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gent le commis de Surbois de se présenter seul et le premier. Mais avant tout, on délibère d'abattre le mur sec, et d'attirer à soi les moellons avec un crochet au bout d'une longue perche; et pour savoir si je le souffrirai tranquille pent, Surbois, à qui l'on reprochoit de n'avoir point encore annoncé sa mission autrement que par le tapage en arrivant dans l'anti-chambre, m'adresse ce qui suit, à haute voix: Je suis chargé, monsieur, de vous arrêter et transférer ailleurs, rendez-vous de bonne grace, et il ne vous arrivera aucun mal. Eh! ne suisje pas arrêté ici depuis 15 ans, après un an de Bastille, lui répondis-je ? Pourquoi parlez-vous de translation, plutôt que de liberté? Quels sont mes crimes? Je ne suis qu'exécuteur d'ordre, dit-il, et le devoir de ma charge me commande. La maudite charge que celle d'attenter à la liberté et à la vie des citoyens innocens! Qui vous a envoyé troubler mon repos? MM. le baron de Breteuil et le Noir, lieutenant de police. Que l'enfer les dévore éternellement! Est-ce que je suis le sujet ou l'esclave de ces scélérats gagés de la couronne ? Ne suis-je pas, quoiqu'en prison injustement, toujours le sujet du roi, et comme tel, sous sa protection spéciale, logeant dans ses maisons depuis seize ans? Fourquoi, ne voyant jamais personne, excepté des traîtres, suis-je recélé, vendu et livré par ces scélérats, entre les mains d'autres scélérats geoliers, sans être jamais entendu dans mes plaintes que de ceux que j'accuse? De quel forfait m'accuse-t-on, en servant fidèlement l'état et mes souverains, contre tant de démons élevés au ministère? On ne peut être plus tranquille que je le suis. Si je travaille et gémis sans cesse de l'injustice au milieu de l'oppression, c'est en silence. Far quelle raison aujourd'hui l'entrée du donjon que mon geolier refuse au public, est-elle permise aux garnemens de la police, qui, détestés et détestables à tous les honnêtes gens, font profession d'assassiner impunément les bons citoyens, sous la direction et l'autorité de la servante des boues et des lanternes de Paris? Pour venir ici, il faut un ordre du roi, et vous n'en avez pas.

La suite à l'ordinaire prochain.

ASSEMBLEE NATIONAL E.

Séance du jeudi soir 6 mai.

Sur le rapport de l'affaire du sieur Corbel, tanneur à Caen, il a été porté le décret suivant:

« L'assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, déclare:

« Que, par son décret du 22 mars dernier, son intention a été d'user d'indulgence envers les particuliers qui, à l'occasion des droits de arque sur les cuirs et fers, et de ceux sur la fabrication et les transports des builes et savons, auroient encouru des amendes, er mérité quelques condamnations ».

Qu'elle n'a point entendu priver ceux des citoyens. qui étoient en procès avec la régie antérieurement audit décret, et qui prétendroient avoir été vexés, inquiétés injustement, de poursuivre par les voies de droit la répartition des torts qu'ils auroient éprouvés, sauf à subir eux-mêmes les condamnations pécuniaires dont ils seront susceptibles ».

« Décrète en conséquence, 1°. que tout citoyen qui étoit en procès avec ce régisseur ou ses préposés, avant le décret du 22 mars dernier, et se prétendroit fondé à exiger la réparation des dommages à lui causés, pourra continuer ses poursuites devant les juges auxquels la connoissance en appartient, et se faire adjuger les condamnations qui lui seront ducs, suivant qu'elles seront déterminées par les tribunaux, en faisant néanmoins signifier au régisseur, dans les trois mois, pour tout délai, de la publication du présent décret, la déclaration qu'il entend reprendre la suite de ses dili

gences ».

2. «Que le citoyen qui, ayant refusé de jouir du bénéfice du décret du 22 mars dernier, aura continué ses diligences, en vertu du présent décret, ne pourra se soustraire au payement des amendes qu'il auroit encourues, et des autres condamnations pécuniaires qu'il aura méritées, si, par l'événement, les contestations qu'il aura perpétuées sont trouvées mal fondées; à l'effet

de quoi les loix ci-devant en vigueur subsisteront pour ces cas particuliers seulement, et seront à cet égard exécutées selon leur forme ct teneur ».

L'autre rapport est relatif au meurtre commis à Viteaux en Bourgogne, dans la personne du sicur Fijan de Sainte-Colombe, lors de la formation de l'assen blée primaire. L'assemblée a décrété ce qui suit:

« L'assemblée nationale, instruite de l'exécrable attentat commis .en la ville de Viteaux, le 28 avril dernier, sur la personne du sieur Fijan de Sainte-Colombe, décrète que son prés dent se retirera pardevers le roi pour supplier sa imajesté de donner des ordres pour que les poursuites commandées par le juge dudit Viteaux soient continuées jusqu'à jugement définitif ».

On a repris ensuite l'examen du plan de Paris. Une seule discussion mérite d'être citée. Elle a eu lieu à Poccasion de l'article 21, où l'on appelle le conseil général de la commune pour délibérer sur les affaires importantes.

