autres; mais il n'y eut rien de brûlé fur les Ponts. Celui-ci fut prefque ruiné par les grands débordemens de la rivière en 1649, 1651 & 1658; l'infcription qui en perpétuoit le fouvenir, marquoit en même temps qu'il avoit été affermi & rétabli à grands frais fous la Prévôté de M. de Sève, en 1656.

L'année 1718 fut remarquable par un événement plus funefte que celui qui étoit arrivé cent ans auparavant, puifque le Pont & toutes les maifons qui étoient deffus, furent détruites par un incendie; & voici ce qui le caufa. A fept heures un quart du foir, on vit defcendre deux grands bateaux de foin fort enflammés, & dont on avoit imprudemment coupé les cordes au-deffous du Pont de la Tournelle. Ces deux brûlots fe fuivoient de près, & s'arrêtèrent chacun fous une arche du petit-Pont, où ayant été retenus par les cintres & les arcboutans qui foutenoient la voûte, le feu dont ils étoient embrâfés y prit, & commença à fe manifefter par la maifon d'un Marchand de tableaux qui demeuroit attenant le petit Châtelet. Il augmenta avec tant de violence, que quelque fecours qu'on y donnât, toutes les maifons qui étoient fur ce Pont furent brûlées. On n'a jamais pu découvrir au vrai par quel accident le feu avoit pris au premier bateau de foin. Selon toutes les apparences, ç'a été par la faute de quelque Fumeur dans ce bateau. D'autres affurent que c'est par la crédulité d'une mère, dont l'enfant s'étoit noyé an-deffous du Pont de la Tournelle; elle eut recours à un pain de S. Nicolas-de-Tolentin; elle plaça au milieu de ce pain un cierge allumé, & l'abandonna dans une febille au cours de l'eau, & crut que l'écuelle de bois s'arrêteroit à l'endroit où le corps de fon fils feroit enfoncé. Au lieu de l'effet que cette femme fimple en attendoit, la febille fut dirigée vers un bateau de foin, auquel le cierge allumé mit le feu. Tout cela eft fort incertain. Le Parlement, par fon Arrêt du 3 Mai 1718, ordonna, entr'autres chofes, qu'il feroit fait dans toutes les Paroiffes de la Ville & Fauxbourgs

de Paris, une quête générale, pour fubvenir aux néceffités de ceux qui avoient été ruinés par cet incendie, & que les contraintes par corps pour dettes civiles, ne pourroient être exercées pendant fix mois contre ceux qui avoient fouffert dudit incendie, &c. L'argent de la quête monta à 111898 livres 9 fols 9 deniers, de laquelle fomme la diftribution a été réglée par Arrêt du Parlement du 20 Août 1718.

A peine le fu étoit-il éteint, qu'on fongea efficacement à reconftruire le petit-Pont. On le rebâtit de pierre, mais fans maifons deffus, ce qui donne un peu d'air à ce Quartier, qui, étant très-ferré, & tout auprès de l'Hôtel-Dieu, en avoit grand befoin.

PONT-ROUGE ou DE BOIS. (le) Il fert pour la communication de la Cité avec l'ifle Notre-Dame. Tant que cette Ifle n'a pas été couverte de maifons, il n'y avoit point de Pont en cet endroit. Le Sieur Marie ayant traité pour faire conftruire des bâtimens dans l'Ifle, fut chargé d'y faire les trois Ponts que nous y voyons. En 1614 il fur. décidé que celui-ci ne feroit qu'en bois. Quelques oppofitions de la part du Chapitre de Notre-Dame fufpendirent cet ouvrage. Sauval dit que le Sieur de la Grange, fubftitué au Sieur Marie, reçut en 1624 l'alignement de ce Pont; mais que s'étant défifté de fon entreprise en 1627, ce ne fut qu'en 1642 que toutes les difficultés du Chapitre furent levées, & que les Habitans de l'Ifle fe chargèrent de l'exécution du traité du Sieur Marie. On ne peut cependant difconvenir que ce Pont n'ait été conftruit avant cette époque. Les Mémoires du temps rapportent que le 5 Juin 1634, trois Proceffions paffant enfemble fur ce Pont , pour fe rendre à l'Eglife Notre-Dame, occafionnèrent une fi grande foule, que deux baluftrades du côté de la Grêve furent rompues, & que ce Pont entier fût fur le point d'être enfoncé. En 1636, à l'occafion du Jubilé, le Parlement ordonna qu'on mettroit, pour prévenir un femblable accident, des barrières aux Ponts de bois. Celui-ci fut fi fort endommagé par les glaces en 1709, qu'on fut obligé l'année fuivante de le détruire; on ne l'a rétablit qu'en 1717, tel que nous le voyons aujourd'hui : comme on le peignit alors en rouge, le nom de cette couleur lui eft refté: il n'y a point de maifons deffus, & il n'y paffe aucune voiture. On avoit accordé pour fa conftruction un péage de trois deniers par perfonne, que le Roi a cédé à là Ville, ainfi que le Pont en dédommagement des douze maifons abattues au marché

neuf, en exécution des Lettres-Patentes du 9 Septembre 1734, enrégiftrées le II du même mois.

