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partialité; il ne faifoit grace, ni en faveur des grandes places du mort, ni par la crainte du pouvoir de fes fucceffeurs.

Un citoyen que fon courage, fa générofité, l'élévation de fon ame, avoient rendu l'objet du refpe& & de l'amour de la patrie, fembloit reparoître aux yeux de fes concitoyens ; ils jouiffoient du fouvenir de fes vertus; il vivoit, il agiffoit encore; fa gloire fe gravoit dans tous les efprits; la jeuneffe Romaine frappée de l'exemple, admiroit fon modele; Îes vieillards vertueux goûtoient déjà le fruit de leurs travaux, dans l'efpoir de reparoître à leur tour fous ces traits honorables quand ils auroient ceffé de vivre.

Les hommes indignes de ce nom, & nés pour le malheur de l'efpece humaine, pouvoient être retenus par la crainte d'être un jour expofés fans ménagement à la haine publique, à la vengeance de leurs contemporains, au mépris de la postérité.

Ces perfonnages futiles, dont plufieurs vices, l'ébauche de quelques vertus, l'orgueil extrême, & beaucoup de ridicules, compofent le caractere, connoiffoient d'avance le fort qui les attendoit un jour, par la rifée publique à laquelle ils voyoient expofés leurs femblables.

La fatyre ou l'éloge des morts devenoit ainfi une leçon utile pour les vivans. La Danfe des Archimimes étoit alors dans la morale, ce que l'anatomie eft devenue dans la physique.

§. VI.

Danfe de l'Hymen.

UNE troupe légere de jeunes garçons & de jeunes filles couronnés de

fleurs, exécutoient cette Danfe dans les mariages, & ils exprimoient par leurs figures, leurs pas, & leurs geftes, la joie vive d'une noce. C'est une des Danfes qui étoient gravées, au rapport d'Homere, fur le bouclier d'Achille. Il ne faut pas la confondre avec les Danses nuptiales dont je vais parler; celle-ci n'avoit que des expreffions douces & modeftes. Mais la corruption des mœurs fit dégénérer cette douce modeftie, en une lasciveté des plus licentieufes, fur-tout à Rome, qui prit les vices des Grecs avec leurs arts, & fans perfectionner ceux-ci porta les autres à de plus grands excès.

S. VII.

Danfe nuptiale.

ELLB étoit en ufage à Rome dans toutes les noces : c'étoit la peinture

la plus diffolue de toutes les actions fecretes du mariage. Les Danfes lafcives des Grecs donnerent aux Romains l'idée de celle-ci, & ils furpaffe

rent de beaucoup leurs modeles. La licence de cet exercice fut pouffée fi loin pendant le regne de Tibere, que le Sénat fut forcé de chaffer de Rome par un arrêt folemnel tous les danfeurs & tous les maîtres de Danse.

Le mal étoit trop grand fans doute lorfqu'on y appliqua le remede extrême; il ne fervit qu'à rendre cet exercice plus piquant la jeuneffe Romaine prit la place des danfeurs à gages qu'on avoit chaffés, le peuple imita la nobleffe, & les Sénateurs eux-mêmes n'eurent pas honte de fe livrer à cet indigne exercice. Il n'y eut plus de diftinction fur ce point entre les plus grands noms & la plus vile canaille de Rome. L'Empereur Domitien, enfin, qui n'étoit rien moins que délicat fur les mœurs, fut forcé d'exclure du Sénat, des peres confcripts qui s'étoient avilis jufqu'au point d'exécuter en public ces fortes de Danfes.

S. VIII.

Danfe du premier jour de Mai.

A ROME & dans toute l'Italie, plufieurs troupes de jeunes citoyens des

deux fexes fortoient de la ville au point du jour; elles alloient en danfant au fon des inftrumens champêtres, cueillir dans la campagne des rameaux verds; elles les rapportoient de la même maniere dans la ville, & elles en ornoient les portes des maisons de leurs parens, de leurs amis; & dans la fuite, de quelques perfonnes conftituées en dignité. Ceux-ci les attendoient dans les rues, où on avoit eu le foin de tenir des tables fervies de toutes fortes de mets. Pendant ce jour tous les travaux ceffoient, on ne fongeoit qu'au plaifir. Le peuple, les magiftrats, la nobleffe confondus & réunis par la joie générale, fembloient ne compofer qu'une feule famille; ils étoient tous parés de rameaux naiffans: être fans cette marque diftinctive de la fête, auroit été une espece d'infamie. Il y avoit une forte d'émulation à en avoir des premiers, & delà cette maniere de parler proverbiale en usage encore de nos jours, on ne me prend point fans verd.

