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eus? Non, l'assemblée nationale aurait subi le sort qu'elle méritait; elle eût été massacrée comme l'ont été les Suisses et autres fidèles serviteurs du roi; vos Marseillais et vos sans-culottes eussent été hachés et mitraillés, si Louis n'eût pas enchaîné notre zèle en nous faisant défense de tirer sur des malheureux qu'il persistait à regarder comme faisant partie de sout peuple, à qui il ne cessait de donner le nom de Fran çais, et qu'il avait là bonté d'appeler ses enfans. Quant aux ressources du trésor public que vous prétendez nous avoir été prodiguées, nous ne craignons pas de vous en donner le démenti formel; et s'il faut encore vous convaincre de l'imposture, nous vous renverrons à la lecture du plaidoyer en faveur de Louis à qui vous avez voulu faire le même reproche, mais que M. de Sèze a si victorieusement réfuté. Nos perfides conseils, selon vous, ont précipité Louis xvi dans l'abîme dont il ne pouvait plus sortir que par nos propres efforts. Mais oubliez-vous, M. Carnot, que c'est parce que nos conseils n'ont pas été suivis, au contraire, que Louis a si déplorablement fini sa carrière? Oubliez-vous que c'est pour avoir trop aveuglé ment, donné les mains aux actes de la convention, que tous les maux sont arrivés ? Vous demandez ce qu'ont fait pour le roi les notables, le clergé, la noblesse ; ils ont tout fait. Vous avez voulu leurs biens, ils vous les ont abandonnés; vous avez voulu la révolution, elle a eu lieu; vous avez voulu leur sang, vous en avez été abreuvé; que vous faut-il encore pour que nous ayions consommé tous les genres de sacrifices?

Mais, à notre tour, monsieur, qu'il nous soit permis de vous faire aussi des questions. Si, ni les notables, ni le clergé, ni la noblesse n'ont rien fait

pour le roi; qu'ont fait les jacobins, la convention; le directoire, pour le peuple et la liberté? qu'ont fait vos représentans du peuple? Ils ont démoralisé la France, ils ont fait couler le sang de tout ce qu'il y avait de plus marquant parmi les gens de bien, ils ont amené le désordre et l'anarchie; en un mot, ils ont. tout fait pour le malheur de la génération présente, et celui même de plusieurs générations futures : voilà ce qu'ils ont fait, voilà ce qui doit les couvrir d'une honte éternelle, eux, leurs enfans, et les enfans de leurs enfans.

Vous nous accusez d'avoir abandonné Louis à la merci de ceux que nous avions irrités contre lui; vous nous demandez si c'était aux républicains à défendre avec des paroles, dans une tribune, celui que nous n'avions pas su défendre avec notre épée. Mais en quoi vous avons-nous irrités? Quel mal vous avons-nous fait qui pût vous irriter? à moins que ce n'ait été en nous soustrayant au sortaffreux que vous nous réserviez. Nous ne pouvons comprendre quel sujet d'irritation nous vous avons donné; convenez plutôt que vous n'aviez d'autre sujet de vous irriter que de ne pas voir assez promptement vos victimes immolées; convenez que, tout rés publicains que vous étiez, vous n'aviez pas encore abjuré le nom d'homme, et qu'en cette dernière qua+ lité, si Louis ne méritait pas d'être, épargné comme roi, il était homme, comme vous, et avait des droits à votre protection. Vous la lui avez brutalement re+ fusée; vous avez insulté jusqu'à sa douleur; vous vous êtes disputé l'affreux plaisir de l'outrager, de l'abreuver d'amertumes, et d'ajouter à la cruelle angoisse de son agonie des mortifications inouies et sans nombre. C'est vous qui dirigiez tous ces mouvemens populaires dont vous affectez aujourd'hui de dire que vous auriez été victimes en prenant la dé

fense de Louis; c'est vous qu fomentiez le désordre; c'est avec l'argent d'un des membres de votre assemblée que les factieux donnaient l'impulsion à tous ces mouvemens; c'est dans vos clubs jacobius que vous arrêtiez d'avance vos diverses mesures pour soulever la classe indigente à qui vous ne promettiez pas moins que la souveraineté, la richesse et les honneurs, dont toutefois vous avez bien su vous emparer vousmêmes., pour ne vous en départir que lorsque le nouveau parvėnu se mit à votre place; et à l'aide de quelques hochets qui n'étaient pas sans rapports avec les décorations des anciens nobles que vous aviez dépouillés et proscrits, il vous fit consentir à vous contenter des rôles secondaires.

