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Grande coalition contre

l'autre pour profiter de ses dépouilles. Ils envahirent la France. Les meneurs du peuple répondirent à leurs menaces par un cri de vengeance et de mort.

L'origine de cette coalition est encore un peu la France. ténébreuse, quoique le signal en ait été donné dans les conférences de Mantoue, entre l'empereur Léopold et le comte d'Artois. D'abord on ne voulait faire intervenir que les forces des princes alliés de la famille royale, c'est-à-dire l'Espagne, la Sardaigne et l'Autriche. L'empereur Léopold proposa un congrès; mais l'assemblée, cédant à une noble fierté, ou peut-être à l'effervescence des esprits qui l'influençait, répondit en déclarant traître à la patrie tout Français qui consentirait à soumettre les lois de son pays à la décision d'un congrès étranger. Ensuite on voulut placer à la tête de cette confédération le roi de Suède, Gustave III, qui, ayant reçu de Louis XV des secours pour briser le pouvoir usurpé du sénat de Stockolm, devait rendre le même service à Louis XVI avec plus de désintéressement que tout autre. Mais Gustave ayant été assassiné, le roi de Prusse Frédéric - Guillaume se trouva appelé, on ne sait trop comment ni pourquoi, à la tête de la ligue. Il serait difficile en effet d'expliquer l'intérêt que sa monarchie aurait eu à s'immiscer dans le régime

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intérieur de la France? L'Angleterre en était sans doute enchantée, puisque nos embarras n'en seraient que plus inextricables, et que le bouleversement le plus complet était aussi ce qui lui convenait le mieux.

La Russie souriait à cet embrasement, car la Prusse et Gustave venaient tout récemment d'armer contre elle pour sauver la Turquie, alors envahie par les forces combinées de Joseph II et de Catherine. Il était facile de juger qu'en lançant ces médiateurs contre nous, elle se débarrasserait de leur intervention. Catherine était trop habile pour laisser échapper une telle occasion. Après avoir beaucoup déclamé contre la révolution, elle prit un vif intérêt à la formation de la ligue, afin qu'alliée à l'Angleterre et à l'Autriche, et débarrassée de la France, elle pût donner à sa politique la direction qui lui conviendrait. Pour mieux réussir dans ses habiles projets, elle se garda bien d'user ses forces contre nous: elle laissa ce soin aux autres, et ne parut dans les affaires de l'Occident que quand le grand œuvre du partage de la Pologne fut consommé.

Pologne.

C'est vers ce partage que Catherine dirigea Projets de la toute sa politique. Les Polonais, mieux avisés Russie sur la que nos réformateurs de Paris, avaient proclamé, le 3 mai 1791, la monarchie héréditaire dans la famille de Saxe. Tous leurs soins s'appliquent à

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entourer leur roi, jadis électif, de la force et de la considération dont la royauté a besoin pour maintenir le repos intérieur de l'état, et relever sa grandeur extérieure. Les princes qui tonnent contre nos novateurs, parce qu'ils enchaînent la royauté, s'apprêtent, par une étrange contradiction, à fondre sur les novateurs du Nord qui veulent la fortifier. Quelques nobles factieux, ou vendus à l'étranger, prétendant défendre les libertés publiques, se liguent à Targowitz, et réclament l'intervention de Catherine, qui, garante de la constitution de 1775, fait entrer une armée en Pologne pour les soutenir, et occupe la majeure partie du royaume. Les Polonais sollicitent l'appui de la Prusse, et Frédéric-Guillaume, après leur en avoir donné l'espérance, n'envoie des troupes à Thorn et à Posen que pour s'en emparer.

Cependant les confédérés de Targowitz, qui ont imprudemment appelé l'ennemi, assemblent une diète à Grodno pour y discuter le rétablissement de leurs prétendus droits, et les institutions qui doivent consacrer le maintien des abus sur lesquels s'appuie leur orgueil olygarchique. Ils s'abusent au point de croire que la Russie met à grands frais ses armées en mouvement pour leur bon plaisir, rivalisant ainsi de niaiserie avec les conseillers de Louis XVI qui ont tramé la coalition.

l'Autriche.

L'Assemblée nationale, certaine qu'on s'ap- Guerre avec prêtait de toutes parts à envahir la France, solut de prendre l'initiative. Elle avait des partisans en Belgique, où le joug autrichien avait causé des soulèvements sous Joseph II. On demanda à l'Autriche des explications sur ses armements; elle répondit par des menaces. Dumouriez, alors ministre des affaires étrangères, fit déclarer la guerre, et envahir les Pays-Bas, afin de pousser jusqu'au Rhin: mais nos armées trahies se firent battre par une poignée d'Allemands sous les ordres de Beaulieu (avril 1792). Trois mois après, le duc de Brunswik, parti Les Prusde Coblentz, pénètre en Champagne par ville, à la tête de soixante mille Prussiens et de dix mille émigrés, précédé par un manifeste qui menace de mettre tout à feu et à sang, si l'on ne se soumet sans coup férir. Sa marche se fait d'intelligence avec les ministres de Louis XVI, qui ont dégarni cette frontière pour éparpiller nos forces sur le Rhin et l'Escaut. Mallet-Dupan est l'agent qui combine avec eux la marche des armées coalisées : Bertrand de Molleville, alors ministre de la marine, a eu le courage de se vanter de ce haut fait; l'histoire doit prendre acte de cet aveu.

Thion

Ces armées arrivent effectivement sans résistance jusqu'à Verdun, qui leur ouvre ses portes.

siens entrent en Champa

gne.

Journée du

10 août ; la république est proclamée.

Les Prus

siens sont expulsés.

Toutefois le manifeste du duc de Brunswick produit en France l'effet contraire de celui qu'on espérait : on lui répond par le 10 août; le trône est renversé; un conseil provisoire établi; le roi enfermé au temple; la république proclamée; une Convention nationale convoquée pour donner une charte. Les jacobins, maîtres des élections, nomment à cette nouvelle assemblée leurs plus violents sectateurs. Ces étranges Lycurgue, enfoncés de plus en plus dans l'anarchie et la démagogie, placés entre les armées de l'Europe et l'échafaud, rompirent alors tous les liens de la multitude: l'ordre social fut renversé de fond en comble.

Mais, en échange, un noble amour de la patrie enflamme tous les cœurs généreux. Indignés des menaces d'une poignée de Prussiens, soixante mille volontaires courent en Champagne, où le conseil exécutif provisoire envoie aussi Dumouriez avec l'armée de Sédan, Kellermann avec celle de Metz, Beurnonville avec celle du Nord. Le défilé de l'Argonne, où ces forces se concentrent, devient les Thermopyles de la France. Les Prussiens, qui ont espéré nous tourner, se voient coupés eux-mêmes, et forcés à une retraite honteuse, puisqu'elle se fit presque sans tirer l'épée. Custine, parti de Landau, enlève Mayence derrière eux; il pousse jusque sur la Lahn, et me

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