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l'esprit déjà prévenu des Français ils rappelleraient à leur souvenir une aventure désagréable

Valois, ci-devant comtesse de La Motte, etc., qu'elle vendit 6,000 fr. au libraire Gueffier. Dans ces mémoires, elle présentait l'intrigue du collier sous un jour tout favorable à sa cause; elle prétendait que la reine avait eu, par son entremise, de fréquentes entrevues à Trianon avec le cardinal de Rohan, et que cette princesse n'était pas étrangère à la négociation, quoiqu'elle eût nié d'y avoir participé. Comme le rapporte ici Ferrières dans ses Mémoires, l'édition fut achetée toute entière par Laporte, intendant de la liste civile, et ce ministre paya 14,000 francs ce qui avait coûté 6,000 francs au libraire Gueffier. Il fit transporter les exemplaires à la manufacture de Sèvres, où ils furent brûlés. Un seul fut détourné pour l'usage de Laporte; on le retrouva dans ses papiers lors de la perquisition ordonnée chez lui par la Convention nationale.

Cet exemplaire servit à la réimpression qui fut faite l'année suivante, par le libraire Garnery, et qui donna enfin la plus grande publicité aux assertions de madame de La Motte. Celle-ci ne put, il est vrai, jouir de sa vengeance. Elle était morte à Londres avant la publication de la première édition. Sa fin, s'il en faut croire l'abbé Georgel, avait été des plus tragiques: après un excès de débauche, elle avait été jetée de nuit sur le pavé du haut d'une fenêtre placée au troisième étage. Elle était alors dans une profonde

misère.

Son mari revint à Paris, en 1792, se constituer prisonnier, et demanda la révision de son jugement. Un défaut de forme le fit annuler le 20 juillet de cette année. Toutefois, vu la gravité du délit, il fut maintenu en état d'arrestation. On ignore l'époque de sa mort.

(Noté des édit.)

qui, dans ce moment, semblait entièrement oubliée. Sachant que ces mémoires n'étaient de la part de la La Motte et de son libraire, qu'une affaire d'argent, on prit le parti d'acheter l'édition. On chargea le ministre Laporte d'en traiter avec le libraire Gueffier; mais, par une de ces maladresses que commettait sans cesse la cour, au lieu de les brûler secrètement chez lui, Laporte les fit porter à la manufacture de Sèvres.

Le comité de surveillance sut, dès le soir même, que Laporte s'était rendu à Sèvres avec trois personnes inconnues; que l'on y avait brûlé, en sa présence, trente balles de papiers. On parlait beaucoup alors d'un comité autrichien, où se traitait avec l'empereur un plan de contre-révolution: on s'écrie que ce sont les papiers de ce comité que la cour a voulu soustraire aux recherches; on mande à la barre le ministre Laporte, le libraire Gueffier, le maître et les ouvriers de la manufacture de Sèvres. Chabot et Merlin de Thiouville dénoncent, dénoncent; Guadet veut que l'on prenne enfin des mesures de police capables de contenir les conspirateurs; Gensonné, que l'on proclame publiquement que la patrie est en danger; Brissot, que l'Assemblée se déclare permanente. Pétion arrive à la tête de la municipalité : il assure que le peuple est environné de complots; que la cour machine sans cesse de nouvelles trahisons; que les sections, justement alarmées des dangers de la chose publique, viennent, à l'exemple de l'Assemblée, de se décla

