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évêque constitutionnel de Lyon, crut qu'il serait facile, en convenant des causes qui séparaient les hommes vraiment attachés au nouvel ordre de choses, de les ramener à une conciliation d'où dépendait le salut de l'empire. Frappé de cette idée, simple en elle-même, Lamourette (1) représenta la nécessité de se rallier à la constitution, et de cimenter entre les députés une union commandée plus que jamais par les circonstances: il observa qu'une des principales causes de division, venait de ce qu'une partie de l'Assemblée passait pour vouloir la république, et de ce qu'une autre partie était accusée de favoriser les deux Chambres. « Voici le moment, Messieurs, de foudroyer par une exécration commune et la république et les deux Chambres. Oui! il est temps que le président de cette Assemblée nous interpelle, et nous dise que ceux qui rejettent également la république et les deux Chambres se lèvent. » A ces mots, tous les députés sortent de leurs places; orléanistes, girondins, indépendans, constitutionnels, tendent les mains au ciel, jurent de

gislative, et s'y montra constamment modéré. Il se prononça énergiquement contre les massacres des 2 et 3 septembre, et encourut, par cette généreuse indignation, la haine de la faction dominante. L'abbé Lamourette périt sur l'échafaud le 11 janvier 1794. Il avait été arrêté après le siége de Lyon; c'était un savant homme et un bon écrivain.

(Note des édit.)

(1) Séance du 7 juillet.

repousser toute forme de gouvernement contraire à celui qu'a décrété l'Assemblée constituante. Ensuite tous se rapprochent, se mêlent, s'embrassent, promettent d'oublier le passé, se félicitent de cette heureuse réconciliation. Les tribunes partagent l'enthousiasme. On arrête qu'un extrait du procèsverbal sera sur-le-champ porté au roi, envoyé aux armées, aux départemens, aux municipalités, au corps judiciaire. La députation part. Le roi répond qu'infiniment sensible à une réconciliation, à laquelle il attache le salut de l'empire, il va se rendre à l'Assemblée et lui témoigner sa joie. L'instant d'après Louis XVI entre, précédé des ministres il assure que le spectacle le plus che à son cœur, est celui de la réunion de tous les esprits et de toutes les volontés, réunion qu'il désire depuis long-temps; que son vœu est enfin rempli; que la nation et le roi ne font plus qu'un; que la constitution va servir de ralliement à tous les Français; qu'ils doivent se réunir pour la protéger; qu'il leur en donnera l'exemple.

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Il n'y eut aucune sincérité dans cet accord (1),

(1) Nous croyons devoir opposer, à cette opinion de M. de Ferrières, l'opinion entièrement contraire de M. Toulongeon, dont l'ouvrage est généralement considéré comme écrit avec autant de sagesse que d'impartialité. « Il était permis, dit cet écrivain, de croire ce rapprochement sincère, et il n'y avait pas dix membres dans l'Assemblée pour qui ces mouvemens ne le fussent pas... Dira-t-on que chacun jouait un rôle qu'il s'était préparé d'avance? Tant d'hommes rassem

et bientôt un nouvel incident vint fournir un prétexte de rupture. Le directoire du département, d'après l'examen des pièces multipliées qui prouvaient la complicité du maire Pétion et du procureur de la commune, Manuel, avec les auteurs de la journée du 20 juin, les suspendit l'un et l'autre de leurs fonctions administratives (1). Les orléanistes et les girondins crièrent contre le peu

de

blés et divisés d'opinions, d'intérêts personnels, de systèmes, ne s'accordèrent pas pour jouer des sentimens factices. L'Assemblée et le roi étaient pour le moment ce qu'ils se montraient. Chacun voulut ce jour-là union et constitution; chacun isolé eût tenu sa parole.

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M. Beaulieu, dans ses Essais historiques sur la révolution de France, émet une opinion semblable.

