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à une espèce d'argument qui doit exclure tout argument spécifique ou qui doit lui être préféré comme faisant par lui-même une base légitime de décision.

Le sophisme est à son plus haut point dans le cas où l'autorité qu'on veut donner comme probante n'est autre que l'opinion d'une classe de personnes qui, par leur état même, sont sous l'influence d'un intérêt séducteur opposé à l'intérêt public. C'est renverser le principe de tous les tribunaux qui permettent de récuser un juge quand il a un intérêt personnel dans la cause.

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Dans toute question concernant la convenance d'une loi ou d'une pratique établie, celui qui veut qu'on se décide sur autorité doit admettre l'une ou l'autre de ces deux propositions, 1. que le principe de l'utilité, c'està-dire l'influence d'un acte sur le bonheur de la génération présente, n'est pas la règle d'après laquelle on doit se gouverner; que la pratique des anciens temps, ou l'opinion de certaines personnes doivent être considérées comme des preuves concluantes qui dispensent de raisonner.

Ou 2.°

S'il admet la première de ces propositions, en qualité d'homme public, il trahit les intérêts du public, il tourne la puissance qu'il a reçue.

contre ceux qui la lui ont donnée, et proúve qu'un intérêt privé l'emporte dans son esprit sur l'intérêt général..

S'il admet la seconde, il se déclare incapable de raisonner, de juger par lui-même, et se met sous la tutelle de ceux qu'il considère comme ses guides. Docilité louable de la part des individus qui, ne pouvant s'instruire, font sagement de s'en rapporter au jugement des plus habiles: mais soumission honteuse et même soumission coupable de la part de ceux qui sont entrés volontairement dans la carrière publique, et qui n'ont qu'à vouloir, pour se procurer toutes. les informations nécessaires.

Celui qui, à l'occasion d'une loi proposée, veut tout référer à l'autorité, ne dissimule pas l'opinion qu'il a de ses auditeurs. Il les croit incapables de former un jugement sur des preuves directes; - et s'ils sont disposés à se soumettre à cette insulte, ne peut-on pas présumer qu'ils en reconnoissent la justice?

Il semble d'abord que cette infériorité avouée devroit avoir pour compagne inséparable la módestie et même l'humilité; mais si on y regarde de plus près, on verra que les plus zélés pour l'autorité d'opinion ont toujours été les plus intolérants. L'arrogance et la servilité ne sont

à une espèce d'argument qui doit exclure tout argument spécifique ou qui doit lui être préféré comme faisant par lui-même une base légitime de décision.

Le sophisme est à son plus haut point dans le cas où l'autorité qu'on veut donner comme probante n'est autre que l'opinion d'une classe de personnes qui, par leur état même, sont sous l'influence d'un intérêt séducteur opposé à l'intérêt public. C'est renverser le principe de tous ·les tribunaux qui permettent de récuser un juge quand il a un intérêt personnel dans la cause.

Dans toute question concernant la convenance d'une loi ou d'une pratique établie, celui qui veut qu'on se décide sur autorité doit admettre l'une ou l'autre de ces deux propositions, 1. que le principe de l'utilité, c'est

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à-dire l'influence d'un acte sur le bonheur de la génération présente, n'est pas la règle d'après laquelle on doit se gouverner; Ou 2.° que la pratique des anciens temps, ou l'opinion de certaines personnes doivent être considérées comme des preuves concluantes qui dispensent de raisonner.

S'il admet la première de ces propositions, en qualité d'homme public, il trahit les intérêts du public, il tourne la puissance qu'il a reçue

contre ceux qui la lui ont donnée, et proúve qu'un intérêt privé l'emporte dans son esprit sur l'intérêt général.

S'il admet la seconde, il se déclare incapable de raisonner, de juger par lui-même, et se met sous la tutelle de ceux qu'il considère comme ses guides. Docilité louable de la part des individus qui, ne pouvant s'instruire, font sagement de s'en rapporter au jugement des plus habiles: mais soumission honteuse et même soumission coupable de la part de ceux qui sont entrés volontairement dans la carrière publique, et qui n'ont qu'à vouloir, pour se procurer toutes. les informations nécessaires.

Celui qui, à l'occasion d'une loi proposée, veut tout référer à l'autorité, ne dissimule pas P'opinion qu'il a de ses auditeurs. Il les croit incapables de former un jugement sur des preuves directes; - et s'ils sont disposés à se soumettre à cette insulte, ne peut-on pas présumer qu'ils en reconnoissent la justice ?

Il semble d'abord que cette infériorité avouée devroit avoir pour compagne inséparable la módestie et même l'humilité; mais si on y regarde de plus près, on verra que les plus zélés pour l'autorité d'opinion ont toujours été les plus intolérants. L'arrogance et la servilité ne sont

penseurs

incompatibles; au consraire, il n'est point de dispositions qui s'accordent mieux ensemble. Celui qui s'humilie devant un supérieur compte bien s'en dédommager par la soumission qu'il impose à d'autres. Ce qu'il veut, c'est d'infuser dans l'esprit des hommes une foiblesse analogue à la foiblesse physique de l'enfance, pour les conduire des lisières. Les par les plus libres, ceux qu'on accuse le plus d'être entêtés de leurs opinions, se montrent, quand ils sont contredits, moins irascibles, moins impatients que ces espèces de dévots politiques qui, ayant renoncé à la faculté de l'examen, ne veulent l'accorder à personne. Selon eux, l'appel à la raison est une témérité odieuse; offrir et demander des arguments, c'est une présomption intolérable.

D'où vient toute cette violence? Uniquement de ce que des Corps intéressés à des abus, ne pouvant les justifier par le principe de l'utilité, ont recours à ce sophisme de l'autorité, qui ne fournit aucun critère pour distinguer clairement le bien du mal, qui prête son appui à tout, aux institutions les plus salutaires comme aux plus pernicieuses, aux meilleures lois comme aux plus nuisibles. Laissez-les parvenir à persuader que l'autorité est le seul guide à suivre en mo

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