PONT ROYAL. (le) Ce Pont eft de pierre, le feul de Paris qui traverse toute la rivière. Il a été bâti en la place d'un Pont de bois, que Barbier, Contrôleur Général des bois de l'Ile de France, avoit fait conftruire en 1632, fuivant la permiffion que le Roi en avoit accordée à Pidon l'un des Commis dudit Barbier. Comme ce Pont fut peint en rouge, on le nommoit fouvent le Pont-Rouge, quelquefois le Pont-Barbier, quelquefois le Pont Ste. Anne, en l'honneur de la Reine Anne d'Autriche, Régente, & d'autres fois le Pont des Tuileries, parce qu'étant aligné avec la rue de Beaune, il conduifoit prefque vis-à-vis le Château. Avant la conftruction de ce Pont de bois, on paffoit la rivière en bateau, & c'est ce qui a fait donner le nom de rue du Bac à la rue qui eft vis-à-vis. Après la conftruction de ce Pont Barbier avoit fait commencer ici une Pompe, ou élévation d'eau, pour la commodité du Public; mais cette Pompe fut brûlée, à ce qu'on dit, par un Laquais qui jetta un flambeau allumé dans un bateau de foin qu'on y avoit attaché.

Ce Pont fi utile, & même fi néceffaire, fut emporté par le dégel de l'année 1684; & dès lors le Roi Louis-le-Grand donna fes ordres pour qu'on en bâtît un de pierre à fes dépens, & digne de la magnificence de fon règne. Sa Majesté ayant été informée de l'extrême difficulté qu'il y avoit de conftruire un Pont de pierre en cet endroit, à caufe de la rapidité de la rivière, qui étant ici plus refferrée en fon lit, & plus profonde qu'ailleurs, y coule avec plus de violence; & étant au informée de la capacité du Frère François Romain, Religieux Convers de l'Ordre de Saint Dominique, qui venoit de mettre la dernière main à la première arche du Pont de Maeftricht, & avoit par-là mérité une gratification confidérable des Etats de Hollande, elle donna fes ordres pour le faire venir en France. Il arriva à Paris au mois de Janvier 1685; & après avoir examiné les difficultés qui s'oppofoient à la conftruction de ce Pont, & en avoir conféré avec Jules Hardouin Manfart, alors premier Architecte du Roi, & avec Gabriel, Architecte & Entrepreneur de tout l'ouvrage, le Frère Romain entreprit la conftruction de ce Pont & le conduifit à la perfection où nous le voyons. Un Arrêt du Confeil d'Etat du Roi, daté du 11 d'Octobre 1695, qui commet ledit Frère Romain pour faire les vifites, dreffer les devis & les rapports pour la réception des ouvrages des

Ponts & Chauffées, réparations des bâtimens dependans des Domaines de Sa Majefté, & autres ouvrages publics dans toute l'étendue de la Généralité de Paris, dit pofitivement que ce Frère avoit eu la conduite & l'infpection de ce Pont. Comme il n'eft point parlé de celui qui en donna les deffins, il y a apparence que ce fut le premier Archit. &te du Roi, & ce fut lui auffi qui en donna les devis, qui furent imprimés. Le Frère Romain furmonta les grands obftacles qui fe préfentèrent dans l'exécution, dont le plus difficile étoit la prodigieufe abondance d'eau que donnoient quantité de fources, & que le Frère Romain trouva le moyen d'évacuer.

&

Les fondations de ce Pont furent jettées le 25 d'Octobre 1685, & en même temps on enferma plufieurs Médailles dans une boëte de bois de cèdre, longue de 14 pouces, & large de 10. On mit cette boëte dans une autre de plomb, on les encaftra dans le maffif de la premiere pile, du côté du Château des Tuileries. Ces Médailles marquent chacune un événement mémorable du règne de Louis-le-Grand, & font au nombre de treize, dont l'une eft d'or, & les douze autres d'argent. Celle d'or pefe un marc fept gros & 24 grains.

Ce folide & magnifique Pont confifte en quatre piles & deux culées,qui forment cinq arches entr'elles, dont les cintres font furbaiffés. Les deux bouts du Pont font en trompes fort larges; ce qui a été pratiqué pour en faciliter l'entrée aux carroffes & aux charettes. La longueur du Pont eft d'environ 72 toifes, fur 8 toifes 4 pieds de largeur, dans laquelle on a pris neuf pieds pour chaque banquette, & deux autres pieds pour l'épaiffeur des parapets. L'architecture de cet édifice eft fimple, mais folide: la dépenfe qu'on fit pour fa conftruction monta à fept cent vingt mille livres.

Sur un des éperons de l'arche la plus voifine de la porte des Tuileries, on a tracé une échelle divifée en pieds & pouces, qui marque la hauteur fucceffive de l'eau, & jufqu'à quel point elle s'eft élevée dans les années où il y a eu des crues confidérables.

PONT-SAINT-CHARLES OU DE L'HÔTEL-DIEU. (le) Les Adminiftrateurs de l'Hôtel-Dieu traitèrent en 1531, d'une maifon fur le petit Pont, joignant le portail, qui appartenoit à la Sainte Chapelle, & fur cet emplacement le Cardinal Antoine Duprat, Légat en France, fit conftruire la falle qu'on appelle encore aujourd'hui la falle du Légat; ils avoient fait précédemment plufieurs acquifitions,&notam