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Reuilly (1); à Marseille, M. de Beausset; à Bordeaux, de simples manequins, représentans les députés aristocrates de cette ville (2), ont suffi à la vengeance publique. A Montauban, l'aristo'cratie militaire, ecclésiastique et judiciaire confédérées, ont fait périr dans un quart-dh ure pius de. citoyens que vingt-trois millions d'hommes n'en ont immolé dans une gra: de révolution où ils avoient à se venger de quatre siècles de malheurs et d'outrages.

Un mardement de l'évêque de Montauban, et des prières publiques avoient fait fermenter les têtes; la déclaration de la partie aristocr te de l'assemblée nationale, et la protestation des catholiques de Nimes n'avoient point rasséréné les imaginations. Mais ce qui étoit plus dangereux encore, les aristocrates de ce pays, nobles et ecclésiastiques, concertés avec une partie de la municipalité, avo ent soudoyé quelques femmes du peuple, pour qu'elles s'o sassent à l'inventaire que l'on devoit faire du mobilier des Cordeliers.

Des femmes égarées par le fanatisme se jo gnirent à celles qui étoient soudoyées, et dès 7 heures du matin, le 10 mai, elles se rendirent au couvent des Cordeliers pour s'opposer à l'inventaire. Mesdames de la Force Caumont font célébrer une messe solennelle, à laquelle toutes ces femmes assistent; aussi-tôt les officiers municipaux se pré

(1) Cet officier, que sa conduite avoit fait exécrer des Corses sous l'ancien régime, et qui avoit été obligé de fuir de ce département, s'est avisé d'y retourner, et ne s'est montré ni plus sage, ni plus patriote. La mort a été le prix de son retour imprudent, de scs. fautes passées, de ses coupables desseins, et d'un coup de pisto.et qu'il avoit tiré à un officier, et qui a blessé une femme.

(~) M. le Berthen, premier président : d'Héral, grand vicaire; l'abbé Piffon, curé; le vicomte de Ségur, et le chevalier Verthamon. Ces manequins ont été mis à la lanterne et brûlés.

sentent pour entrer dans le couvent; les femmes les menacent, ils se retirent.

Quelle devoit être alors la conduite de la municipalité ? Requérir l'assistance de la garde nationale, et du régiment de Languedoc, en garnison dans cette ville; proclamer la loi inartiale, requérir de ces femmes attroupées de nommer six d'entre elles pour établir leurs griefs, promettre solennellement de faire passer leur pétition à l'assemblée nationale, se retirer avec ces commissaires femelles, dresser un procès-verbat de leurs réquisitions, publier une proclamation claire et courte, pour apprendre à ceux qu'on avoit induits en erreur que l'exécution de la loi étoit un objet provisoire; et mêlant l'indulgence à la fermeté, maintenir le bon ordre, et l'obéis sance aux d'crets de l'assemblée nationale sanç tionnés par le roi.

Les officiers municipaux, au contraire, satisfaits d'avoir été repoussés, laissent ces femines et le peuple qui s'étoit ramassé, dans un état de fermentation; deux autres fautes qu'ils avoient faites précédemment, serabloient faire prévoir la scène qui alloit se passer. Ils avoient fait déposer les armes de la garde nationale à l'hôtel commun, et ils avoient autorisé la formation d'un quatrième bataillon, entièrement composé d'aristocrates de la haute robe, de la noblesse et de quelques misérables que ceux-ci soudoyoient.

Les dragons nationaux, et quelques autres compagnies, se transportent à l'hôtel de ville, et y prennent les armes, pendant que les attroupés forçoient la maison de M. de Puy-Monbrun, commandant de la garde nationale, et menaçoient de le pendre. Ils le suivent à l'hôtel de ville, où quelques détachemens le transfèrent pour le mettre en sureté.

Des émissaires faisoient circuler en même

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femps que les protestans avoient formé une conjuration contre les catholiques, qu'ils avoient chez eux des amas d'armes, que leur but étoit de s'emparer des biens du clergé. Tout à coup il s'élève un cri forcené contre les protestans. Les sédițieux veulent absolument que les armes de la maison commune leur soient remises pour aller égorger les protestans; les dragons nationaux s'opposent à une irruption dans la maison commune; un d'eux lâche un coup de fusil; le massacre commence; quatre dragons nationaux restent étendus sur la place; savoir, MM. Garrison de Villebourbon, Duchemin, Mariette et Rouffio.