Cette fête commencée dès l'aurore & continuée pendant tout le jour, fut par la fucceffion des temps pouffée bien avant dans la nuit. Les Danfes, qui n'étoient d'abord qu'une expreffion naïve de la joie que caufoit le retour du printemps, dégénérerent dans les fuites en des Danfes galantes, & de ce premier pas vers la corruption, elles fe précipiterent avec rapidité dans une licence effrénée. Rome, toute l'Italie étoient plongées alors dans une débauche fi honteufe, que Tibere lui-même en rougit, & cette fête fut folemnellement abolie. Mais elle avoit fait des impreffions trop profondes on eut beau la défendre, après les premiers momens de la promulgation de la loi, on la renouvella, & elle fe répandit dans prefque toute l'Europe. C'eft-là l'origine de ces grands arbres ornés de fleurs, qu'on plante dès l'aurore du premier jour de Mai dans tant de villes, au devant

des maisons de gens en place. Il y a plufieurs endroits où c'eft un droit de charge.

Plufieurs auteurs penfent que c'eft de la Danfe du premier jour de Mai que dériverent enfuite toutes les Danfes baladoires fondées par les peres de l'Eglife, frappées d'anathême par les Papes, abolies par les ordonnances des Rois de France, & févérement condamnées par les arrêts des Parlemens. Quoi qu'il en foit, il eft certain que cette Danfe réunit à la fin tous les différens inconvéniens qui devoient réveiller l'attention des Empereurs & des Magiftrats.

DANTZIC, ou DANTZIG, Ville de la Pruffe Polonoife.

CETTE ville eft dans le palatinat de Pomerellie, fur les rivieres de

Rodaune & de Motlaw avec une fortereffe fur la Viftule à un mille de la mer Baltique. Sa pofition jointe à la bonté de fon port, l'a rendue une des villes les plus commerçantes du Nord. Il s'y fait entr'autres un prodigieux commerce de grains; elle eft par cette raifon extrêmement peuplée, & l'on y compte au-delà de foixante mille habitans; la religion luthérienne eft la dominante; cette ville qui autrefois tenoit un rang diftingué parmi les villes anféatiques, jouit encore aujourd'hui fous la protection des Rois de Pologne,. de privileges & d'immunités confidérables, tels que le droit de battre monnoie, d'affifter par fes députés aux dietes de Pologne, & d'y donner fon fuffrage pour l'élection d'un Roi. La ville eft proprement compofée de deux villes, de la vieille & de la nouvelle, avec quelques fauxbourgs. On y compte douze Eglifes Luthériennes, deux Réformées & fept Catholiques, avec un College de ci-devant Jéfuites & quelques Couvens. Il y a un College ou gymnafe académique Luthérien, qui eft pourvu de fept Profeffeurs & d'un Lecteur en langue Polonoife. Les hôtels de ville de la vieille & de la nouvelle ville, la douane & l'arfenal, quoique d'un goût ancien, méritent qu'on en faffe mention. La ville entretient ordinairement une garnison, & elle pourroit paffer pour forte, fi au feptentrion & au couchant, elle n'étoit commandée par des hauteurs qui la dominent, quoiqu'on n'ait rien négligé pour la défendre de ce côté-là. Comme elle fait en quelque façon partie de la Pologne, elle a participé auffi aux différentes révolutions qu'éprouva ce Royaume.

Impofitions & Droits dans la Ville & le territoire de Dantzic.

ON ne connoit dans la ville & territoire de Dantzic que deux fortes d'Impofitions. La premiere confifte dans une capitation, à laquelle font affujettis depuis 1717, tous les habitans, fans diftinction,

Le total de cette Impofition qui a été réglée pour la ville & le territoire de Dantzic, monte à feptante-cinq mille florins, (le florin de Dantzic vaut vingt-quatre fous monnoie de France.) qui font annuellement portés dans la caiffe de l'adminiftration pour l'entretien des troupes: mais dans la répartition qui s'en fait, on impose beaucoup au-delà de ces feptante-cinq mille florins, & c'eft cet excédent qui entre dans la caiffe de la ville, pour fubvenir à fes charges.

Tous les gens établis & mariés dans la ville & le territoire de Dantzic, paient, fans diftinction d'état, un florin par mois & cinq florins vingt grains par an, dont le produit eft pareillement verfé dans la caiffe de la ville. Les Magiftrats, les Echevins, leurs Secrétaires, les Eccléfiaftiques, les Médecins & les Militaires font exempts de cette contribution.