Au reste, les journaux d'alors, et notamment les Révolutions de Paris, s'efforcèrent de combattre une réunion qui, si elle eût été durable, eût contrarié beaucoup de désirs et d'espérances. Malheureusement elle fut détruite dès le soir même, si l'on en croit M. Beaulieu ; les exagérés de la société des jacobins en firent un crime à ceux qui s'étaient, disaient-ils, laissé séduire. On accusa l'abbé Lamourette d'être vendu au parti de la cour; l'évêque Fauchet, dit le journal de Prudhomme se défendit d'avoir embrassé M. Ramond, et le parti jacobin donna à cette réconciliation les noms de baiser d'amourette et de réconciliation normande. (Note des édit.)

(1) La décision du directoire du département était datée du 6 juillet, veille du jour où la motion de l'abbé Lamourette fut présentée, mais elle ne fut rendue publique que quelques jours après. Elle parut dans le Moniteur du 11 juillet. La confirmation du roi, datée du 11, fut publiée (Note des édit.)

le 12.

III.

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confiance que l'on pouvait prendre aux promesses de la cour et des constitutionnels: ils auraient bien voulu profiter de cet événement pour exciter une émeute; mais les meneurs n'étaient pas prévenus... On essaie néanmoins ce que produira la présence de Pétion. Il se rend au conseil de la commune, lui communique l'arrêté du département. Danton se lève, proteste que la loi du peuple est la seule qu'il reconnaisse et qu'il invoque en ce moment : il engage tous les amis de Pétion à le suivre à l'Assemblée. Personne ne répond: chacun se regarde dans l'incertitude de l'événement.

Pétion descend, accompagné de Danton et de quelques officiers municipaux de son parti: il monte dans son carrosse, s'efforce de montrer du calme et de la sécurité; mais ses lèvres tremblantes, et la pâleur de son visage, laissent percer, malgré lui, les passions inquiètes et haineuses auxquelles il est en proie. Danton fait un dernier effort; il s'écrie, en agitant les bras : « Non, vertueux maire, ne craignez rien ! vertueux Pétion, le ple vous sauvera!... Peuple! on veut vous ravir votre ami!... >> Tout le monde garde un morne silence, et le carrosse s'achemine vers l'Assemblée.

peu

Les orléanistes et les girondins étaient trop intéressés à la suspension de Pétion, pour ne pas suivre cette affaire avec activité. Ce furent chaque jour nouvelles adresses des jacobins de toutes les sections de Paris, qui venaient réclamer deux magistrats chéris, les pères du peuple. Pétion ne s'ou

blia pas lui-même il couvrit les murs de Paris de placards à ses concitoyens, où il affectait une grande indifférence pour une suspension, assurait-il, si peu méritée, protestant qu'il se soumettait entièrement à la loi ; mais que, dans la crainte que le peuple ne se portât à quelque violence, il croyait devoir exhorter les bons citoyens à recevoir la décision du département, comme il l'avait reçue lui-même, avec calme et sang-froid; que bientôt une autorité supérieure prononcerait; que l'innocence serait vengée de la seule manière digne d'elle, par la loi.

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Le roi confirma l'arrêté du département. 11 savait bien que l'Assemblée casserait cette décision: il devait cette déférence au département, qui n'avait agi que d'après ses ordres. En effet Pétion sûr de son triomphe, parut à la barre, moins en accusé qui vient se justifier, qu'en homme irréprochable, injustement outragé dans son honneur, qui demande vengeance. L'Assemblée, après l'avoir écouté pour la forme, le réintégra dans ses fonctions de maire (1).

Les girondins et les orléanistes lui avaient préparé une entrée toute populaire : des acclamations bruyantes, des cris de vive Pétion! l'accueillirent à son arrivée à la mairie. Il vit son nom enlacé en mille manières différentes avec des bonnets rouges, des cocardes tricolores et des branches de peuplier :

(1) Séance du 13 juillet.

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