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panneau. Le déclarant observe que dans ce moment l'attroupement était presque entièrement dissipé, et que ce ne fut que lorsque les tambours et la musique se firent entendre dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, que les attroupés, alors épars çà et là, se rallièrent, se réunirent aux autres spectateurs, et défilèrent avec décence sur trois de hauteur devant le corps législatif; que lui déclarant remarqua que ces gens-là, en passant dans les Tuileries, ne se permirent rien de scandaleux et ne tentèrent point d'entrer dans le château; que, rassemblés même sur la place du Carrousel où ils étaient parvenus en faisant le tour par le quai du Louvre, ils ne manifestèrent aucune intention de pénétrer dans les cours, jusqu'à l'arrivée du sieur Santerre, qui était resté à l'Assemblée nationale, et qui n'en sortit qu'à la levée de la séance. Qu'alors le sieur Santerre, accompagné de plusieurs personnes, parmi lesquelles lui déclarant a remarqué le sieur de Saint-Hurugue, s'adressa à sa troupe, pour lors trèstranquille, et leur demanda pourquoi ils n'étaient pas entrés dans le château, qu'il fallait y aller, et qu'ils n'étaient descendus que pour cela. Qu'aussitôt il commanda aux canonniers de son bataillon de le suivre avec une pièce de canon, et dit que si on lui refusait la porte il fallait la briser à coups de boulets; qu'ensuite il s'est présenté dans cet appareil à la porte du château, où il a éprouvé une faible résistance de la part de la gendarmerie à cheval, mais une ferme opposition de la part de la garde nationale; que cela a occasioné beaucoup de bruit et d'agitation, et qu'on allait peut-être en venir à des voies de fait, lorsque deux hommes en écharpes aux couleurs nationales, dont lui déclarant en reconnaît un pour être le sieur Boucher-René, et l'autre qui a été nommé par les spectateurs pour être le sieur Sergent, sont arrivés par les cours, et ont ordonné, il faut le dire, d'un ton très-impérieux, pour ne pas dire insolent, en prostituant le nom sacré de la loi, d'ouvrir les portes, ajoutant que personne n'avait le droit de les fermer, et que tout citoyen

avait celui d'entrer. Que les portes ont été effectivement ouvertes par la garde nationale, et qu'alors Santerre et sa troupe se sont précipités en désordre dans les cours; que le sieur Santerre, faisant traîner du canon pour briser les portes de l'appartement du roi s'il les trouvait fermées, et tirer sur la garde nationale qui s'opposerait à son incursion, a été arrêté dans sa marche, dans la dernière cour à gauche au bas de l'escalier du pavillon, par un groupe de citoyens qui lui ont tenu les discours les plus raisonnables pour apaiser sa fureur, l'ont menacé de le rendre responsable de tout ce qui arriverait de mal dans cette fatale journée, parce que, lui ont-ils dit, vous étes seul l'auteur de ce rassemblement inconstitutionnel, vous seul avez égaré ces braves gens, et vous seul parmi eux étes un scélérat. Que le ton avec lequel ces honnêtes citoyens parlaient au sieur Santerre le fit pålir; mais qu'encouragé par un coup-d'œil du sieur Legendre, boucher, ci-dessus nommé, il eut recours à un subterfuge hypocrite en s'adressant à sa troupe, et lui disant : Messieurs, dressez procès-verbal du refus que je fais de murcher à votre téte dans les appartemens du roi ; que, pour toute réponse, la foule, accoutumée à deviner le sieur Santerre, culbuta le groupe des honnêtes citoyens, entra avec son canon et son commandant, le sieur Santerre, et pénétra dans les appartemens par toutes les issues, après en avoir brisé les portes et les fenêtres. Qu'au moment où ils vomissaient toutes sortes de blasphèmes contre la personne sacrée du roi, Sa Majesté s'est présentée marchant seule à la tête d'une foule innombrable de bons citoyens, disposés à verser tout leur sang plutôt que de laisser consommer le plus grand de tous les crimes; qu'alors un mouvement subit et précipité de la multitude, que le déclarant veut bien n'attribuer qu'à la curiosité, ayant fait craindre pour les jours du monarque, des grenadiers de poste au château l'ont entouré presque malgré lui un aide-de-camp de M. Wittenkoff a masqué le corps du roi, et sur ce mouvement la multitude est devenue

moins pressante; que c'est à ce moment que le sieur Legendre, boucher, a fait entendre ces mots qu'il a adressés au monarque: «< Monsieur (mot auquel le roi témoigna de la surprise et fit un mouvement d'indignation); oui, monsieur (appuya fortement Legendre), écoutez-nous, vous étes fait pour nous écouter: vous êtes un perfide, vous nous avez toujours trompés, vous nous trompez encore; mais prenez garde à vous, la mesure est à son comble, et le peuple est las de se voir votre jouet. » Alors il lut une espèce de pétition contenant des blasphèmes, des menaces, et les volontés du souverain dont Legendre se disait l'orateur et le chargé de pouvoirs. Que le roi resta calme, et répondit: Je ferai tout ce que la constitution et l'Assemblée nationale m'ordonnent de faire. Qu'alors un mouvement plus considérable, occasioné par les gens qui entraient par toutes les issues, a repoussé et éloigné lui déclarant, qui est sorti comme il a pu, et a fini par voir le roi affublé d'un bonnet rouge, et montrant au peuple dans les cours une bouteille qu'il tenait à la main et dont il a bu.

