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de colère civique, me fit tenir sur-le-champ un propos que M. le rapporteur, pour avoir le droit de taxer d'indiscret, aurait dû faire connaître. Qu'on le trouve, si l'on veut, insolent; mais qu'on avoue du moins, puisqu'il ne suppose même aucune relation, qu'il exclut toute idée de complicité. Je le tins sur celui dont la conduite jusqu'alors m'avait paru exempte de reproches, mais dont le départ était à mes yeux plus qu'une faute. Voilà ce fait éclairci; et M. de La Fayette peut en certifier tous les détails, qui lui sont tous parfaitement connus. Qu'à présent celui qui osera, je ne dirai pas m'en faire un crime, mais me refuser son approbation; celui qui osera soutenir que le conseil que je donnais n'était pas conforme à mes devoirs, utile à la chose publique et fait pour m'honorer; que celui-là se lève et m'accuse. Mon opinion, sans doute, lui est indifférente, mais je déclare que je ne puis me défendre pour lui du plus profond mépris.

Ainsi disparaissent ces inculpations atroces, ces calomnies effrénées qui plaçaient au nombre des conspirateurs les plus dangereux, au nombre des criminels les plus exécrables, un homme qui a la conscience d'avoir toujours voulu être utile à son pays, et de ne lui avoir pas été toujours inutile. (Une grande partie de l'assemblée et des spectateurs applaudissent.) Ainsi s'évanouit ce secret si tard découvert, qu'un tribunal, au moment de terminer sa carrière, est venu vous dévoiler avec

tant de certitude et de complaisance. Qu'importe à présent que je discute ou je dédaigne cette foule de ouï-dire contradictoires, de fables absurdes, de rapprochemens insidieux que renferme encore la procédure? Qu'importe, par exemple, que j'explique cette série de confidences que M. Virieux suppose avoir reçues de moi, et qu'il révèle avec tant de loyauté? Il est étrange, ce M. Virieux; mais fut-il donc jamais un zélateur si fervent de la révolution actuelle; s'est-il, en aucun temps, montré l'ami si sincère de la constitution, qu'un homme dont on a tout dit, excepté qu'il soit une bête, l'ait pris ainsi pour son confident?

Je ne parle point ici pour amuser la malignité publique, pour attirer des haines, pour faire naître de nouvelles divisions. Personne ne sait mieux le salut de tout et de tous est dans que que moi l'harmonie sociale et dans l'anéantissement de tout esprit de parti; mais je ne puis m'empêcher d'ajouter que c'est un triste moyen d'obtenir cette réunion des esprits, qui seule manque à l'achèvement de notre ouvrage, que de susciter d'infâmes procédures, de changer l'art judiciaire en arme offensive, et de justifier ce genre de combat par des principes qui feraient horreur à des esclaves. Je vous demande la permission de me résumer.

La procédure ne me désigne que comme complice; il n'y a donc aucune accusation contre moi, s'il n'y a point de charge de complicité.

La procédure ne me désigne comme complice

d'aucun excès individuel, mais seulement d'un prétendu moteur principal de cet excès. Il n'y a donc point d'accusation contre moi, si l'on ne prouve pas d'abord qu'il y a eu un premier moteur; si l'on ne démontre pas que les prétendues charges de complicité qui me regardent étaient un rôle secondaire lié au rôle principal; si l'on n'éta– blit pas que ma conduite a été l'un des principes de l'action, du mouvement, de l'explosion dont on recherche les causes.

Enfin, la procédure ne me désigne pas seulement comme le complice d'un moteur général, mais comme le complice d'un tel. Il n'y a donc point d'accusation contre moi, si l'on ne prouve pas tout à la fois, et que ce moteur est le principal coupable, et que les charges dont je suis l'objet lui sont relatives, annoncent un plan commun dépendant des mêmes causes et capable de produire les mêmes effets.

Or, rien de tout ce qu'il serait indispensable de prouver n'est prouvé.

Je ne veux pas examiner si les événemens sur lesquels on a informé sont des malheurs ou des crimes; si ces crimes sont l'effet d'un complot, ou de l'imprudence, ou du hasard; et si la supposition d'un principal moteur ne les rendrait pas cent fois plus inexplicables. Il me suffit de vous rappeler que parmi les faits qui sont à ma charge, les uns, antérieurs ou postérieurs de plusieurs mois aux événemens, ne peuvent leur être liés que par

la logique des tyrans ou de leurs suppôts; et que les autres, qui ont concouru avec l'époque même de la procédure, ne sont évidemment ni cause, ni effet, n'ont eu, n'ont pu avoir aucune influence, sont exclusifs du rôle d'agent, de moteur ou de complice; et qu'à moins de supposer que j'étais du nombre des coupables par la seule volonté, que je n'étais chargé d'aucune action au dehors, d'aucune impulsion, d'aucun mouvement, ma prétendue complicité est une chimère.

Il me suffit encore de vous faire observer que les charges que l'on m'oppose, bien loin de me donner des relations avec le principal moteur désigné, me donneraient des rapports entièrement opposés; que, dans la dénonciation du repas fraternel, que je n'eus pas seul la prétendue imprudence d'appeler une orgie, je ne fus que l'auxiliaire de deux de mes collègues qui avaient pris la parole avant moi; que si j'avais parcouru les rangs du régiment de Flandre, je n'aurais fait, d'après la procédure elle-même, que suivre l'exemple d'une foule de membres de cette assemblée; que si le propos, qu'importe que ce soit Louis XVII? était vrai, outre que je ne supposais pas un changement de dynastie, mes idées, constatées par un membre de cette assemblée, dans le cas possible d'un régent, ne se portaient que sur le frère du roi.

Quelle est donc cette grande part que l'on suppose que j'ai prise aux événemens dont la procédure est l'objet? Où sont les preuves de la com

plicité que l'on me reproche? Quel est le crime dont on puisse dire de moi : Il en est l'auteur ou la cause?

Mais j'oublie que je viens d'emprunter le langage d'un accusé, lorsque je ne devrais prendre que celui d'un accusateur.

Quelle est cette procédure dont l'information n'a pu être achevée, dont tous les ressorts n'ont pu être combinés que dans une année entière; qui, prise en apparence sur un crime de lèse-majesté, se trouve entre les mains d'un tribunal incompétent, qui n'est souverain que pour les crimes de lèse-nation? Quelle est cette procédure qui, menaçant vingt personnes différentes dans l'espace d'une année, tantôt abandonnée et tantôt reprise, selon l'intérêt et les vues, les craintes ou les espérances de ses machinateurs, n'a été, pendant si long-temps, qu'une arme de l'intrigue, qu'un glaive suspendu sur la tête de ceux que l'on voulait perdre ou effrayer, ou désunir ou rapprocher; qui, enfin, n'a vu le jour, après avoir parcouru les mers, qu'au moment où l'un des accusés n'a pas cru à la dictature qui le retenait en exil, ou l'a dédaignée ?

Quelle est cette procédure prise sur des délits individuels dont on n'informe pas, et dont on veut cependant rechercher les causes éloignées sans répandre aucune lumière sur leurs causes prochaines? Quelle est cette procédure dont tous les événemens s'expliquent sans complot, et qui n'a

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