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position. Et cependant, de peur que l'inconsidération ou l'ignorance ne missent en doute l'inviolable persévérance de l'assemblée nationale dans ses précédentes déclarations et dans les principes favorables à la foi publique, M. Prieur a proposé ce changement dans la rédaction du procès verbal.

» Un membre du comité de l'imposition ayant > observé que le comité s'était occupé de cette par» tie, et qu'il présenterait incessamment ses vues à » cet égard, l'assemblée a décrété que le comité fe»rait son rapport dans la huitaine.»

>>> J'invite tous ceux de mes collègues qui regardent la noble conduite de l'assemblée nationale en matière de foi publique comme une des plus belles portions de sa gloire, à se préparer sur cette matière, quelque confiance que nous devions aux lumières du comité de l'imposition, car il a de grandes erreurs à dissiper et de grands préjugés à combattre.

» La nécessité de réveiller sur cette matière la religion et la surveillance de l'assemblée nationale est d'autant plus instante que, depuis quelque temps, les propositions scandaleuses en finances se multiplient à la tribune.

» Et, pour en citer un exemple vraiment déplorable, je ne saurais passer sous silence les étranges paroles qu'un membre du comité a proférées dans la séance du 10 octobre, en recommandant à notre patriotisme la régie des loteries, et surtout de

la loterie royale, régie qui, selon lui, doit être une des sources les plus fécondes et les plus innocentes du revenu public. Ainsi, comme l'a dit un écrivain très-utile, voilà le patriotisme invoqué en faveur de la loterie royale! Les loteries sont une source innocente du revenu d'une nation régénérée ! C'est le corps constituant, c'est l'assemblée législative que l'on invite à se dépouiller d'anciennes préventions, à ne voir dans la régie modifiée, perfectionnée, qu'un instrument utile et jamais oppresseur, si l'assemblée donne (non au profit criminel de la loterie, car le produit diminuerait, mais à sa perception) des bases certaines et des principes bien constatés.

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Que, sous les derniers temps d'un gouvernement qui, follement prodigue et systématiquement corrupteur, était sans cesse aux expédiens, et ne convoitait le despotisme que pour se procùrer de l'or, et l'or pour conserver le despotisme, de prétendus hommes d'état n'aient pas rougi d'écrire et d'imprimer que la loterie pouvait étre regardée comme un impôt libre, volontaire : on s'indigne plus qu'on ne s'étonne. Mais qu'aujourd'hui, à l'aurore de la liberté nationale, on essaie d'intéresser les fondateurs de la morale publique au perfectionnement d'une institution qui précipite dans toutes les calamités du vice et de la misère les classes industrieuses du peuple, voilà ce qui fait horreur..... C'est un impôt.... Quel impôt, qui fonde son plus grand produit sur le délire ou sur le dé

sespoir! Quel impôt, que le plus riche propriétaire est dispensé de payer, et que les hommes sages, les meilleurs citoyens ne paieront jamais! Un impôt libre! Étrange liberté! Chaque jour, à chaque instant, on crie au peuple qu'il ne tient qu'à lui de s'enrichir avec un peu d'argent; on propose un million pour vingt sous au malheureux qui ne sait pas compter, qui manque du nécessaire..... Et le sacrifice qu'il fait à ce fol espoir, du seul argent qui lui reste, de cet argent qui apaiserait les cris de sa famille, est un don libre et volontaire!..... C'est un impôt qu'il paie à la souveraineté (*) !

» Certes, lorsque les yeux de l'assemblée nationale se porteront sur les loteries, elle apercevra dans un instant que cette invention exécrable, destinée à choquer tous les principes de la morale, au même degré où elle viole toutes les proportions de l'arithmétique honnête, frappe le peuple, dont les mœurs et la subsistance sont incessamment menacées, détruit le goût du travail, introduit la fraude et l'infidélité, engendre les vols, les assassinats, les forfaits; et, chose horrible! qu'elle offre le hideux spectacle d'un gouvernement exerçant le plus vil des escamotages, et mettant l'innocence, le bien-être des hommes au misérable prix de quelques millions (**).

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Discours sur la proposition faite à l'assemblée nationale, par M. Lavenue, d'imposer les rentes, jugée dans la séance du 4 décembre 1790 (1).

» MESSIEURS, si je parais à la tribune, au sujet de la proposition qui vous a été faite d'imposer les rentes dues par l'état, ce n'est pas que je me flatte d'y porter des vérités nouvelles pour vous. Il est

(1) » Ce discours devait être prononcé à l'assemblée nationale: le comité d'imposition a reconnu, dans le rapport qu'il a été chargé de faire au sujet de la proposition d'imposer les rentes, que cette imposition particulière serait contraire à la justice et aux décrets de l'assemblée.

» Je ne doutais point que ce rapport ne fût combattu par les auteurs de la motion; et j'avais résolu de traiter ce sujet de manière à ne laisser aucune obscurité sur les principes, et aucune couleur aux objections. La dicussion a été fermée avant que j'aie pu prononcer le discours que j'avais préparé. Mais les singuliers amendemens proposés en foule sur le sage décret qui a été rendu, m'ont prouvé que la principale question avait besoin encore d'être éclaircie, et qu'il fallait ôter à nos adversaires le pretexte de dire qu'on n'avait pas répondu à M. Lavenue.

» Une autre raison m'a déterminé à publier ce discours : on voudrait faire croire aux départemens que le parti populaire de l'assemblée a moins à cœur leurs intérêts qué ceux de la capitale; et l'on prétendra peut-être leur en fournir un exemple par le décret du 4 décembre.

» Je ne crains pas, je demande même avec confiance que les départemens soient juges dans leurs propres causes. Ils ne sépareront pas plus que moi une partie de la France d'une autre partie. Ils ne voudront pas distinguer, dans

peu de réflexions fondamentales sur cette matière qui ne vous aient été présentées en différens temps. Je veux seulement les rappeler à votre esprit : réunies en un faisceau, elles en seront plus lumineuses et plus sensibles; et vous vous étonnerez peut-être qu'on reproduise encore une proposition, je ne dirai pas si souvent écartée par cette assemblée, mais repoussée tant de fois avec toute l'énergie de sa vertu et de sa justice.

>> Nous travaillons à un système général d'impositions; nous cherchons à les répartir convenablement sur les diverses classes des propriétaires; et quelques membres ont saisi cette circonstance

l'unité de notre constitution, les départemens d'avec la capitale, quand il s'agit de l'intérêt commun et de l'honneur de tout le royaume. On ne leur persuadera pas que ce qui est juste en soi, ce qui tient à la fidélité nationale, et à tous les grands principes de crédit public, puisse être envisagé différemment par des Français patriotes, selon les différentes parties du royaume qu'ils habitent.

» Et s'ils descendent de ces grands principes de justice générale, qui sont les premières bases d'une administration florissante, à des intérêts particuliers, ils verront que ces intérêts bien entendus donnent le même résultat que la justice. Ce n'est pas aujourd'hui que l'on peut douter que Paris et le reste de l'empire ayant des rapports intimes et nécessaires, ce ne fût bien mal entendre les avantages de l'un, que de prétendre le servir aux dépens de l'autre.

» Enfin, j'espère que l'on trouvera dans cet écrit tout ce qui est nécessaire pour l'éclaircissement d'une question assez peu connue. » (NOTE DE MIRABEAU.)

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