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Les Présidens des Colléges électoraux doi, vent être plus impassibles par la nature de leurs fonctions, par leur indépendance personnelle et les engagemens solennels qu'ils contractent en acceptant la présidence. L'Ordonnance royale qui leur confère cet honneur porte textuellement : « Que MM. les Présidens..... ne « doivent tolérer aucune coalition tendante à << capter ou gêner les suffrages; qu'ils ne doi<< vent rien faire par haine ou par faveur, qu'ils << doivent exercer leurs fonctions avec zèle « exactitude, fermeté et impartialité. » Un-serment écrit, répétant mot pour mot les paroles de l'Ordonnance, est envoyé par les Présidens au Ministre de l'intérieur. C'est du moins ce qui eut lieu pour les Elections de 1815. Je ne saurais croire qu'il y ait eu des Présidens capables d'oublier ou de mal comprendre des engagemens aussi sacrés : serait-il vrai que MM. de Kergorlay, Michaud, Villèle et plusieurs autres eussent à se plaindre ?

Il semble donc résulter des divers rapports parvenus de toutes les parties de la France, que des Commissaires, chargés des ordres de la Police, ont été envoyés dans les départemens; qu'il y a eu des exclusions formelles,

des désignations non moins formelles, prononcées par des Autorités constituées; que des surveillances ont été levées pour laisser aller aux Elections des Electeurs d'une certaine espèce, et que des permissions ont été refusées à des Electeurs d'une autre espèce. Quel a été le fruit de tant de soins? Des Colléges électoraux d'arrondissemens et de départemens se sont séparés sans avoir pu terminer leurs opérations. Trois départemens ne sont point du tout représentés. D'autres n'ont completté que le tiers ou la moitié de leurs Elections: ainsi se trouve encore affaiblie une Représentation déjà faible par le nombre ce qui peut avoir les plus graves inconvéniens, tant pour l'indépendance des votes que pour la discussion des Lois.

Outre ce premier malheur, ces intrigues en ont produit un autre encore plus grand : elles ont mis les partis en présence; elles ont ranimé des factions prêtes à s'éteindre. L'opinion, qui devenait excellente, a sensiblement rétrogradé vers les principes révolutionnaires. Les Royalistes ont été consternés; et comment ne l'auraient-ils pas été à la vue de ces Commissaires de police, parmi lesquels ils

remarquaient des hommes trop connus dans la révolution et pendant les cent jours, par leurs erreurs politiques, par leur haine contre les Bourbons? Pouvaient-ils croire que de tels agens eussent dû être choisis pour apôtres de la Légitimité? Pouvaient-ils comprendre quelque chose à ce renversement d'idées ? Les Jacobins, poussant un cri de joie qui a été entendu de tous leurs frères en Europe, sont sortis de leurs repaires : ils se sont présentés aux Elections, tout étonnés qu'on les y appelât, tout surpris de s'y voir carressés, comme les vrais soutiens du Trône.

Des hommes destitués, en raison de leur conduite, se sont trouvés avoir dans le département de la Haute-Garonne les qualités requises pour présider des Colléges d'arrondissemens. On s'est permis dans le département du Gers de choisir pour scrutateur un ex-membre d'un comité révolutionnaire.

Dans le même département, trois Jacobins fameux, à l'égard desquels il avait été pris des mesures de haute police, ont été mis en liberté au moment des Elections, et ils n'ont pas mauqué de répandre leur esprit autour d'eux. Il sera utile de faire observer que, tandis qu'on jetait ainsi dans la société des hommes capa

bles de corrompre l'opinion, on déplaçait subitement des hommes attachés à la cause royale; on leur ordonnait de partir dans vingt-quatre heures, comme si l'on eût craint le contre-poids de leur influence.

Le Roi était déjà à Senlis : les généraux qui se trouvaient au camp de La Villette adressèrent aux Représentans de la Nation une lettre où on lisait ces mots : « Les Bourbons sont

rejetés par l'immense majorité des Français; << si on pouvait souscrire à leur rentrée, rappe«<lez-vous, Représentans, qu'on aurait signé «<le testament de l'armée...... Les Bourbons << n'offrent aucune garantie à la Nation. » Un des signataires de cette lettre est venu porter son vote à Cahors.

A l'époque du mouvement de Grenoble, il se fit un mouvement correspondant à Milhaud un homme fut soupçonné d'en être le chef, et d'entretenir des intelligences avec les rebelles de l'Isère, la Police crut devoir le mettre sous la garde des autorités de Milhaud. Le temps des Elections est arrivé, et l'on a permis à cet émule de Didier d'aller voter à Rodez.

Un membre de la Chambre des Représentans

avait fait, pendant les cent jours, une proposition de Loi. Il demandait qu'on saisit les biens des Français armés pour la cause royale: Soient mis hors de la Loi, s'écria-t-il, ces

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brigands, leurs ascendans et leurs descen<< dans. » Les Représentans eux-mêmes ne purent se défendre d'un mouvement d'horreur. Depuis la rentrée du Roi, la Police avait mis en surveillance l'auteur de cette proposition. C'est lui dont j'ai déjà parlé, et qui, mis en liberté pour aller voter à Ploërmel, a été remis ensuite en surveillance.

Beauvais a été étonné de la présence de l'ancien chef de division de la Police secrète sous Fouché et Rovigo : homme qui a fait peur si long-temps à ses propres maîtres. Il est venu, libre et autorisé, voter contre un homme qui vota si courageusement contre l'Acte Additionnel sous la Monarchie légitime, Desmarets était appelé, et Kergolay était exclus.

Dijon a vu siéger des Electeurs tout récemment échappés aux tribunaux, où ils avaient été traduits pour crimes présumés de

trahison (1).

A Nevers, on a signalé avec effroi un Elec

() Voyez le journal de la Côte-d'Or.

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