rer en permanence (1); enfin Bazire, atteignant le vrai but de ce grand mouvement, demande le licenciement de la garde du roi, composée, selon lui, de domestiques d'émigrés, de prêtres réfractaires, d'Arlésiens, ville reconnue aristocrate et en état de rébellion il ajoute que les gardes du roi portent des sabres dont la tête représente un coq surmonté d'une couronne royale; que le duc de Brissac, en leur donnant ces sabres, leur a dit que le coq était l'emblème des anciens Gaulois; que cet emblème leur indiquait un roi qu'ils devaient aider à reconquérir ses États; que les soldats, dans leurs chambres, parlaient en termes injurieux de la nation et de l'Assemblée; que les officiers se réjouissaient hautement des pertes que venait d'éprouver la France; qu'ils iraient, disaient-ils, à vingt lieues au-devant des Autrichiens avec un drapeau blanc; qu'une consigne de monsieur de Sombreuil le père, donnée le 28 mars aux invalides, prouvait que l'on préparait une insurrection contre-révolutionnaire, et que les inquiétudes des amis de la liberté étaient fondées. Trois gardes du roi, que l'on tenait prêts, se présentèrent à la barre, dénoncèrent d'autres faits, et confirmèrent ceux que Bazire venait d'avancer. Les girondins profitent avec beaucoup d'adresse de l'agitation des esprits : ils cassent la garde du roi, comme inconstitutionnelle, décrètent d'accusation le duc de Brissac qui la commande, et

(1) Logographe.

l'envoient à Orléans sans l'entendre, sans même vouloir l'interroger.

Le roi fut très-affecté de ce décret, et parut décidé à ne pas y obéir. Ses ministres lui représentèrent les suites qu'entraînerait sa résistance; et lui rappelant les journées des 5 et 6 octobre, lui firent appréhender les mêmes malheurs. Le roi céda, et dit d'un air triste au duc de Brissac, lorsque ce seigneur vint prendre congé de lui : Vous allez en prison, je serais bien plus affligé si vous ne m'y laissiez moi-même (1). Dumouriez voulut engager le roi à se choisir une nouvelle garde; il refusa. Les girondins, qui étaient bien déterminés à ne lui en souffrir aucune, furent

(1) La tristesse que manifestait Louis XVI en faisant ses adieux au duc de Brissac, était-elle inspirée à ce prince par un pressentiment du sort qui était réservé à cet infortuné gentilhomme! Celui-ci ne devait point reparaître sur la scène. Confiné dans les prisons d'Orléans, le duc de Brissac fut transféré à Versailles par les Marseillais, et massacré le 9 septembre 1792, par une troupe de furieux qui investirent les voitures, et qui égorgèrent tous les prisonniers. Le duc de Brissac résista long-temps avec courage à ses assassins; mais, après avoir eu deux doigts coupés, après avoir reçu plusieurs blessures, il fut tué d'un coup de sabre qui lui fracassa la mâchoire. C'était un brave militaire, et un homme respectable. Il était très-attaché à la personne de Louis XVI, et se montrait le digne héritier d'une famille qui rendit à beaucoup d'époques de grands services à la France. M. Delille lui a consacré quelques vers touchans dans le troisième chant du poëme de la Pitié. (Note des édit.)

les premiers à calomnier ce refus, en répandant que le dessein de la cour était de diviser la garde nationale de Paris, et de se faire un parti parmi les bourgeois aisés qui la composaient.

(1) Les six ministres avaient vécu jusque-là en assez bonne intelligence. Ils dînaient ensemble les jours de conseil. Chacun apportait son travail. L'on convenait des affaires que l'on présenterait au roi ; on les discutait, afin de se former une opinion commune et d'éviter de disputer devant lui; mais l'estime, l'amitié, la confiance, n'entraient pour rien dans cette union; elle ne dura pas. La femme Roland, qui exerçait réellement le ministère sous le nom de son mari, voulut être présente à ces discussions (2). Cette prétention commença de jeter du froid entre les ministres. L'entrée de Servan au ministère de la guerre acheva de les brouiller (3).

(1) Vie de Dumouriez.

(2) Cette singulière prétention de madame Roland ne paraît pas établie sur des preuves suffisantes. Aucun passage de ses Mémoires ne donne à penser qu'elle l'ait manifestée; au contraire, elle ne laisse échapper aucune occasion de déclarer qu'elle ne se mêla jamais d'une manière active dans les discussions des ministres. Voyez au reste ses Mémoires.

(3) Le général Servan était frère du célèbre avocat-général de Grenoble. Il était, avant la révolution, dont il embrassa les principes avec ardeur, sous-gouverneur des pages. Lors de la défection de Dumouriez, il fut accusé par Robespierre de complicité, et mis en arrestation; mais il eut le bonheur d'être oublié jusqu'au 9 thermidor, époque à laquelle il re

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