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ministres disgraciés, la sanction des décrets sur le camp de vingt mille hommes et sur les prêtres.

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J'ai juré, répond le roi d'un ton ferme, de maintenir la constitution, je la soutiendrai au péril de ma vie; si l'on a quelque demande à me faire, ce n'est ni le moment de me la proposer ni à moi celui de l'accorder. »

Cette réponse, quoique peu satisfaisante, ne laissait aucun prétexte de prolonger l'envahissement du château. Pétion se tourne vers le peuple : << Frères et amis, vous m'avez témoigné amitié et confiance entière, ne donnons point lieu aux malveillans de jeter un mauvais vernis sur cette journée mémorable; vous l'avez commencée avec dignité et sagesse, terminez-la de même, et pour cela retirons-nous. Je vais vous en donner l'exemple; j'espère que vous me suivrez. » Pétion sort, on ouvre les portes opposées à celles par lesquelles le peuple et les pétitionnaires sont entrés; ils défilent avec assez d'ordre; une heure après, il n'y eut plus personne au château.

La reine, séparée du roi dès le commencement de l'irruption du peuple, n'avait pu obtenir, des gens qui l'entouraient, la permission de le suivre ; tous avaient été sourds à ses instances et insensibles à ses cris. «Ma place est auprès du roi, répétait sans cesse la reine. Elle est auprès de vos enfans, lui répondaient MM. d'Haussonville et de Choiseul. Mais ma sœur est à lui servir de rempart, et moi....Entendez vos enfans qui vous ap

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pellent,» réplique M. de Lajard (1). Les cris de ces deux innocentes créatures effrayées du bruit, plus effrayées de l'absence de leur mère, viennent frapper ses oreilles. Elle s'arrête. Le dauphin et Madame royale la rejoignent : on les conduit tous les trois dans l'intérieur du château. La première pensée est de mettre en sûreté M. le dauphin et Madame royale. Mesdames de Makcau et de Sousi les mènent dans la chambre du premier médecin; mais la reine exige qu'on les ramène, et proteste qu'elle ne les quittera point : elle insiste sur la nécessité de se rendre auprès du roi, rejetant toutes les raisons qu'on lui allègue pour lui faire aban-donner ce dessein, marchant toujours malgré les obstacles que l'on cherche à lui opposer. Parvenue à la chambre du conseil, elle est obligée de s'arrêter. Une troupe d'hommes armés venait d'y arriver, et en trouvant les portes fermées se disposait à les forcer. M. de Lajard, dans cette extrémité, conserve heureusement sa présence d'esprit : il fait placer en travers la table du conseil, en forme une espèce de retranchement : il pose une double haie de gardes nationaux devant la table, une seconde haie sur quatre de hauteur aux deux extrémités : on met la reine, M. le dauphin et Madame royale dans cette enceinte. Ces dispositions sont à peine achevées, que les portes de la chambre, brisées à

(1) Alors ministre de la guerre, nommé quelques jours avant le 20 juin. (Note des édit.}

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coups de hache, tombent en éclats. Cette troupe entre en proférant les injures les plus grossières contre la reine ils s'arrêtent à la vue des gardes nationaux qui l'entourent, et semblent délibérer un moment. Une femme s'avance, et présente à la reine une cocarde et des rubans tricolores. La reine prend la cocarde, l'attache à son bonnet; elle met les rubans autour du chapeau de M. le dauphin. La foule croissait; la chaleur causée par l'entassement de la multitude, commençait à devenir insupportable; des cris de vive Santerre! vivent les sans-culottes! annoncent le commandant du faubourg Saint-Antoine. M. de Lajard lui représente qu'on étouffe, et le prie d'engager le peuple à se retirer. Santerre ordonne aux gardes qui masquent la reine de se retirer. Les gardes se rangent. Santerre s'appuie sur la table, fixe la reine d'un regard audacieux : « Eh! Madame, ne craignez rien, je ne veux pas vous faire de mal; je vous défendrai plutôt mais songez qu'on vous abuse, et qu'il est dangereux de tromper le peuple. » Les cris de vive

la nation! vivent les sans-culottes! vive la liberté! point de veto! recommencent. Alors Santerre donne l'ordre de défiler: il pousse l'un, il excite l'autre, il menace celui-ci, tous s'écoulent sans la moindre résistance (1).

(1) Nous n'avons discuté aucun des faits dont se compose la relation de la journée du 20 juin, par M. de Ferrières ; plusieurs cependant pourraient être controversés. Mais les

Ainsi se termina cette journée, qui ne répondit point aux espérances qu'en avaient conçues les girondins et les orléanistes: ils surent pourtant en tirer un parti avantageux, en mettant à profit l'avilissement qu'elle avait jeté sur la royauté constitutionnelle. On vit dès le lendemain paraître sur tous les quais une gravure représentant Louis XVI sous la ridicule dénomination de pouvoir exécutif, coiffé d'un bonnet rouge, et buvant à même une bouteille à la santé de la nation. Une multitude grossière, incapable de concevoir l'idée de la vraie grandeur, et d'apprécier le sang-froid, l'égalité d'ame, la fermeté courageuse qu'avait montrés Louis XVI, se crut autorisée à mépriser l'homme parce qu'elle avait avili le pouvoir. Pétion ne pouvait ignorer qu'on l'accusait hautement d'être le principal auteur de l'insurrection: mais il savait en même temps qu'on était loin de lui en faire un crime, et que, malgré son peu de succès, on lui savait gré de la manière dont il s'y était prêté. Il vint donc à la tête de la municipalité, se présenter à la barre de l'Assemblée; il y reçut de nombreux applaudissemens. Fier de ces marques non équivoques d'approbation : « On a eu, dit-il froide

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divers récits que nous avons annexés aux éclaircissemens historiques (D) (voyez la note de la page 105), donneront au lecteur le moyen d'entrer dans l'examen contradictoire qui peut seul le mettre sur la trace de la vérité.

(Note des édit.)

ment, quelques inquiétudes inquiétudes sur une foule assez considérable de citoyens qui se sont transportés dans les appartemens du château, mais le roi n'en a pas eu: il connaît mieux les Français il sait combien depuis trois années sa personne est respectée : il sait que les magistrats du peuple veillent toujours à ce qu'on ait pour le roi de la constitution le respect qui lui appartient; que ces magistrats, j'ose le dire, le font avec le plus grand zèle et j'avoue qu'il m'est sensible et douloureux de voir des députés qui aient pu en douter. >>

Ce discours était une véritable dérision. Louis XVI eût mérité le mépris que l'on s'efforçait de faire rejaillir sur lui, si, par un timide silence, il eût en quelque sorte confirmé les sentimens que lui prêtait Pétion, et consenti volontairement aux outrages qu'il avait reçus. Il écrivit au président qu'il n'entrerait point dans le détail des événemens qui s'étaient passés au château; que l'Assemblée en avait connaissance; que Paris en était sans doute dans la consternation, et que la France les apprendrait avec un étonnement mêlé de douleur; qu'il était sensible au zèle que l'Assemblée lui avait témoigné dans cette circonstance; qu'il laissait à sa prudence de rechercher les causes de cet événement d'en les conséquences, et de prendre les mesures nécessaires pour maintenir la constitution, assurer la liberté, et l'inviolabilité constitutionnelle du représentant héréditaire de la nation; que pour lui, rien ne pouvait l'empêcher

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