Séance du vendredi 7 mai. La première question qui étoit à décider sur l'ordre judiciaire étoit celle-ci Le rai aura-t-il le pouvoir de refuser Linstallation d'un juge élu par le peuple? La négative a été adoptée. On a été à l'appel nominal sur la seconde question: Présentera-t-on au roi plusieurs sujets? Majorité pour la négative de quaranteneuf voix.

Séance du samedi matin. Le comité des domaines et d'agriculture a demandé qu'il fût alloué dans les dépenses publiques 600,000 livres pour achever le canal de Charolois.

L'ordre du jour étoit la question suivante: Le ministère public sera-t-il nommé et institué par le roi scul? On n'a pas voulu entendre de discussion; et la question a passé pour la prérogative royale.

Le décret est en ces termes:

« Les officiers du ministère public seront nommés par le roi, et ne pourront être choisis dans les assem-blées administratives ou de départemens, de districts, ni même des municipalités. Ils seront institués à vie et ne pourront être destitués que pour cause de forfairure jugée. Aucuns membres de la législature présente ne pourront être élus que quatre ans après la présente session, et ceux des législatures suivantes ne pourront l'être que deux ans après».

Séance

Séance du soir. On a décrété que le sieur le Corne., juge d'Auray, avoit été illégalement emprisonné. La municipalité d'Auray a été déclarée illégalement élue : il sera procédé à de nouvelles élections. Sur le rapport de M. de Bonnay, on a rendu le décret suivant:

«L'assemblée nationale désirant faire jouir à jamais la France entière de l'avantage qui doit résulter de l'uniformité des poids et mesures, et voulant que les rapports des anciennes mesures avec les nouvelles soient clairement déterminés et facilement saisis, décrète que sa majesté sera suppliée de donner des ordres aux administrateurs des divers départemens du royaume, afin qu'ils se procurent et qu'ils se fassent remettre par chacune des municipalités comprises dans chaque département, et qu'ils envoyent à Paris, pour être remis au secrétaire de l'académie des sciences, un modèle par-. faitement exact des différens poids et des mesures élémentaires qui y sont en usage ».

« Décrète ensuite que le roi sera également supplié d'écrire à sa majesté Britannique, et de la prier d'engager le parlement d'Angleterre à concourir avec l'assemblée nationale à la fixation de l'unité naturelle de mesures et. de poids; qu'en conséquence, sous les auspices des deux nations, des commissaires de l'académie des sciences de Paris pourront se réunir en nombre égal avec des membres choisis de la société royale de Londres, dans le lieu qui sera jugé respectivement le plus convenable, pour déterminer, à la latitude de 45 degrés, ou toute autre latitude qui pourroit étre préférée, la longueur du pendule, et en déduire un modèle invariable pour foutes les mesures et pour les poids; qu'après cette opération faite avec toute la solennité nécessaire, sa majesté sera suppliée de charger l'académie des sciences de fixer avec précision, pour chaque municipalité du royaume, les rapports de leurs anciens poids et mesures avec le nouveau modèle, et de composer ensuite, pour, l'usage de ces municipalités, des livres usuels et élémentaires, où seront indiquées avec clarté toutes les proportions ».

«Décrète,, en outre, que ces livres élémentaires seront adressés à la fois dans toutes les municipalités, pour y être répandus et distribués; qu'en même temps il sera envoyé à chaque municipalité un certain nom

N° 45.

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bre des nouveaux poids et mesures lesquels seront délivrés gratuitement par eux à ceux que ce changement constitueroit dans des dépenses trop fortes; enfin, que six mois seulement après cet envoi, les anciennes mesures seront abolies, et seront remplacées par les nouvelles >>.

M. Bureau de Pusy a proposé le décret suivant, adopté :

«L'assemblée nationale décrète que l'académie, après avoir consulté les officièrs des monnoies, proposera son opinion sur la question de savoir s'il convient de fixer invariablement le titre des métaux monnoyés, de manière que les espèces ne puissent jamais éprouver d'altération que dans le poids; et s'il n'est pas utile que la différence tolérée dans les monnoies sous le nom de remède, soit toujours en dehors, c'est-à-dire, qu'une pièce puisse bien excéder le poids prescrit par la loi, mais que jamais elle ne puisse lui étre inférieure; enfin, que l'académie indiquera l'échelle de division qu'elle croira le plus convenable, tant pour les poids que pour les autres mesures, et pour les monnoies ».

Séance du dimanche 9. M. Thouret est président.

La question à l'ordre du jour étoit de savoir s'il y auroit des juges de cassation, révision ou d'assise; mais on s'est occupé d'un rapport sur l'aliénation dés domaines de la couronne et du clergé.

On a porté les décrets suivans:

ARTICLE I. « Les domaines de la couronne, corporels et incorporels, sont aliénables, à titre perpétuel et incommutable, par la nation, en vertu d'un décret de ses représentans accepté par le roi; abrogeant toutes loix, ordonnances et réglemens à ce contraires >>.

II. » Les propriétés foncières du prince qui parvient au trône, et celles qu' acquiert pendant son règne, à quelque titre que ce soit, sont de plein droit réunies et incorporées au domaine de la couronne; et cette réunion est perpétuelle et irrévocable >>.

III. « Les acquisitions faites par le roi, à titre singulier, et non en vertu des droits de la couronne, sont à sa disposition pendant la durée de son règne; et ledit temps passé, elles se réunissent de plein droit au domaine de la couronne ».

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