Indépendamment de ces Impofitions perfonnelles, on perçoit différens droits. 1o. Le droit de douane maritime qui fe leve fur les navires & fur les marchandifes qui entrent & qui fortent; la moitié du produit de ce droit appartient au Souverain en conféquence d'anciens traités.

2o. Le droit de zulage qui fe perçoit fur toutes les marchandises que les négocians ou les bourgeois de la ville expédient, ou qui leur font expédiées par mer; l'objet de ce droit eft de remplacer le montant de ce que le Souverain tire dans le droit de douane.

3o. Les droits d'entrées ou d'accifes, qui fe levent fur toutes les denrées qui entrent dans la ville pour la confommation des habitans.

4o. Enfin la ville de Dantzic poffede des biens patrimoniaux, dont les revenus forment un objet affez considérable.

C'eft avec le produit de ces Impofitions & droits, qui eft fujet à des variations fréquentes fuivant que le commerce eft plus ou moins floriffant, la ville de Dantzic foudoie une garnifon nombreuse, qu'elle entretient que fes fortifications, fes ponts, fes canaux & tous les édifices publics qui font à fa charge.

DATAIRE, f. m.

LE Dataire eft le premier & le plus important des Officiers de la da

terie de Rome, où il a toute autorité. Quand cette commiffion eft remplie par un Cardinal, comme elle eft au deffous de fa dignité, on l'appelle Pro-dataire, c'eft-à-dire, qui eft au lieu du Dataire.

Cet Officier représente la perfonne du Pape pour la diftribution de toutes les graces bénéficiales & de tout ce qui y a rapport, comme les difpenfes & autres actes femblables.

Ce n'eft pas lui qui accorde les graces de fon chef; tout ce qu'il fait relativement à fon office, eft réputé fait par le Pape.

C'est

C'eft lui pareillement qui examine les fuppliques & les graces avant de les porter au Pape.

Son pouvoir dans ces matieres eft beaucoup plus grand que celui des révifeurs; car il peut ajouter ou diminuer ce que bon lui femble dans les fuppliques, même les déchirer, s'il ne les trouve pas convenables,

C'est lui qui fait la diftinction des matieres contenues dans les fuppliques qui lui font préfentées; c'eft lui qui les renvoie où il appartient, c'est-àdire, à la signature de justice ou ailleurs, s'il juge que le Pape ne doive pas en connoitre dire&ement.

Le Dataire ou le Sous-dataire, ou tous deux conjointement, portent les fuppliques au Pape pour les figner. Le Dataire fait enfuite l'extenfion de toutes les dates des fuppliques qui font fignées par le Pape.

Il ne fe mêle point des bénéfices confiftoriaux, tels que les abbayes confiftoriales, à moins qu'on ne les expédie par daterie & par chambre ni des Evêchés, auxquels le Pape pourvoit de vive voix en plein confiftoire. Le Sous-dataire, qui n'eft auffi que par commiffion, n'eft point un Offieier dépendant du Dataire; c'eft un Prélat de la Cour Romaine choifi & député par le Pape.

Il est établi pour affifter ordinairement le Dataire, lorsque celui-ci les fuppliques au Pape pour les figner.

porte

Sa principale fonction eft d'extraire les fommaires du contenu aux fuppliques importantes, qui font quelquefois écrites de la main de cette Officier ou de fon fubftitut; mais ce fommaire au bas de la fupplique eft prefque toujours écrit de la main du banquier ou de fon commis, & figné du Sous-dataire qui enregiftre le fommaire, fur-tout quand la fupplique contient quelqu'abfolution, difpenfes ou autres graces qu'il faut obtenir du Pape.

Le Sons-dataire marque au bas de la fupplique les difficultés que le Pape y a trouvées; par exemple, quand il met cum fanctiffimo, cela lignifie qu'il en faut conférer avec fa Sainteté.

Lorsqu'il s'agit de quelque matiere qui eft de nature à être renvoyée à quelque congregation, comme à celle des réguliers, des rites, des Evêques & autres, que le Pape n'a point coutume d'accorder fans leur approbation, le Sous-dataire met ces mots, ad congregationem regularium, ou autres, felon la matiere.

Quand l'affaire a été examinée dans la congrégation établie à cet effet, le billet contenant la réponse & la fupplique, font rapportés au Sous-dataire pour les faire figner au Pape.

Si le Pape refuse d'accorder la grace qui étoit demandée, le Sous-dataire* répond au bas de la fupplique, nihil, ou bien non placet fanctiffimo.

La fonction du Sous-daraire ne s'étend pas fur les vacances par mort des pays d'obédience, lefquelles appartiennent au Dataire per obitum.

Tome XV.

T

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