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Démonstra

Rome.

hostilement, il nous eût mis dans le plus grand embarras. La situation géographique de son royaume, qui lui permettait de déboucher sur la rive droite du Pô toutes les fois qu'il le jugerait convenable, nous empêchait, au contraire, de pousser nos succès jusqu'aux confins de son royaume. Blotti au fond de la péninsule, il pouvait frapper dans les circonstances favorables, et s'enfoncer dans son repaire, aussitôt que nous ferions des démonstrations sérieuses contre lui. Annibal avait fait la guerre dix ans contre l'empire romain, dans le même pays et avec des circonstances bien moins favorables: heureusement ce n'était pas à Naples qu'il fallait, de nos jours, chercher un Annibal.

Après les traités signés avec les rois de Sartions contre daigne et de Naples, nous n'avions plus d'ennemis avoués en Italie que le pape. Si j'avais refusé au Directoire de conduire la moitié de mon armée à Rome, lorsque Naples était encore en guerre, je n'en appréciais pas moins l'avantage que nous pourrions retirer aujourd'hui d'une simple démonstration contre les états de l'Église. Il ne s'agissait plus de morceler l'armée en deux, ni d'en compromettre la moitié sur le Tibre, mais bien de pousser une colonne mobile sur les confins de la marche d'Ancône et de la ramener aussitôt sur le Mincio. Je jugeai donc convenable

de profiter de l'inaction forcée à laquelle je me trouvais réduit pour humilier la majesté de la tiare devant celle de la république. La division Augereau passa le Pô à Borgoforte et se rendit à Bologne ; j'arrivai aussi, le 19 juin, dans cette ville, renommée par les lumières et le caractère de ses citoyens. Peuplée de soixante mille ames, Bologne avait plus d'hommes éclairés qu'aucune ville de l'Italie; on y trouvait à la fois instruction et énergie. Si toute la péninsule lui eût ressemblé, l'Italie serait aujourd'hui une puissance militaire respectable. Je promis à son sénat de lui rendre l'indépendance, la considération et le territoire dont elle avait été dépouillée par les papes. La ville entière était dans l'ivresse. En quinze jours elle organisa des gardes nationales, dont le nombre s'éleva à trois mille hommes, et qui ont souvent rendu des services à l'égal de nos soldats. Ferrare fut également soumise sans coup férir.

Dans le même temps, une colonne partie de Plaisance pénétrait en Toscane. Ces démonstrations consternèrent la cour de Rome. Elle sollicita un armistice, qu'elle obtint le 24 juin, sous la condition de nous céder les légations de Bologne et de Ferrare, et de recevoir garnison dans la citadelle d'Ancône.

Cette pacification ne fut pas le moindre des

Armistice

avec le pape

à Foligno.

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Troubles des fiefs impériaux.

services que je rendis à la France; car je le fis en opposition avec les projets subversifs du Directoire, qui, sans calculer les distances, les forces et les obstacles, voulait à la fois révolutionner Rome, Naples et Florence; comme s'il eût suffi de promener sa bannière tricolore en Italie, avec sept ou huit bataillons, pour y asseoir son empire. Il a fait, trois ans après, avec 120 mille hommes, ce qu'il voulait que je fisse avec 50 mille, et il en a été puni par la perte de toute l'Italie.

L'affaire terminée avec le pape, Augereau put revenir sur l'Adige après avoir châtié les habitants de Lugo et des environs qui, à l'instigation des prêtres, avaient pris les armes contre nous au nombre de 3 à 4 mille.

Quelques troubles avaient également lieu dans les fiefs impériaux enclavés dans les états de Gênes et voisins de cette ville.

Des bandits organisés entre Alexandrie, Novi et la Bocchetta, égorgeaient nos soldats. Quelques prisonniers autrichiens échappés se joignaient à eux. Je chargeai Faypoult d'en demander justice à Gênes, et de faire chasser le résident d'Autriche, marquis de Girola, qu'on soupçonnait être l'agent de cette trame.

Lannes fut envoyé, avec quelques bataillons, qui détruisirent les rebelles et saccagèrent Ar

quata, où ils avaient établi le foyer de la révolte.

de

La présence de nos troupes en Toscane me Occupation fournit l'occasion d'exécuter l'ordre d'occuper Livourne. Livourne. Je le fis avec tant de rapidité et de secret, qu'il s'en fallut à peine de deux heures que nous prissions une cinquantaine de bâtiments chargés dans le port. Si cette capture nous échappa, nous n'en fimes pas moins une très-riche par la saisie de toutes les marchandises et propriétés anglaises. Le grand -duc, ayant observé exactement la neutralité à laquelle il s'était obligé l'année précédente, il n'y avait que l'extrême utilité de cette mesure qui pût la justifier. La position de ce port en face de la Corse, alors occupée par dix mille Anglais, pouvait allumer, sur nos communications, un incendie général, pour peu que le cabinet britannique voulût sérieusement agir au centre de la péninsule. Je laissai garnison à Livourne; mais je traitai le grand-duc avec tous les égards que méritait son noble caractère, son titre de prince de la maison d'Autriche, et celui d'héritier du vertueux Léopold.

Ces expéditions agrandirent le rayon de notre influence intérieure : la reddition du château de Milan, qui eut lieu le 29 juin, acheva de raffer

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Siége de Mantoue.

Grands efforts des Autrichiens

pour

la sauver.

mir les esprits des Lombards en notre faveur. N'ayant rien de mieux à faire, je m'appliquai alors au siége de Mantoue. Les villes que je venais de conquérir me fournirent, pour cette entreprise, une artillerie assez nombreuse, et celle qui avait servi à Milan compléta notre parc. La tranchée fut ouverte le 18 juillet.

La division Serrurier, forte de 10 mille hommes, fut destinée aux travaux du siége. Le reste de mon armée était en observation sur l'Adige jusqu'à la rive occidentale du lac de Garda. La division Augereau, de 8 mille hommes, formait la droite à Legnago; Masséna, avec 15 mille, était au centre à Rivoli et Vérone; le général Sauret, avec 4 mille, composait la gauche à Salo; la réserve, de 6 mille, se trouvait entre la droite et le centre. Dans cette position, je conservais la faculté de réunir, par des mouvements concentriques intérieurs, la totalité de mon armée sur l'une ou l'autre rive du Mincio, selon la manière dont l'ennemi développerait ses forces, qui s'étaient trop accrues pour demeurer plus long-temps dans l'inaction.

Le cabinet de Vienne, justement alarmé de mes progrès, avait résolu d'y mettre un terme, en m'opposant une nouvelle armée et un nouveau général. Le maréchal Wurmser, parti de Manheim avec 20 mille hommes d'élite, rem

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