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étrangères contre sa patrie, sera puni de mort. Nous n'avons pas besoin de vous prouver la nécessité et l'urgence de cette loi, nous croyons à cet égard être les organes de la France entière.

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Gensonné (1) répondit qu'il était très-important de calmer les justes inquiétudes du peuple ; que l'on ne pouvait se dissimuler les dangers que courait la chose publique ; qu'il proposait en conséquence de déclarer, « que l'Assemblée, considérant » que l'héritier présomptif de la couronne était >> mineur, et que Louis-Stanislas-Xavier, prince français, parent majeur, premier appelé à la >> régence, était absent du royaume, décrétait, en >> exécution de l'article 2 de la section in de la >> constitution française, que Louis - Stanislas» Xavier, prince français, était requis de rentrer » dans le royaume sous le délai de deux mois, à » compter du jour où la proclamation du corps législatif aurait été publiée dans Paris, lieu or>> dinaire de ses séances; que dans le cas où Louis

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(1) Le récit de M. de Ferrières, relativement à la discussion des projets contre les émigrés, offre plusieurs erreurs et plusieurs transpositions. La pétition de la Société fraternelle fut présentée le 22. Ducastel présidait l'Assemblée; en conséquence, la réponse à cette pétition ne put pas être faite par Gensonné. De plus, le projet de loi relatif à Monsieur, frère du roi, aujourd'hui S. M. Louis XVIII, ne fut présenté que le 25; le 28, il fut adopté préalablement comme base de délibération; et le 31 octobre, Gensonné, au nom du comité diplomatique, en proposa une rédaction définitive.

(Note des édit.)

>> Stanislas-Xavier, prince français, ne serait pas >> rentré à l'expiration du délai ci-dessus fixé, il serait >> censé avoir abdiqué son droit à la régence, con» formément à l'article cité de la constitution. »

Ce premier décret fut suivi de deux autres : l'un retirait aux prêtres inassermentés la faculté d'exercer leurs fonctions dans les paroisses où étaient situées leurs cures, les obligeait à quitter ces paroisses et à se rendre au chef-lieu de leur district; l'autre mettait le séquestre sur tous les biens des Français sortis du royaume, et leur prescrivait d'y rentrer dans l'espace de deux mois, sous peine de confiscation de leurs revenus.

Ces deux décrets rendaient la rupture inévitable. Louis XVI était décidé à leur refuser sa sanction : en cela poussé par ses propres principes, qui ne lui permettaient pas de consacrer, au nom de la loi, des mesures qui lui semblaient injustes; et de plus soutenu dans cette résolution par ses ministres et même par les constitutionnels, qui ne voyaient qu'avec douleur les fréquentes atteintes que l'Assemblée donnait à la constitution.

Dans cette circonstance délicate, les ministres pensèrent qu'ils devaient s'appuyer de quelque autorité constituée ; qu'en interrogeant ainsi la voix publique, ils assureraient l'effet du veto du roi, et se garantiraient d'une responsabilité que l'Assemblée chercherait peut-être à rejeter sur eux. Ils engagèrent les membres du directoire du département de Paris à présenter une adresse au roi, où,

rappelant les principes de la liberté indéfinie des cultes et des opinions religieuses, ils l'invitaient à ne pas sanctionner des décrets qui violaient ouvertement la constitution (1). Cette manœuvre tourna contre la cour et contre les ministres. Les girondins, en réponse à l'adresse du département, firent pleuvoir une foule de pétitions qui toutes sollicitaient l'exécution des décrets.

« Nous ne doutons pas, disaient les sections de >> Mauconseil et de la Halle au blé, que la France >> entière ne manifeste les mêmes sentimens que >> nous; et si un funeste veto venait détruire nos >> espérances, Louis XVI ne pourrait s'empêcher >> de voir, dans cette démarche des citoyens fran>> çais, un ordre de sanctionner les décrets, puis» que le veto est un appel au peuple, et qu'une » fois que le peuple s'est expliqué, le roi ne doit

plus être libre de refuser sa sanction. Nous ne >> donnerons pas aujourd'hui de suite à ces réfle>> xions; nous garderons, sur le veto, le silence >> prudent et religieux que l'Assemblée paraît s'être

(1) Cette pétition avait pour objet principal de réclamer l'exercice du veto contre le projet de loi relatif aux prêtres non assermentés. Elle est datée du 5 décembre 1791. Les signataires étaient La Rochefoucauld (président), Blondel (secrétaire), Talleyrand - Périgord, Germain - Garnier, Brousse, Baumetz, Desmeuniers, Thion de La Chaume, Anson et Davous, membres du directoire. Cette pétition fut cause de la mort de La Rochefoucauld. (Voyez la note de la page 10.). (Note des édit.)

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>> imposé elle-même. Le jour approche où l'on » pourra peut-être agiter à cette occasion de gran» des questions, et où, la constitution à la main, » l'on pourra en agiter d'autres encore plus inté >> ressantes, auxquelles a déjà donné naissance ou » qui naîtront infailliblement de l'immense res– ponsabilité dont le roi se charge gratuitement. » Malgré ce vœu apparent du peuple, Louis XVI persista dans son refus, et déclara, dans une proclamation qu'il fit à ce sujet, les motifs qui le déterminaient à rejeter ces deux décrets. Ces motifs étaient tous pris dans la constitution; mais les girondins regardèrent cette proclamation comme une déclaration de guerre, et le peuple, qui approuvait les deux décrets, la regarda comme une opposition formelle à sa volonté. Robbecourt (1) attaqua directement la sanction: il prétendit que le droit de veto ne pouvait s'exercer que sur des objets généraux et sur des lois d'administration pu→ blique; que des lois de circonstances, des lois répressives du moment et applicables seulement à quelques individus, étaient indépendantes de la volonté et du caprice du monarque; que les deux décrets sur lesquels le roi avait apposé son veto étaient moins une loi civile qu'une loi martiale, par conséquent qu'ils n'avaient pas besoin de sanc

(1) Le discours que M. de Ferrières attribue au député Haussy-Robbecourt, est de Delcher, député de la HauteLoire. (20 décembre 1791.) (Note des édit.)

tion; qu'il n'y avait, dans la conjoncture délicate où l'on se trouvait, qu'un seul parti à prendre, c'était de convoquer les corps électoraux des quatrevingt-trois départemens; d'exposer, dans une adresse au peuple français, ce que l'Assemblée législative venait de faire pour réprimer les prêtres factieux et les rebelles émigrés ; et ce que faisait le pouvoir exécutif pour arrêter l'exécution de ces deux décrets; que la nation française prononcerait en souveraine, accorderait ou refuserait sa sanction, et poserait les limites invariables des deux pouvoirs.

Le ministre Delessart saisit ce moment pour communiquer à l'Assemblée les réponses de l'empereur et des autres souverains de l'Europe à la lettre que Louis XVI leur avait adressée au sujet de son acceptation de l'acte constitutionnel. Ces réponses, assez insignifiantes, se bornaient à dire que ces princes ne désiraient rien tant que le bonheur du roi et la tranquillité de son royaume, sentimens fondés sur l'intérêt personnel qu'ils prenaient à Louis XVI et aux personnes qui composaient sa famille. Delessart ajouta que le roi avait pris des mesures concernant les Français émigrés et les rassemblemens qu'ils formaient sur les frontières; qu'il avait prié l'empereur, les électeurs de Trèves, de Mayence et de Cologne, de ne pas souffrir qu'ils se réunissent en trop grand nombre dans les villes limitrophes de la France, mais de les obliger à se diviser dans les différentes villes des Pays-Bas qui

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