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Est-ce le comité? pourquoi loue-t-il M. Solignac? Est-ce M. Solignac? pourquoi la contradiction entre le louangeur et le loué?

J'ai pesé bien attentivement la proposition de rendre invariable la proportion (p. 29), et j'ai cherché, mais en vain, dans le travail du comité (p. 30), la méthode qu'on nous offre pour y parvenir. Je vois qu'on avoue qu'il y a une impossibilité physique et une contradiction perpétuelle entre le fait et la loi qui fixe également à la fois le prix de ces deux métaux monnayés d'une manière invariable. Et cependant on nous donne pour moyen d'y arriver l'expédient d'assigner aux pièces d'or un prix qui pourra être augmenté de gré à gré suivant les besoins du commerce. Voilà donc ce qu'on appelle une proportion invariable! une proportion qui dépend de la valeur de l'or, laquelle variera sans cesse? Je ne sais pas de quel pays est cette logique, mais je la reconnais pour appartenir au système monétaire qu'il faut réformer.

C'est une chose bien digne de remarque que le comité cite Locke, Newton, Law, Magens, Dutot (1), et d'autres hommes profonds de tous les pays, pour avoir unanimement pensé qu'il suffisait que le prix d'une des deux monnaies fût fixé invariablement. S'il avait bien entendu Locke, il aurait ajouté que ce profond analyseur des procédés de

(1) Je voudrais que le comité indiquât la page où se trouve, dans Dutot, cette assertion, à la vérité très-juste.

l'esprit humain, et les autres penseurs avec lui, n'ont pas révoqué en doute qu'on ne dût instituer une seule monnaie pour mesure constitutionnelle; mais comment le comité n'a-t-il pas tiré cette induction de ce que lui-même fait dire à Locke, etc.? Quoi! le comité avoue cette doctrine, et il adopte trois monnaies, c'est-à-dire, trois mesures constitutionnelles! Voilà d'étranges inconséquences.

Mais les erreurs pratiques sont d'une importance tout autrement immédiate (p. 32). Or, le projet de décret que vous propose le comité tend, à son insu sans doute, mais très-directement, au même but que celui du vol et de la banqueroute que vous a proposé M. Solignac. A la vérité, on prétend que le vol du comité ne sera que de 20 sous par louis, et alors l'effet n'en diminuera que d'un vingt-quatrième le numéraire d'or.

Ce sont là les rêves de l'ignorance, ou, ce qui est bien plus dangereux, de la demi-science; et certes vous devez vouloir que ni les Français ni les étrangers ne perdent sur vos espèces. Que si vous désirez, en supprimant le droit de seigneuriage, comme on vous le propose, redescendre vos louis à leur valeur intrinsèque, retirez-les du commerce, payez-les 24 livres, et, soit que vous les refondiez ou non, vous pourrez les remettre dans le commerce sous leur nouvelle valeur.

Quant à la critique de la fabrication de 1-785, que l'on propose de décréter, elle serait complètement inutile, quand l'acharnement le plus injuste

ne l'aurait pas dictée (1). C'est un piége que l'on tendu au comité.

Pour ce qui est de la fabrication d'une monnaie d'argent bas dans les divisions de la livre de 20 sous, d'une autre monnaie de cuivre avec l'empreinte la plus belle et la plus régulière qui sera possible (p. 34), je suis parfaitement d'accord sur l'un et l'autre de ces objets, qui sont très-instans, et qui depuis plus d'une année ont été présentés à votre comité des finances (p. 37), dans un travail où ces données semblent avoir été puisées. Tel est trop souvent le sort des hommes laborieux qui désirent d'être utiles: on s'enrichit de leurs idées, et l'on se fait une réputation à leurs dépens; heureux encore si l'on ne mutilait pas leurs conceptions, et si l'on ne décriait pas leurs travaux précisément en raison de ce qu'on leur doit davantage!

Mais il est temps de terminer cette polémique désormais inutile, puisqu'il est bien évident que votre comité ne vous a parlé que d'une fabrication de monnaie, et que vous avez tout autre chose à décréter.

Ce que votre comité n'a pas osé faire je vais le hasarder; je prendrai un chemin directement opposé ce qu'il n'a pas été tenté de dire, parce

(1) Il est temps de faire cesser les clameurs; voyez l'histoire de cette refonte, note (A), à la suite de ces Observations.

qu'il avait appelé à son aide, et le comité royal des monnaies, et le premier commis des monnaies, et un détachement de la cour des monnaies, le dirai, et je prouverai que les vices de votre régime monétaire proviennent, en très-grande partie, de ce tronc et des branches gourmandes du système monétaire actuel.

N. B. Je ne parlerai pas dans ce travail de l'arrondissement de chaque hôtel des monnaies, et je ne parlerai pas de la perfection de nos monnaies, en ce qui concerne la nouvelle forme à donner aux carrés pour, autant qu'il est possible, garantir de l'usement l'empreinte de nos espèces.

Je ne parlerai pas non plus ni de la pesanteur et de la dimension des pièces, ni d'un nouveau genre de gravure pour rendre nos espèces plus parfaites, ni des types et légendes monétaires à adopter.

Mais lorsque la constitution monétaire sera déterminée, je présenterai ces différens objets à l'examen de l'assemblée nationale.

DE LA CONSTITUTION MONÉTAIRE.

MESSIEURS,

Je vais exposer la DOCTRINE MONÉTAIRE telle que je l'ai conçue.

Cette matière est extrêmement importante. Nonseulement la théorie de l'art monétaire est une des

premières bases de la science des finances, ce ressort principal de la prospérité des empires, mais elle a des rapports intimes avec la politique de toutes les nations, qui semblent unies par ce lien commun, pour montrer que les peuplades éparses sur le globe ne peuvent jamais cesser d'être une famille de frères destinés à s'entr'aimer, à s'aider mutuellement dans la jouissance des droits imprescriptibles de leur nature.

Une monnaie loyale est le signe de tout ce qui peut se vendre; mais tout ce qui peut se vendre ne croît pas, n'est pas produit aux mêmes lieux. Dans les admirables combinaisons de son système, l'auteur de tout ce qui existe a permis que des mers pussent séparer les nations; mais il a défendu à ces mers de les désunir. Les hommes ont des besoins si variés, qu'ils ne peuvent les satisfaire sans communiquer ensemble, et sans être obligés de chercher même au loin des secours mutuels. Là où dans les entrailles de la terre mûrit l'amalgame de l'or et de l'argent, là un sol stérile se refuse à la production végétale. Là où les mines d'or et d'argent sont en abondance, là un soleil dévorant seconde la paresse, appelle le sommeil affaisse les facultés morales et physiques, chasse l'industrie et l'activité; tandis que sous une zone plus tempérée, tout ce qui est nécessaire à la vie croît avec profusion; et l'esprit reçoit de la nature cette intelligence exquise, et surtout cette puis

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