Que sur le soir, vers les six à sept heures, lui déclarant est revenu et monté au château; qu'il a vu plusieurs officiers municipaux, parmi lesquels il a remarqué M. Borie luttant avec le peuple et s'efforçant de le faire évacuer les appartemens; 'que, sur ces entrefaites, M. Pétion s'est montré au milieu de deux grenadiers qui le soutenaient de manière à faire croire qu'ils le portaient sur leurs bras; que M. Pétion avait l'air tout essoufflé; que, s'adressant à la multitude, il a dit: Le peuple a fait ce qu'il devait faire, vous avez agi en hommes libres; mais en voilà assez, je vous ordonne de vous retirer; que de cet instant le peuple s'est retiré et a disparu.

Que le lendemain, lui déclarant, pour s'assurer si le bruit qu'on répandait sur une seconde descente du faubourg était fondé, s'est transporté en fiacre au faubourg Saint-Antoine, qu'il l'a traversé entièrement, et s'est arrêté à la barrière du Trône, dans la première auberge à gauche; que là il a en

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tendu dire par des gens qu'il n'a pas vus, mais qui paraissaient déjeuner dans un jardin palissadé à l'extérieur, ces mots : « Oui, on aurait pu.... mais lorsqu'on a vu.... c'est si imposant... et puis nous sommes Français... sacredieu! si » c'eût été d'autres.... on lui eût tordu le cou comme à un enfant.... Il vient.... me v'là........ me v'là........; » que lui déclarant n'en ayant pas entendu davantage, s'est retiré.. Qu'il a vu depuis plusieurs de ces gens entraînés par Santerre, entre lesquels sont les sieurs Desjon, Pannetier, et un Breton du nom duquel il ne se rappelle pas pour le moment, qui l'ont assuré que la majorité des citoyens du faubourg était affligée de la démarche qui avait été faite chez le roi; que ce n'avait jamais été leur intention, et qu'on devait être certain que cela n'arriverait plus, que d'ailleurs il y avait quelque chose là-dessous.

Observe le déclarant que cette dernière insurrection, dont le sieur Santerre est le principal moteur, doit d'autant moins paraître étonnante de sa part, que lui déclarant peut donner des preuves que depuis la révolution le sieur Santerre s'est plusieurs fois essayé en ce genre dans son faubourg: pour exemple, au mois de mars 1790, lorsqu'il fit brûler les barrières pour en percevoir les droits à son profit; l'affaire du donjon de Vincennes, et enfin celle du mois de juin 1790, où il fit tous ses efforts pour armer les gardes-françaises contre son faubourg, à l'occasion du décret sur les vainqueurs de la Bastille : le tout pour amener la guerre civile à laquelle il aspire depuis bien long-temps.

Lecture faite audit sieur Lareynie de la présente déclaration, il en a affirmé sur notre réquisition le contenu sincère et véritable, déclarant qu'il sera toujours prêt à la réitérer en justice, et à donner tous les témoignages qui peuvent venir à l'appui, et a ledit sieur Lareynie signé avec nous, après avoir signé aussi avec nous le bas de chaque page de ces présentes.

Signé LAREYNIE et FAYEL.

Note (E), page 129.

1o. Lettre du général La Fayette à l'Assemblée nationale, dans la séance du 18 juin 1792. (Choix de rapports, opinions et discours, etc., Tome IX.)

Au camp retranché de Maubeuge, le 16 juin 1792,

l'an IV de la liberté.

MESSIEURS, au moment trop différé peut-être où j'allais appeler votre attention sur de grands intérêts publics, et désigner parmi nos dangers la conduite d'un ministère que ma correspondance accusait depuis long-temps, j'apprends que, démasqué par ses divisions, il a succombé sous ses propres intrigues; car sans doute ce n'est pas en sacrifiant trois collègues, asservis par leur insignifiance à son pouvoir, que le moins excusable, le plus noté de ces ministres aura cimenté dans le conseil du roi son équivoque et scandaleuse existence.

Ce n'est pas assez néanmoins que cette branche du gouvernement soit délivrée d'une funeste influence : la chose publique est en péril; le sort de la France repose principalement sur ses représentans; la nation attend d'eux son salut; mais en se donnant une constitution elle leur a prescrit l'unique route par laquelle ils peuvent la sauver.

Persuadé, Messieurs, qu'ainsi que les droits de l'homme sont la loi de toute Assemblée constituante, une constitution devient la loi des législateurs qu'elle a établis, c'est à vous-mêmes que je dois dénoncer les efforts trop puissaus l'on fait pour vous écarter de cette règle que vous avez promis de suivre.

que

Rien ne m'empêchera d'exercer ce droit d'un homme libre, de remplir ce devoir d'un citoyen: ni les égaremens momentanés de l'opinion, car que sont des opinions qui s'écartent des principes! ni mon respect pour les représentans du peuple, car je respecte encore plus le peuple dont

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