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Il n'y a pas de bon droit sans la force. Quoi ! M. Carnot, c'est vous, c'est un homme d'état qui ose émettre une pareille proposition! Il n'y a pas de bon droit sans la force! Mais vous n'avez donc pas réfléchi qu'une telle maxime, si elle n'était atroce, serait du moins à la honte de votre raison. Il est faux, si les Bourbons ont eu raison pendant neuf siècles, et s'ils ont encore ea raison dernièrement (ce qui n'est pas une question), que ce soit parce qu'ils ont été les plus forts: ils ont eu raison sous le régne de la convention et sous celui du directoire, comme ils avaient eu raison auparavant, et ils n'ont pas eu plus raison sur le trône dout Bonaparte était déchu, qu'ils n'avaient eu raison à Mittau ou au château d'Arthwel.

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Les Bourbons, selon vous, n'auront raison qu'autant qu'ils seront les plus forts. Vous vous trompez : en perdant leur force, les Bourbons peuvent, comme cela est déjà arrivé, perdre aussi leur trône et leur couronne; mais ils ne perdront jamais leurs droits. Je ne prétends pas qu'ils aient au trône de France un droit exclusif, et que, si le vœu du peuple français était que la dynastie si ancienne des Bourbous fût remplacée par une nouvelle, cette famille, chère d'ailleurs à tous les vrais et bons Français, dût persister à vouloir réguer sur la France. Non, dans cette hypothèse, les Bourbons devraient renoncer au trône, et s'ils n'y renonçaient, alors seulement ils cesseraient d'avoir raison, fussent-ils encore les plus forts.

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A l'arrivée des Bourbons, l'allégresse ne se soutint qu'un moment; mais cette allégresse, qui l'a troublée qui l'a fait disparaître, ou plutôt pour qui a-t-elle été troublée, pour qui a-t-elle disparu? Les amis de la paix, ceux qui voulaient le bonheur de la France, la prospérité de notre commerce, le repos de nos fa

milles, ceux en un mot qui voulaient le bien général, se sont-ils jamais plaints du gouvernement des Bourbons? Si une jeunesse pétulante, sans principes ni sue la morale ni sur l'équité; si une jeunesse imbue des principes d'une fausse gloire, principes au surplus dont les fondemeus étaient d'autant moins solides qu'ils n'étaient basés que sur les faveurs passagères de la victoire; si, dis-je, la jeunesse d'aujourd'hui se montrait d'un caractère un peu différent de celui qu'aurait désirẻ trouver en elle un gouvernement doux et pacifique, la chose n'était pas sans remède. Et nécessairement Louis XVIII devait trouver parmi cetté bouillante jeunesse quelques têtes recalcitrantes qui, ne voyant pas dans un état de paix de quoi, alimenter cette habitude de la guerre qui est devenue presque un besoin, devaient marquer du mécontentement jusqu'à ce que les habitudes eussent pris une autre direc tion, et que les esprits eussent embrassé pour sujet d'émulation, et pour principe fixe de gloire nationale, ou le perfectionnement de nos manufactures, ou le rétablissement de notre commerce, ou l'amélioration de notre sol, ou la fondation de nouveaux établisse, meus utiles, ou enfin tout autre objet d'un avantage plus réel et plus légitime que celui des conquêtes, C'est donc à tort que. M. Carnot prétendrait que l'amour de la gloire doit être, comme il l'a été depuis vingt ans, le seul principe admissible pour former aujourd'hui la jeunesse française. Le caractère national est susceptible de recevoir plus d'un attribut distinctif, comme nous pourrions en donner la preuve.

Et quand M. Carnot insinue que le caractère national a été offensé par la conduite qu'a pu tenir Louis XVIII envers le prince régent d'Angleterre, nous ne craiguons pas de dire qu'ici, comme en bien d'autres en

droits, M. Carnot dénature à la fois et les intentions, et les faits, el les circonstances. Il dénature les intentions, eu supposant que celles de Louis XVIII auraient été d'humilier un peuple pour la prospérité et la gloire duquel il ne cessa jamais de faire des voeux. Il dénature les faits, en ce que jamais Louis n'a reconnu tenir ni șou trône ni sa couronne de qui que ce soit, que de l'amour de son peuple; il le dit en propres termes, dans la déclaration qu'il publia le jour de son entrée dans la capitale de la France. M. Carnot dénature encore les circonstances, en confondant avec Louis, chef suprême de la France, et parlant au nom de son peuple, Louis abandonnaut la terre de son exil, et témoignant à ceux qui lui avaient fourni un asile les. sentimens expansifs de sa sensibilité et de sa reconnaissance.

