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sures comperativement insignifiantes, qui même en faisant un certain bien, ne servent qu'à tromper le public.

Soyons justes: avouons que pour un homme qui aime sincèrement son pays, et qui désire la réforme des abus, il doit être pénible de concourir, en certains points, avec un Ministère qui lui paroît moins capable qu'un autre, et qui, en conservant le pouvoir, prive la Nation des services supérieurs d'une administration plus patriotique et plus éclairée.

Mais une autre considération à faire, quoiqu'elle n'échappe que trop à l'esprit de parti, c'est qu'on ne peut juger des hommes que par leurs mesures, et que les mauvaises mesures font seules les mauvais Ministres. Si ceux que vous combattez sont tels que voas les supposez, ils ne tarderont pas à vous fournir des occasions de les combattre sans aucun préjudice à votre sincérité. Si ces occasions légitimes vous manquent, l'imputation d'incapacité ou de malversation paroît être ou fausse ou prématurée:

Si parmi ces mesures, il en est plus de manvaises que de bonnes, l'opinion publique doit tourner nécessairement en votre faveur. Car on ne sauroit douter qu'une mauvaise mesure

ne soit beaucoup plus facile à attaquer qu'une bonne, La mesure proposée par le Ministère est-elle bonne? on ne peut la combattre sans risquer une partie de son crédit. Est-elle mauvaise? non-seulement on ne risque rien à se déclarer contre elle, mais encore on y trouve un bénéfice pur en accroissement d'influence. Si on n'obtient rien immédiatement sur les votes de l'assemblée, on obtient beaucoup en se la rendant plus propice: on ne recueille aucun succès momentané, mais on sème pour le futur; c'est le gain d'un poste d'où l'on combat avec plus d'avantage. Le Ministère, tout victorieux qu'il peut être dans le résultat, sent bien ce qu'il perd dans l'opinion: ses amis se refroidissent, et ses antagonistes prennent courage. Il pourra dire dire, comme Pyrrhus : « encore une victoire comme celle-ci, et nous sommes perdus. >>

En attaquant de bonnes mesures, un parti court le risque ultérieur de contrarier ses propres fins. Il se met dans une espèce d'impuissance de faire lui-même le bien qu'il a repoussé quand il étoit offert par ses ennemis. Vient-il à succéder à son pouvoir? il se trouve embarrassé par ses opinions antérieures, et souvent forcé de se contredire. Il est obligé,

par exemple, de maintenir des modes d'impôt qu'il avoit attaqué, et l'attente du public trompé se tourne en reproches amers auxquels il est difficile de répondre.

Tout bien examiné, la candeur est la plus saine politique, celle qui sert le plus à la longue. Louer uu adversaire quand il le mérite, c'est acquérir un fonds de crédit qu'on peut. faire valoir contre lui quand il se met dans son tort. Les coups feront plus d'impression quand ils ne seront pas portés à l'aventure. On entend souvent dire en Angleterre : « Si l'Opposition étoit à la place du Ministère, elle feroit ce qu'elle blame si le Ministère étoit à la place de l'Opposition, il attaqueroit ce qu'il justifie. » Ce jugement, plus ou moins vrai, se fait comme par instinct; et il est fondé sur ce plan d'attaque personnelle, souvent incompatible avec la bonne foi.

Y a-t-il quelque raison particulière en Angleterre qui nécessite l'existence d'un parti et d'une coopération de ce parti, non contre telle ou telle mesure, mais contre l'administration en général? c'est une question très - curieuse qui ne pourroit se résoudre qu'en examinant si l'influence de la Couronne va trop loin, si le Parlement n'est pas trop indépendant de la

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volonté nationale. Quand on en conclurroit à la nécessité d'un parti, le résultat n'en seroit pas que ce fût là le meilleur régime politique, mais que c'est un remède nécessaire dans l'état actuel des choses. Les observations qu'on a présentées dans ce chapitre n'en seroient pas moins foudées; elles tendroient même à donner à ce parti 'une direction plus juste et plus avantageuse.

Quand on adopte, en système, le plan de guerre personnelle, ou dirige ses attaques non vers ce qui est le plus pernicieux, mais ce qui est le plus impopulaire.

On laisse en repos les grands abus, les mauvaises lois, les institutions défectueuses, parce qu'il y a peu de popularité à espérer de ce genre d'attaque: mais on se jette sur des accidents malheureux, sur de petites transgressions, sur des fautes d'imprudence ou d'ignorance, sur ce qui peut exciter l'antipathie contre des individus.

Un parti est, sous un point de vue, un gardien très-vigilant et très-actif; mais si son principal objet est de succéder au pouvoir, il ne voudra pas diminuer la valeur de la succession. Il aura un intérêt dans le patrimoine des abus, et les regardera d'avance comme le fruit de la victoire.

QUATRIÈME PARTIE.

DÉDUCTIONS GÉNÉRALES,

CAUSES DES SOPHISMES.

Nous avons à indiqué chaque sophisme la

source dont il dérive, c'est-à-dire l'espèce de besoin qui occasionne la demande, la cause qui détermine les uns à l'employer, les autres à le recevoir. Passons maintenant à la recherche des causes générales qui font recourir à ces moyens trompeurs de persuasion, et qui leur donnent de l'ascendant. On peut les ranger Sous quatre chefs.

1. Un intérêt séducteur reconnu pour tel par celui qui s'y abandonne.

2. Des préjugés fondés sur un intérêt qui agit à l'insçu de celui qu'il gouverne. 5. Des préjugés fondés sur l'autorité.

4. La défense de soi-même ou l'utilité supposée du sophisme.

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