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RÉVOLUTIONS

DE PARIS,

DÉDIÉES A LA NATION Etau District des Petits-Augustins. Avec gravures analogues aux différens événemens, et les cartes des départemens. SECONDE

ANNÉE

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DÉTAILS

Du 3 AU 10 JUILLET 1790.
A MM. les députés fédératifs.

LES
Es députés des départemens et de l'armée arri-
vent de tous les côtés, les armes hautes, le bar
gage sur le dos, le front couvert de sueur et de
N°. 52.

A

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poussière; leurs yeux pétillent d'hilarité, et cherchent, aux barrières, les frères qui doivent les recevoir..... Quel contraste!.... Un commis leur indique tristement le bureau où ils doivent aller chercher leur carte, ils battent le pavé deux et trois heures avant d'être rafraîchis; l'uniforme national les fait assez reconnoître, et on se contente de les regarder comme des objets de curiosité. La garde ne bat point aux champs, et ne porte pas les armes lorsqu'ils passent; rien ne leur indique enfin qu'ils soient parmi des concitoyens qui brûlent de se réunir à eux par le même serment et par les doux noeuds de la fraternité.

Que l'on fasse une telle réception à ceux des députés fédératifs qui ont expédié leurs armes par le coche, et qui sont arrivés dans des boîtes, rien de plus simple. Mais comment excuser envers les autres l'incurie, la stupidité des commissaires municipaux chargés par l'assemblée nationale de l'ordre de la fête? Ils croyent avoir fait un effort de patriotisme, de prudence et de fraternité, en annonçant aux députés des départemens et de l'armée, par des placards affichés dans Paris, qu'ils tiendront leur bureau sans désemparer aux Jacobins de la rue Saint-Honoré (1).

L'urbanité particulière, la plus douce hospita lité dédommagent sans doute les députés fédéra tifs de l'incivilité publique ; cependant l'air isolé qui les accompagne dans tous les lieux publics, semble prouver que les devoirs de la fraternité n'ont pas

(1) Si la garde nationale eût été chargée de faire les honneurs de la fédération, elle eût placé à chaque barrière un détachement qui eût rendu les devoirs militaires aux éputés arrivant militairement, et qui auroit détaché un homme d'ordonnance pour les conduire à un lieu où ils auroient trouvé des subsistances et des rafraichissemens, en attendant la vérification de leurs pouvois et le billet de logement.

(

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été remplis envers eux avec cette abondance de cœur qui ne laisse rien à désirer.

On ne leur a pas même préparé un lieu où ils pussent tous se rendre, se trouver, causer, se communiquer leurs idées, se lier par une estime réciproque, et entamer des correspondances civiques. Hors leur admission aux tribunes de l'assemblée nationale on a abandonné tous leurs momens aux filles du palais royal, et à nos dispendieux spectacles.

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Ainsi, les députés fédératifs de la France armée ne peuvent pas se promettre de se voir distinctement. Il sont accourus d'un bout du royaume à l'autre pour fraterniser, et ils se sépareront sans s'être touché la main.

Le génie ministériel, pétrifié d'abord par cette sublime idée d'une fédération générale, s'étoit évertué pour l'étouffer, et le comité de constitution l'avoit servi de toutes ses forces. Convaincus enfin qu'on ne peut résister à la volonté générale, le perfide ministère et l'indigne comité n'ont cherché que les moyens de rendre cette fête stérile, et le serment une cérémonie insignifiante.

Mais ils n'ont pas encore entièrement achevé d'anéantir la liberté de la presse ; ce qui lui reste de force peut détruire leurs misérables combinaisons. L'esprit public peut renverser toutes les barrières qu'on ose opposer à ses progrès, et nous serons libres enfin après avoir cru l'être pendant un an.

Députés fédératifs ! j'ignore si ma voix vous est connue; j'adjure tous ceux à qui elle n'est pas étrangère, de dire si, depuis le commencement de la révolution, elle a tu les vérités utiles, si jamais elle a conspiré, par de pussillanimes ménagemens, avec les ennemis de la liberté; si jamais elle a servi d'autre parti que celui des principes et de l'égalité des droits. Je voudrois, et ce seroit peutêtre couronner honorablement cette année de mes travaux patriotiques, je voudrois rapprocher,

rassembler dans un cadre étroit toutes les vérités importantes semées dans les numéros qui précèdent celui que je vous adresse. Puissé-je, en vous payant ainsi ma part des hommages qui vous sont dus, vous faire adopter des idées auxquelles tiennent peut-être notre liberté et notre bonheur ! Qu'elles soient par vous reportées à vos commettans; si elles font sur leurs ames de profondes et salutaires impressions, ce succès sera dû tout entier à votre chaleur patriotique et à la fédération.

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Vous venez, citoyens et soldats pour jurer..... sans doute d'étre libres. Ce qui existe de la constitution vous permet-il de croire que vous le serez? Si vous venez pour hurler des acclamations, tout examen des articles décrétés est inutile; mais si vous devez prononcer un serment obligatoire, il faut qu'il soit réfléchi, et que vous connoissiez ce que vous allez jurer de maintenir.

Un article de la déclaration des droits de l'homme en société exprime ce principe éternel, que la loi est l'expression de la volonté générale. Un article de la constitution déclare que la volonté des représentans de la nation, sanctionnée par le roi, équivaut à la volonté générale, et même est réellement la volonté générale. Contradiction révoltante! sup position absurde! entendez-vous jurer de les main tenir ?

Un article de la constitution exige la sanction du roi pour former la loi. Un autre article veut qu'il n'ait qu'un veto suspensif, et qu'à son expiration le décret passe en loi sans sa sanction (1);

(1) A moins qu'on ne venil'e dire qu'à l'expiration du veto la sanction sera forcée; mais, d'après la distinctio établie entre l'acceptation et la sanction, celle-ci est u acte de la volonté qui ne peut jamais être forcée.

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cette équivoque peut devenir une source de malheurs; et dans la question de la guerre et de la paix, elle a fait une brèche terrible à la liberté publique (1).

La sanction du roi est censée représenter la ratification nationale, ce qui suppose qu'avant de sanctionner, il consulte l'opinion publique; mais souvent l'assemblée nationale demande, et le roi accorde sa sanction dans le même jour, et sans que le décret soit connu du public la volonté nationale ne concourt donc point de ce côté à faire la loi.

D'un autre côté, il est décrété qu'à l'avenir il ne sera point donné de mandats aux députés, que le procès-verbal d'élection formera leur seul titre; il est décrété que les députés ne pourront être révoqués par leurs commettans. Les députés étant réputés représentans de la nation, et non de ceux qui les ont élus, il est impossible de les astreindre à rendre compte de leur mission. La volonté des commettans ne peut donc influer ni avant, ni pendant, ni après l'acte législatif, sur la volonté représentative; il n'est donc vrai en aucun sens que la loi soit, selon notre constitution, l'expression de la volonté générale (2).

Un décret fait dépendre la qualité de citoyen actif, électeur d'une contribution de trois journées de travail, éligible, de dix journées. Un autre décret attache à un marc d'argent l'éligibilité aux fonctions législatives, c'est-à-dire, qu'un homme est ou n'est pas citoyen selon le caprice de l'officier, ou des officiers taxateurs des impositions; jurerez-vous de maintenir ces extravagances politiques?

L'assemblée nationale a décrété constitutionnel

(1) Vide, no. 50, page 637.

(2) Vide, no. 21, pages 2, 20; no. 31, pag. 5 et suiv.

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