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leur seraient assignées ; qu'il engageait l'empereur d'interposer ses bons offices auprès des électeurs de Trèves, de Cologne et de Mayence, afin d'assurer le respect dû au droit des gens, et aux traités qui garantissaient la paix; qu'il emploîrait tous les moyens d'autorité et de confiance en son pouvoir, pour conserver l'union qui régnait entre la France et les puissances étrangères, et qu'il espérait que succès répondrait au désir qu'il avait de procurer efficacement la sûreté et la tranquillité de l'État.

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Ces détails furent écoutés froidement. Le peuple même ne parut pas y donner une grande confiance. Les dénonciations recommencèrent contre les prêtres et contre les émigrés. Il est certain que ni les uns ni les autres ne déguisaient point leurs intentions hostiles. Tout se faisait à Coblentz avec une ostentation qui ne pouvait admettre aucun palliatif. On y formait ouvertement une maison du roi, on y enrégimentait les Français en état de porter les armes, on obligeait tous ceux qui s'y rendaient de prendre une attestation de quatre gentilshommes qui répondaient de leurs principes et de leur attachement à la bonne cause. On exigeait que les officiers qui avaient obtenu la croix de Saint-Louis, depuis la révolution, la renvoyassent aux princes, et leur remissent les brevets des différens grades auxquels ils avaient été promus. Les prêtres retirés à Trèves se livraient aux plus violentes déclamations contre la constitution. C'était un enthousiasme réel ou factice

tion; qu'il n'y avait, dans la conjoncture délicate où l'on se trouvait, qu'un seul parti à prendre, c'était de convoquer les corps électoraux des quatrevingt-trois départemens; d'exposer, dans une adresse au peuple français, ce que l'Assemblée législative venait de faire pour réprimer les prêtres factieux et les rebelles émigrés; et ce que faisait le pouvoir exécutif pour arrêter l'exécution de ces deux décrets; que la nation française prononcerait en souveraine, accorderait ou refuserait sa sanction, et poserait les limites invariables des deux pouvoirs.

Le ministre Delessart saisit ce moment pour communiquer à l'Assemblée les réponses de l'empereur et des autres souverains de l'Europe à la lettre que Louis XVI leur avait adressée au sujet de son acceptation de l'acte constitutionnel. Ces réponses, assez insignifiantes, se bornaient à dire que ces princes ne désiraient rien tant que le bonheur du roi et la tranquillité de son royaume, sentimens fondés sur l'intérêt personnel qu'ils prenaient à Louis XVI et aux personnes qui composaient sa famille. Delessart ajouta que le roi avait pris des mesures concernant les Français émigrés et les rassemblemens qu'ils formaient sur les frontières; qu'il avait prié l'empereur, les électeurs de Trèves, de Mayence et de Cologne, de ne pas souffrir qu'ils se réunissent en trop grand nombre dans les villes limitrophes de la France, mais de les obliger à se diviser dans les différentes villes des Pays-Bas qui

leur seraient assignées; qu'il engageait l'empereur d'interposer ses bons offices auprès des électeurs de Trèves, de Cologne et de Mayence, afin d'assurer le respect dû au droit des gens, et aux traités qui garantissaient la paix; qu'il emploîrait tous les moyens d'autorité et de confiance en son pouvoir, pour conserver l'union qui régnait entre la France et les puissances étrangères, et qu'il espérait que le succès répondrait au désir qu'il avait de procurer efficacement la sûreté et la tranquillité de l'État.

Ces détails furent écoutés froidement. Le peuple même ne parut pas y donner une grande confiance. Les dénonciations recommencèrent contre les prêtres et contre les émigrés. Il est certain que ni les uns ni les autres ne déguisaient point leurs intentions hostiles. Tout se faisait à Coblentz avec une ostentation qui ne pouvait admettre aucun palliatif. On y formait ouvertement une maison du roi, on y enrégimentait les Français en état de porter les armes, on obligeait tous ceux qui s'y rendaient de prendre une attestation de quatre gentilshommes qui répondaient de leurs principes et de leur attachement à la bonne cause. On exigeait que les officiers qui avaient, obtenu la croix de Saint-Louis, depuis la révolution, la renvoyassent aux princes, et leur remissent les brevets des différens grades auxquels ils avaient été promus. Les prêtres retirés à Trèves se livraient aux plus violentes déclamations contre la constitution. C'était un enthousiasme réel ou factice

de zèle pour la religion, de dévouement au roi. — J'ai fait de mon roi mon ame, disaient quelques émigrés; un corps sans ame peut-il exister? Je perdrai plutôt la vie que de voir avilir mon pays.

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Louis XVI ne pouvait se dissimuler le mauvais effet que produisaient dans le peuple les propos imprudens et les folles jactances des émigrés. Ils affectaient de répandre qu'ils agissaient de concert avec lui. Louis XVI se crut obligé de faire quelque démarche officielle, qui démentit en quelque sorte des bruits qui pouvaient entraîner les plus fatales conséquences il envoya M. de Sainte-Croix à l'électeur de Trèves, pour le prier de dissiper les rassemblemens qui se formaient dans son électorat. L'électeur assura M. de Sainte-Croix que son intention était de vivre en bonne intelligence avec la France; qu'il ferait sortir de l'électorat tous les rassemblemens portant la dénomination de corps militaires; qu'il défendrait toute espèce d'exercice ; qu'on arrêterait les recruteurs étrangers, et qu'on les condamnerait aux travaux publics. Ces marotes diplomatiques n'en imposèrent point aux girondins mais ils étaient occupés d'un objet plus important; ils soupçonnaient les ministres de les trahir. En effet, les ministres ne mettaient aucune bonne foi dans leur conduite avec l'Assemblée. Tous cherchaient à rejeter sur elle l'embarras des chocs et des frottemens qu'éprouvait la constitution; espérant rebuter l'Assemblée par les détails, s'imaginant qu'elle négligerait cette surveillance

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minutieuse qui, dans une forme de gouvernement nouvelle et sujette à une foule de contradictions, est le seul moyen de prévenir les résistances. Ainsi, par une politique adroite au premier aperçu, mais qui devint funeste à ses auteurs, les ministres laissaient tout désorganiser, et accusaient ensuite de cette désorganisation la constitution elle-même, assurant qu'elle ne fournissait aucun moyen d'exécution de ses propres lois.

Le point essentiel était de tenir les forces de terre et de mer dans un état de délabrement, en paraissant néanmoins s'occuper avec beaucoup d'activité de les mettre sur un pied respectable, afin que si, d'après les mouvemens de l'intérieur, l'occasion se présentait d'entrer en France, les puissances étrangères s'offrissent tout-à-coup sous l'appareil le plus formidable, et inspirassent une telle terreur, que le peuple épouvanté se remit volontairement entre les mains du roi, et le conjurât de dissiper l'orage prêt à fondre sur lui. C'était à quoi travaillait le ministre de la guerre et le ministre de la marine. Ainsi, tandis que le ministre Tarbé exagérait le désordre des finances, et se plaignait à l'Assemblée de la non-perception des impôts, le ministre Duportail rendait le compte le plus satisfaisant des armées, des approvisionnemens, de l'état de défense où étaient les places frontières.

Les constitutionnels et les girondins démêlèrent aisément ces manœuvres coupables, et se réunirent un moment pour les déjouer. Les constitutionnels,

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