Un homme monte, au même instant, en chaire dans l'église des Cordeliers, où l'attroupe qent étoit toujours considérable; il invite les attroupés à aller attaquer les dragons; il déchire la cocarde nationale, et arbore une cocarde blanche, portant au milieu une croix; son exemple est imité par des gens apostés. Le duc de la Force entre et tire son sabre; il invite tous les assistans à le suivre; il s'arment de tout ce qui tombe sous leurs mains. Les protestans sont as aillis, insultés frappés de toutes parts; les dragons sont attaqués et pris; le régiment de Languedoc arrive pour faire cesser l'effusion du sang: mais les aristocrates ne renoncent au plaisir de déchirer les dragons, que pour avoir celui de les flétrir: on les déshabille; on les conduit par la ville la tête nue, les cheveux épars; et, après leur avoir fait faire amende honorable, on les jette dans des cachots, et deux officiers municipaux étoient à la tête de ee cortège!

A cette horrible nouvelle, l'armée Bordelaise veut voler au secours des patriotes de Montauban; la municipalité autorise quinze cents hommes à partir; le sort décide quels seront ceux qui jouiront de l'avantage d'exposer leur vie pour le maintien de la constitution et l'exécution des

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lois. Ces quinze cents mes doivent s'arrêter à Moissac, distant de Montauban de quatre lieues, pour attendre les décrets de l'assemblée nationale et les ordres du roj.

L'assemblée a rendu deux décrets: pár l'un, elle charge le pouvoir exécutif de prendre tous les moyens possibles pour raniener le calme dans la ville de Montauban: par l'autre, en approuvant la démarche des braves Bordelais, elle prie le roi de faire passer ses ordres au bataillon stationnaire à Moissac.

Il n'est pas difficile de prévoir quelle sera l'issue de ce mouvement. Le patriotisme du régiment de Languedoc, de l'armée bordelaise ranimera le coutage des bons citoyens de Montauban. Une portion des séditieux, honteux d'avoir été dupes des artifices des chefs aristocrates, cherchera à cacher la part qu'elle a eue à cette action infàme. Les municipaux chercheront à excuser leur lâche collusion avec les aristocrates, en prétextant qu'ils ont voulu épargner le sang des citoyens, et que leur civique tolérance a été déçue. Mais non; leur crime est constant, et voici du moins un avantage qui résultera de ce malheur.

Le pouvoir exécutif se plaint qu'il ne possède pas assez de force. A Montauban, il a à ses ordres le régiment de Languedoc, les Bordelais, toutes les gardes nationales voisines; il peut s'assurer des chefs des séditieux; il peut faire garder à vue les coupables municipaux. L'assemblée nationale l'a investi de la dictature par un décret qui le charge de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces. Nous n'aurons donc qu'à observer sa marche pour savoir quelle part le ministère a prise à ces mouvemens. Un exemple sévère sur les officiers municipaux peut arrêter les malheurs les plus affreux, et prévenir une guerre intestine. Nous jugerons, par la célérité, par la justesse des

mesures que prendra le pouvoir exécutif, si ses agens spéculent sur le désordre pour rétablir leur abusive autorité.

Faits et Observations.

Le bureau du domaine de la ville de Paris a formé un tableau des revenus des biens des ordres religieux établis à Paris; il a fait aussi le tableau des charges de ces biens : il en résulte que l'excédent des revenus sur la dépense annuelle sera de 998 mille livres à un million, sans y comprendre. les menses abbatiales et prieurales, et les lieux claustraux. Si les municipalités imitoient cet exem ple, on sauroit avant peu quel est le bénéfice qu'on retirera de la suppression des ordres monastiques; et rien ne seroit plus propre à fermer la bouche aux détracteurs des assignats.

Les négocians de Bordeaux ont ouvert un bu reau patriotique, où les ouvriers de la ville pourront aller convertir en argent, et au pair, les assignats qui leur tomberoient entre les mains. Ah! combien d'exemples de vrai patriotisme méritent à cette ville la reconnoissance des amis de la liberté, et l'admiration de l'Europe!

Un des écrits les plus exécrables qu'ait vomis l'aristocratie, c'est une adresse aux habitans du département de Châlons-sur-Saône. La police de Paris en a arrêté trois mille exemplaires; l'évêque de Châlons a eu l'impudence de les réclamer. Ce sont les évêques de l'assemblée nationale, qui, à la faveur du sceau national, iafectent les provinces des erreurs les plus dangereuses. Tout bien calculé, c'est dans le corps épiscopal que sont nos plus grands enuemis.

LETTRES

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