Page images
PDF
EPUB

LETTRE S.

De Perpignan, le 4 mai 1790.

[ocr errors]

L'ARISTOCRATIE profondément enracinée à Perpignan, tient continuellement en activité le zèle des citoyens patriotes; ils viennent d'en donner hier une nouvelle preuve : ils savoient que pendant la quinzaine de Pâques le clergé, fortement attaché à ses richesses, avoit effrayé les consciences timorées, en leur persuadant que la religion étoit perdue. Lorsqu'ils ont cru que le levain de leur doctrine avoit assez fermenté, ils ont levé le masque effrontément; le chapitre de la eathédrale a protesté contre les décrets de l'assemblée, et a tenté, par toute espèce: d'intrigue, d'entraîner dans sa rébellion les communautés, séculières et régulières de la ville. Des émissaires ont été envoyés dans les campagnes, où ils ont peu réussi; des! députés du chapitre ont été chargés de convertir les communautés ecclésiastiques et les moines; plusieurs Couvens ont réfusé leur signature, et les capucins ont fait une réponse digne d'être conservée : « M. l'abbé, ont dit ces hons pères au député qui les cathéchisoit, » vous nous dires que la perte des richesses ecclésias»tiques entraînera celle de la religion; comme nous > n'avons pas de biens, nous conserverons donc la > nôtre ». Cette réponse ne satisfit point M. l'abbé. Pendant que le clergé, oubliant qu'il ne fait plus un corps, cherchoit ainsi à se liguer avec tous les membres de cette antique et dangereuse corporation, il manoeuvroit sourdement dans la ville pour surprendre les signatures des ignorans; les dévotes intriguoient dans les cercles; et une assemblée étoit indiquée pour le dimanche 2, au Couvent de Saint-Dominique, où devoit se réunir un nombre de huit cents confédérés ; on avoit preparé à cet effet un très-grand nombre de cocardes blanches, signal de reconnoissance; les têtes de quelques chefs patriotes avoient été désignées comme devant illustrer par leur chûte la sainteté d'un si beau jour; les patriotes en eurent vent, et la seule présence de cent cinquante d'entre eux dissipa certe fameuse ligue d'une manière ridicule. Un No. 45.

E

[ocr errors]

membre de la société, qui a été présent à la scène, en a fait le détail ci-joint. On doit rendre justice à la société des patriotes; le danger a été grand, et je suis persuadé que sans leur prévoyance il y auroit eu du sang répandu.

Les femmes de la ville de Montauban, excitées par des fanatiques, se sont assemblées à la porte des cordeliers, armées de piques et d'épées pour s'opposer à ce que la municipalité ne fit l'inventaire de cette maison, ce qui a occasionné une émeute très-vive; il y a eu même du sang répandu: la garde nationale a été insultée, ainsi que la cocarde patriotique.

De Chartres, le 9 avril.

Nous avons reçu les arrêtés des différentes sections des ville et faubourgs de Chartres, ainsi que celui de l'assemblée générale des électeurs du département d'Eure et de Loire, relativement aux protestations faites par le chapitre de l'église de Chartres, contre les décrets de l'assemblée nationale, en date du 21 avril 1790.

On voit par l'extrait des registres de l'église cathédrale. de Notre-Dame de Chartres, qu'elle n'a d'autre but que de couvrir du voile de la religion le manége de l'aristocratie sacerdotale expirante; on en jugera par l'extrait des articles, et on y verra que

Nos prêtres ne sont pas ce que le peuple pense,
Que leur cupidité fait toute leur science;

I. Que la religion catholique, apostolique et romaine étant liée à la constitution de la monarchie française, il est du devoir de ceux dépositaires de l'autorité temporelle, de la protéger, et de lui conserver exclusivement la solennité du culte.

Nous pourrions répondre à MM. du chapitre que l'assemblée nationale a légalement pourvu à la protection qu'elle doit à l'église catholique et à la solennité de son culte à cet égard, à l'exclusivement près, l'assemblée est d'accord avec le chapitre.

II. Que loin de regarder les vœux monastiques comme nuisibles à la prospérité de l'état, la raison

et l'expérience démontrent que ce qui entre dans l'économie ne peut contrarier les soins d'une sage politique, etc.

Les témoins qu'invoque le chapitre, la raison et l'expérience, sont des témoins bien forts contre les protestations; nous y joindrons tous les malheureux cloîtrés qui comblent de bénédictions l'assemblée nationale.

III. Qu'il proteste contre tous les décrets de l'assemblée nationale, qui portent atteinte à la propriété du clergé, et notamment à ceux du 10 août et 2 novembre; contre celui du 14 avril, etc.

Voilà donc les vrais motifs des protestations sacerdotales du chapitre; la religion, le culte et les ordres monastiques sont donc le manteau dont ils se crouvrent.

Le chapitre alarmé d'un projet annoncé de supprimer les charges des églises cathédrales, déclare aussi qu'il proteste, etc.

La nation doit ne conserver que les établissemens utiles, les chapitres sont d'une inutilité absolue; par là même que ceux qui en sont membres causent un scandale indécent par l'oisiveté dans laquelle ils vivent, et les débauches qui les illustrent.