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Lorsque ses compatriotes (de Louis) volaient à sa rencontre pour lui décerner la couronne d'une voix unanime, on lui a fait répondre qu'il ne voulait pas la recevoir de leurs mains, qu'elle était l'héritage de ses pères..... Il est impossible, M. Carnot, de s'y prendre mieux que vous ne vous y prenez pour arriver à vos fins. Volre intention est d'aliéuer le peuple français de son roi; votre intention est de renverser encore une fois le trône des Bourbons: rien de mieux à faire pour cela que d'employer l'arme du ridicule. On lui fait répondre! Ne semble-t-il pas que Louis soit un enfant qui ne sait pas encore ce qu'il doit dire? On lui fait répondre ! Mais de grâce, M. Carnot, qui estce qui lui fait répondre ? Louis xvIII, rentrant dans l'héritage, de ses pères, n'était-il pas environné de tout ce que la France a de plus distingué et par ses lumières et par sou patriotisme? Qui donc aurait osé, qui aurait même pu dicter au roi une réponse aussi déplacée

que celle que vous lui prêtez? Au reste, M. Carnot, depuis assez long-temps nous gardons à votre égard toutes les mesures possibles qu'il nous soit permis de dire, une fois pour toutes, avec cette franchise qui nous est naturelle, que vous EN IMPOSEZ.

Nous n'avions pas calculé nos sacrifices pour recouvrer le fils de Louis IX et de Henri IV; nous lui avions aplani le chemin du trône.... Dans notre vive satisfaction, nous avions spontanément abandonné nos conquêtes. Mais quels sacrifices a donc faits M. Carnot pour recouvrer le fils de saint Louis? qu'àt-il fait pour lui aplanir le chemin du trône? Il a adhéré aux mesures du gouvernement provisoire; mais pouvait-il, sans se rendre coupable de rebellion, eu agir autrement? Il a renoncé aux limites naturelles de la France; mais ces limites naturelles n'avaient-* elles pas été déjà franchies par les armées alliées ? et les provinces situées entre ces limites naturelles et la France d'aujourd'hui, n'avaient-elles pas été envahies depuis long-temps?

Toutes les forcès de l'Europe n'auraient pu en dix ans nous arracher ces superbes provinces. Mais lorsque les alliés sont entrés dans Paris, ne nous les avaient ils pas déjà enlevées ces superbes provinces ? ne nous avaient-ils pas même enlevé une portion de notre patrie?

Si ce que vous dites, M. Carnot, n'était que déraisonnable, on pourrait se dispenser d'y répondre; mais puisque l'injustice s'en mêle, il faut bien que quelqu'un relève vos erreurs. Ce n'est point parce que vous avez adhéré aux mesures du gouvernement provisoire; ce n'est point parce que vous avez abandonné spontanément vos conquêtes, ni parce que vous avez Jaissé envahir ces superbes contrées que vous regrettez

et que nous regrettons tous, que les Bourbons nous ont été rendus ; c'est le peuple français qui les a redemandés ; c'est le besoin de cicatriser nos plaies qui les a fait revenir. Cessez donc de nous dire, avec ce ton d'impiété et de raillerie qui sied mal à un vrai Français, que c'est sans l'assentiment de son peuple. et seulement par la grâce de Dieu que Louis est roi de France.

Louis s'était fait précéder par des proclamations qui promettaient l'oubli du passé, qui promettaient de conserver à chacun ses places, ses honneurs, ses traitemens. Comment ses conseillers lui ont-ils fait tenir ses promesses? Comment ils les lui ont fait tenir, M. Carnot? Comme il devait les tenir. S'il a chassé du sénat ceux qui pouvaient paraître coupables à ses yeux, nous avons déjà exposé les justes motifs qu'avait Louis XVIII d'en agir ainsi. Au surplus, de quoi pouvez-vous avoir à vous plaindre ? Vous étiez sous Louis ce que vous aviez été sous Napoléon. Vous avancez dans votre mémoire qu'on excluait avec soin, des emplois secondaires, ceux qu'avait pu égarer un amour excessif de la liberté. Mais toujours des inculpations gratuites, M. Carnot! Pourquoi, je vous prie, taxezvous d'égarement tous ceux qui, par des mesures d'économie ou autres motifs, se sont trouvés sans emploi d'après la nouvelle organisation des divers mi. nistères ? Pourquoi les représentez-vous comme devant être prochainement livrés aux tribunaux et proscrits? D'après quel principe, je vous prie, se trouvent-ils, par le fait de leur démission, dont la cause est universellement connue, signalés à l'animadversion de leurs concitoyens, comme suspects et indignes de la confiance du gouvernement? Si jamais il pouvait être vrai qu'on les regardât comme suspects, ne se

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