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Louis n'était déjà plus roi lorsqu'il fut jugé : sa perte était inévitable. Et pourquoi, s'il vous plaît ? Il ne pouvait plus régner du moment que son sceptre était avili. Mais de ce qu'il ne pouvait plus régner, fallait-il qu'il mourût? Fallait-il qu'il fût, avant sa mort, outragé par la convention comme il l'a été ? Fallait-il que cette même convention violât à son égard toutes les lois et tous les droits comme elle l'a fait? Au surplus, son sceptre était avili! Mais qui l'avait avili, ce sceptre? n'est-ce pas la convention? Louis ne pouvait plus vivre du moment qu'il n'y avait . plus moyen de contenir les factions. Mais, insensés que vous êtes, si ce n'est pas la convention qui fomentait elle-même les factions, si ce n'était pas dans son sein que siégeaient les premiers factieux; ignorezvous que la mort de Louis, loin d'arrêter les factions, ne devait faire que les irriter, et que lors même qu'il n'y aurait pas eu, pour régner après Louis xvi, l'infortuné Louis-Charles son fils, il restait de cette auguste famille d'autres princes qui auraient pu renou

veler les factions pour rentrer dans l'héritage de leurs pères ? Non, vous ne l'iguoriez pas. Aussi est-ce bien moins la crainte des factions qu'une rage inferuale, une soif inconcevable du sang royal de Louis, qui vous a fait poursuivre sa mort avec tant d'acharnement.

Expiez, nous dites-vous avec une sacrilège ironie, expiez, vous ne pouvez faire mieux, votre ingratitude envers Louis XVI par des prières publiques, par des services annuels dans les temples. Il est inutile de répondre encore à l'inculpation d'ingratitude dont il paraît que vous avez résolu de vous décharger sur nous, M. Carnot. Mais supposez que nous ayions des expiations à faire pour crime d'ingratitude envers Louis XVI, au moins nous nous acquittons par des prières publiques, par des services annuels dans les temples; mais vous, M. Carnot, comment expiezvous le crime affreux de régicide dont votre conscience est souillée ? comment expiez-vous les assassinats commis au nom d'une assemblée dont vous étiez membre influent? comment expiez-vous la lâcheté avec laquelle vous avez souscrit à tant d'ordres inhumains, à la férocité d'un Robespierre, à la perversité de vos co-directeurs?

Par la bizarrerie des événemens, vos faibles adver saires sont devenus les plus forts, dites-vous; les ennemis du nom français avec lesquels ils s'étaient ligués, s'étant mis dix contre un pour vous combattre, sont entrés sans résistance dans la capitale; et un instant a suffi pour effacer vingt ans de gloire; ceux qui avaient fui au moment du danger, sont revenus triomphans à la suite des bagages, et par ce moyen vingt ans de victoires sont devenus vingt ans de sacriléges et d'attentats.

Oui, M. Carnot, par la bizarrerie des événemens, ou peut-être aussi par un décret de la Providence, vos faibles ennemis sont devenus les plus forts; et vous devez d'autant plus leur savoir gré de la conduite qu'ils tiennent à votre égard, que si jamais, lorsque la force était de votre côté, ils eussent eu le malheur de tomber entre vos mains, comme vous êtes tombés vous et les vôtres entre les leurs, vous vous seriez encore désaltérés dans leur sang, tandis qu'ils laissent librement circuler le vôtre, dans lequel seul peuvent être expiés vos forfaits.

Les ennemis du nom français avec lesquels ils s'étaient ligués ! Vous vous trompez, en désignant comme ennemis du nom français des peuples qui, en combattant contre vous, n'ont fait que combattre pour leur liberté. Les ennemis dont vous voulez parler étaient les ennemis du tyran de la France, de celui qui voulait asservir l'Europe entière sous sa domination de fer; mais ils n'étaient point, comme vous le prétendez, les ennemis du nom français; ils n'ont point effacé la gloire de la France; ils ont constamment reconnu la différence qui existait entre le caractére national des Français et le caractère faux, trompeur, cruel et sanguinaire, de ceux qui ont gouverné la France depuis vingt ans. Il est si vrai que le caractère français et notre gloire nationale n'ont jamais été méconnus, qu'après avoir vaincu la tyrannie, ceux que vous appelez gratuitement ennemis du nom frauçais, n'ont pas porté la moindre atteinte au territoire de la France; au contraire, pouvant se la diviser s'ils l'eussent voulu, ils lui ont cédé jusqu'à une grande partie des conquêtes qu'ils avaient faites sur elle. Le nom français n'eut jamais d'enuemis, si l'on en excepte les républicains et les tyraus, qui, depuis 1791,

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