NOUVELLES DES PROVINCES.

MONTPELLIER. Vingt- un citoyens de cette ville se sont emparés de la citadelle où étoient huit hommes de garde. La municipalité a mis le scellé sur les magasins, appartemens, etc. de la citadelle,et en a commis la garde à la milice nationale.

TARASCON. M. de Miran, commandant en second, en Provence, s'étoit retiré dans cette ville, depuis l'affaire de M. de Beausser, à Marseille; une garde de 30 hommes veilleit à sa sureté : le 8 de ce mois il fut obligé de partir, déguisé sous un habit de livrée; le peuple s'étant irrité, on ne sait pas pourquoi, contre lui, il a depuis, dit-on, donné sa démission.

VALENCE, 10 Mai. M. de Voisins, commandant l'artillerie en garnison en cette ville, craignant que la citadelle n'éprouvât le sort de celle de Marseille, avoit placé une garde de 50 hommes dans ce poste, fait distribuer des cartouches et charger deux pièces de canons à mitraille (le citoyen ne veut pas que les bouches dairain des villes qu'il habite, soient tournées contre lui). Un des officiers du poste demande à ụn canonier s'il refuseroit de faire feu sur les bourgeois, supposé qu'il lui en donnât lordre; la négative fit mettre le soldat en prison; sès camarades instruisent les bourgeois de la punition d'un d'eux qu'ils estimoient : le peuple s'est porté en foule chez le commandant. La municipalité et la garde nationale, malgré tous les soins apportés pour ramener l'ordre, n'ont pu empêcher qu'un coup de fusil n'ait atteint M. de Voisins, et que le peuple ne se soit jeté ensuite sur lui; on dit qu'on lui a trouvé des papiers qui l'inculpent. MM. de Volcernon, de Saint-Cyr et Durlat, tous trois officiers d'artillerie, sont détenus en prison: on prétend que ce qui a excité l'effervescence est l'arrestation de M. de Bone, au pont de Beauvoisin, qui paroît avoir eu correspondance avec des personnes à la Haye et à Utrecht, où s'est réfu gié M. de Maillebois, qui vient de donner sa démission du gouvernement de Breda, depuis que la république lui a refusé le passage.

NOUVELLES ÉTRANGÈRES.

BULLETIN DE LONDRES. La France ne peut pas et ne voudra pas, sans doute, au moment où elle s'occupe à réparer le désordre de ses finances et à établir sa constitution, prendre part à une guerre chevaleresque pour maintenir le droit idéal de la souveraineté de l'Espagne sur des côtes habitées par des Sauvages, éloignées de plus de 4cco lieues de l'Europe. (C'est un grand malheur pour l'humanité que le maintien des erreurs, et c'en est une bien grande en politique que celle de prétendre à la souveraineté d'un pays dans lequel on n'a point d'établissement, et duquel on ne jouit pas.)

Il est plus que probable que le Nootka - Sund, où s'est passé l'événement qui sert de base au manifeste de la cour d'Angleterre, n'avoit jamais été visité avant le capitaine Cook, ni par les Espagnols venant du Mexique,

ni par les Russes allant au Kamschatka. La conduite des Espagnols, qu'il est difficile d'expliquer, sans supposer des arrangemens secrets pris avec les cours de Vienne et de Pétersbourg, tend à faire valoir les prétentions sur l'hémisphere américain, que le cabiner de Madrid a établies dans des temps moins éclairés.

EXTRAITS DE LETTRE S.
De Paris, 12 mai.

Il a été remis au comité des rapports à l'assemblée nationale, un mémoire signé du maire, des officiers municipaux et notables du village de la Celle près SaintClond, par lequel on représente que deux particuliers, citoyens actifs et propriétaires,l'un Jacques Bidault, et Goupy, se promenant avec leurs fusils le long de leurs possessions, ont été arrêtés par des Suisses, ayant à leur tête un garde-chasse; que ces particuliers, au mépris des décrets de l'assemblée, ont été sans aucune résistance de leur part, liés et garottés, et incarcérés dans des cachots à Versailles, où les rats dévorent leurs vêtemens et leurs souliers. On demande même par cette lettre, si on ne devroit pas blâmer la municipalité de la Celle, qui ne s'est point opposée à l'incarcération de deux de ses membres quelle reconpoît innocens.

C'est à Buges, près Montargis, qu'on fabrique, dans ce moment, le papier qui servira pour les assignats; deux commissaires sont chargés de surveiller cette fabrication, et d'envoyer à Paris ces papiers à mesure qu'ils seront faits. Le sieur Lorthier, un des meilleurs graveurs, est chargé de la planche sur laquelle doit être le portrait du roi,

PAPIERS DE LA BASTILLE.

Suite de l'horrible conspiration découverte en juil let 1768 par le Prévót de Beaumont, prison-nier pendant 22 ans.

1

Surbois tient conseil avec ses brigands et mes portec'efs, qui, ne voulant point s'exposer aux coups, char

« PreviousContinue »