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modifier l'article ; si elle ne les y comprend pas, vous n'avez pas le droit de l'étendre.

D'un autre côté, le nombre de vos électeurs, porté à 140,000 par M. le ministre de l'intérieur, et, huit jours après, à 100,000 par le rapporteur de votre commission, vous offre-t-il, dans son incertaine et journalière quotité, la garantie que l'élection sera nationale ? Sur 25 millions d'individus, cent mille sont appelés à élire. La deux cent cinquantième partie de la population exprimera trèsinégalement un vœu : cela pourra-t-il s'appeler un vœu national? De deux choses l'une, ou vous voulez, avec votre loi qui n'admêt pas les combinaisons des droits, un mode d'élection aristocratique, ou un mode d'élection démocratique avec les bases de la Charte? Si vous le voulez aristocratique, il est encore trop étendu; si vous le voulez démocratique, il est beaucoup trop restreint.

S'il est de l'essence du Gouvernement représentatif, que le plus de monde possible participe aux élections, quelle est la part qu'y prend un département où il n'y a que cent six électeurs, pař exemple? Là, vous n'aurez réellement que le vœu de cent six personnes, et même, avec la nouvelle définition que le projet de loi donne au mot majorité, vous pouvez n'avoir que le vœu de vingt-huit personnes. Je vous le demande, Messieurs, sontce là les avantages du Gouvernement représentatif? Toutes ces difficultés se résoudraient par deux

degrés d'élection: l'un, où le propriétaire, jusqu'à une quotité d'impositions déterminées, choisirait ses électeurs ; et l'autre, où les électeurs nommeraient les députés dans la classe voulue par la

Charte.

Mais si de graves inconvéniens s'élèvent contre le mode proposé dans les départemens où les propriétés, peu divisées, n'offrent qu'un petit nombre d'électeurs ; il ne s'en elève pas de moins grands dans les départemens où la réunion de quinze à dix-huit mille électeurs présente une impossibilité réelle d'exécution.

Ici, c'est presqu'une armée dont la réunion, quoi qu'on en ait dit, impossible dans la même ville, et dans telle circonstance dangereuse peut-être, nécessite un plan de divisions et de cantonnemens. Aussi, le projet de loi vous dit-il là où il y aura plus de six cents électeurs, le collége électoral se divisera en sections, dont chacune ne pourra être moindre de trois cents.

que,

En supposant un département où il y aura quinze mille électeurs, les sections, portées à six cents, demanderont vingt-réunions différentes; à dix-huit mille, il faudrait encore en augmenter le nombre quel est le chef-lieu qui, dans ces départemens, offrira les locaux nécessaires aux réunions ? Dans les départemens où il y aura de deux à quatre ou six mille électeurs, les mêmes difficultés existent les chef-lieux sont moins considérables, et ne peu

vent offrir ni les logemens nécessaires aux indi→ vidus, ni les lieux indispensables pour les réunions.

Dans celles de six cents électeurs, la tenue du collége électoral, d'après le projet de loi, avait une durée de dix heures par jour : depuis huit heures du matin jusqu'à six heures du soir. La commission leur donne moins de temps encore; cependant, Msssieurs, dix heures ne font que six cents minutes, ce qui, tout compte fait, ne donne à chaque électeur que sa part d'une minute pour faire son serment, écrire son bulletin, le déposer dans l'urne et signer au registre. Pensez-vous, Messieurs, que ce temps donné suffise à une aussi importante fonction?

M. le rapporteur de votre commission est, à ce qu'il me semble, bien loin d'avoir résolu les difficultés qui résultent de l'impossibilité de trouver dans un chef-lieu les locaux nécessaires aux réunions, ainsi que les logemens pour les individus.

Il n'a pas, à ce qu'il me semble, donné plus de garantie sur les dangers que cette réunion peut présenter. La commission s'est reposée, dit-il, sur la qualité des personnes, sur leurs fortunes, sur le rang qu'elles occupent; et elle a pensé que la considération attachée à tous ces titres était un gage puissant, un cautionnement probable de docilité et de paix. Hélas! peut-on se flatter, après vingt-cinq ans de révolution, que 300 francs d'imposition, l'éducation qui en est la suite, le rang que cela vous donne, peuton se flatter, dis-je, que ce soit là la garantie d'un

esprit de douceur et de paix, et une garantie telle qu'on puisse la faire servir de base à une loi d'élection?

par

D'après le projet de loi, les sections sont présidées

des vice-présidens qui iront eux-mêmes, après le dépouillement du scrutin arrêté et signé par le bureau, le porter au bureau du collége.

Croyez-vous, Messieurs, que dans les départe mens où il y aura quinze, vingt ou vingt-cinq sec tions différentes, toutes par nécessité ou par prudence, à une certaine distance les unes des autres, cette promenade, et je pourrais dans certains cas dire ce voyage des vice-présidens, puissent se faire sans que les opérations n'en soient considérablement ralenties? Croyez-vous que là ou le vice-président aura une certaine distance à parcourir pour l'aller et le retour des électeurs, déjà fatigués d'être loin de chez eux, veuillent attendre ainsi dans une ville et dans une auberge le résultat d'un mode aussi difficile par lui-même et aussi lent dans ses résultats?

Pensez-vous pouvoir retenir pendant dix jours loin de chez eux, loin de leurs affaires, cette multitude d'électeurs? Quoi qu'on en ait dit, les réunirez-vous sans troubles, sans dangers, peut-être, dans des circonstances difficiles? Ne vous exposezvous pas (et ici une presque certitude prend la place de la probabilité), ne vous exposez-vous pas, dis-je, au lieu d'obtenir par ce mode, dans les départemens même où il y aura le plus d'électeurs, le vœu de la

majorité, à n'avoir que celui de quelques électeurs des villes pour qui la tenue du collége ne sera pas un déplacement; et au lieu d'avoir réellement l'opinion du peuple, qui n'a que cette voie pour la manifester, ne serez-vous pas exposés à n'avoir constamment ici que les mandataires d'une coterie?

Deux degrés d'élection, je le répète, obviaient à tous ces inconvéniens; et l'expérience nous ayant prouvé que nous pouvions marcher avec; pénétré, comme je le suis, du danger d'innover, du vide des plus brillans systèmes, lorsqu'on les analyse, je m'étonne que le passé n'ait pas un peu plus servi de guide pour l'avenir, et que l'on n'ait pas préféré, en l'organisant d'après la Charte, un mode facile, connu, dans lequel le peuple participe au choix des électeurs, et qui offre, à ce qu'il me semble, les meil leures garanties; à un système hérissé de difficultés, impossible dans son exécution, incertain dans ses résultats, et auquel le peuple est totalement étranger. Est-il donc décidé que le passé nous offre vainement sa douloureuse expérience? Ne nous bornerons-nous jamais à améliorer? Faut-il donc innover sans cesse, et ne devons-nous pas redouter, d'essai en essai, de finir par tomber de lassitude et de faiblesse?

Le projet de loi, en ne faisant clore et dépouiller le scrutin que vingt-quatre heures après son ouverture, le laissait exposé à des inconvéniens d'une telle nature, que la commission, qui en a senti tous les dangers, a voulu y remédier en proposant de le clore

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