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cœur. Ainfi le Comte de Chefterfield, Ambaffadeur Extraordinaire & Plénipotentiaire de Sa Majefté Britannique, & les Députez de Leurs HautesPuiffances ont trouvé néceffaire de repréfenter conjointement, fuivant les ordres qu'ils en ont, les fentimens unanimes de Sa Majefté Britannique & des Etats-Généraux fur ce fujet, au Sieur Greys, résident de Sa Majesté de Danemarc, en lui remettant pour cet effet ce mémoire, afin qu'il veuille l'envoyer au Roi fon Maître, & le feconder par fes bons offices. «<

Il n'y eut plus d'autre explication fur ce fujet ni de part ni d'autre. Le projet de la Compagnie tomba de foi-même faute de foufcrivans, & les intérêts de cette Compagnie redevinrent une affaire domeftique, dont le Roi abandonna tout le foin au Prince Royal.

§. VI.

Des Impofitions en Danemarc & en Norwege.

LES Impofitions s'y divisent en deux claffes, favoir, les Impofitions ter

ritoriales & perfonnelles, & celles fur les confommations.

LE

Impofitions territoriales & perfonnelles.

pays eft cadaftré, & ces cadaftres ont été réformés en 1681 & 1682; ils contiennent l'énumération des biens des Royaumes de Danemarc & de Norwege; mais fans estimation, autre que celle de la qualité plus ou moins bonne des terres.

Cette énumération eft faite fous le nom de Tonneau de Hartkorn, dont la mesure n'est pas la même par-tout. En général on eftime dans la plus grande partie du Danemarc, & finguliérement en Jutland, que la quantité de terrein néceffaire pour femer un tonneau de blé, froment, feigle ou d'orge, du poids de huit cents vingt-quatre livres (ce qui revient à trois fetiers cinq douziemes, mefure de France, de deux cents quarante livres de marc, confifte dans quatorze mille aunes quarrées, de deux pieds de long chaque aune, mesure de Danemarc ou du Rhin, le pied de quatre lignes & demi plus court que celui de France, & c'eft en parlant de cette fixation, que vingt-huit mille aunes quarrées de bonne terre, capables de recevoir deux tonneaux de femences font prifes pour un tonneau de Hartkorn en Jutland on divife les terres en fix qualités.

Le tonneau de Hartkorn, de la premiere qualité, eft de vingt-huit mille aunes quarrées, revenant à trois arpens quatre cents onze toifes quarrées, mesure de France.

Celui de la feconde eft de cinquante-fix mille aunes, revenant à fix arpens huit cents vingt-deux toifes.

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Celui de la troifieme eft de quatre-vingt quatre mille aûnes, revenant à dix arpens trois cents trente-trois toifes.

Celui de la quatrieme eft de cent vingt-fix mille aunes, revenant à quinze arpens cinq cents toifes.

Celui de la cinquieme eft de cent foixante-huit mille aures, revenant à vingt arpens fix cents foixante-fix toifes.

Et celui de la fixieme eft de deux cents vingt-quatre mille aunes, revenant à vingt-fept arpens quatre cents quatre-vingt-huit toifes.

Telles font les différentes mefures connues en Jutland, tandis que dans les Illes de Zélande, Fionie & Laland on divife les terres en quatre efpeces principales, & on fubdivife chacune de ces quatre especes en quatre autres, ce qui fait feize efpeces différentes; enforte qu'un tonneau de Hartkorn eft compofé de 28 mille, 34 mille, 35 mille, 37 mille, 42 mille, 46 mille, 56 mille, 63 mille, 70 mille, 84 mille, 93 mille, 112 mille, 126 mille, 140 mille, & 160 mille aunes quarrées.

Les tonneaux de Hartkorn, compofés feulement des terres labourables & de prés, font chargés, depuis très-long-temps, de deux rixdales quatre marcs par tonneau; ce qui, à quatre livres dix fous la rixdale & à quinze fous le marc, fait douze livres monnoie de France; & les tonneaux compofés de bois, moulins, droits de pêche, ne paient qu'une rixdale quatre marcs & dix fchellings ou fous Danois, peu différens de ceux de France en valeur.

Les Comtés ont été établis en Danemarc par Chrétien V, en 1671. Les Comtes font exempts de toutes impofitions (excepté celles pour la dot des Princeffes) fur trois cents tonneaux de Hartkorn, c'eft-à-dire qu'ils perçoivent fur leurs paysans la taxe annuelle des contributions fur trois cents tonneaux, & le Comté retourne au Roi, en cas que les héritiers du Comte, appellé au Comté, viennent à manquer. Les fonds d'une Comté font de deux mille cinq cents tonneaux, dans les quatre lieues d'enceinte du château feigneurial. On eftime l'impofition à trois rixdales par tonneau; ainfi l'exemption des Comtés eft de neuf cents rixdales par an.

La Baronnie eft de mille tonneaux de Hartkorn, & l'exemption eft fur

cent tonneaux.

Les Nobles & propriétaires des fonds, jouiffant des privileges de la Noblesse, doivent avoir une maison feigneuriale, & deux cents tonneaux de Hartkorn en payfans: alors leurs fonds de trente, quarante & même cinquante tonneaux font exempts des contributions ordinaires, & de la dixme due au Roi, à l'Eglife & aux Curés les payfans qui tiennent du Seigneur les deux cents tonneaux & plus, doivent payer; & s'ils deviennent infolvables, le Seigneur eft obligé de payer pour eux, ce qui l'oblige de veiller à la conduite & administration de ces payfans, & de les aider dans leurs

befoins.

Il n'y avoit que les Nobles autrefois qui puffent pofféder les maifons &

terres feigneuriales; mais aujourd'hui elles peuvent être poffédées par des roturiers, excepté qu'ils ont befoin d'être anoblis, ou d'avoir brevet ou caractere de confeiller de juftice, de chancellerie, de commerce ou de fecrétaire de l'une de ces claffes, pour jouir des droits de chaffe & de patronages aux cures; mais ces brevets font très-communs & faciles à obtenir. Les payfans font divifés en cinq claffes, la premiere des francs ou libres qui poffedent leurs biens en propres, & en paient les contributions au Roi, fans dépendance d'autres Seigneurs.

La feconde, de payfans propriétaires de leurs maifons; mais dont les terres dépendent du Seigneur, auquel ils paient leurs redevances; leurs maifons paffent toujours à un feul de leurs enfans qu'ils choififfent. Ils peuvent fe fervir des bois qui font dans leurs fonds & pêcher avec modération dans leurs lacs: ils font exempts des fervitudes & des corvées : la pauvreté & le défaut d'économie les font fouvent retomber dans les claffes inférieures.

La troisieme claffe eft celle des payfans ordinaires, dont les maisons & terres appartiennent au Seigneur fous une preftation annuelle. Leurs héritiers ne leur fuccedent pas, fi ce n'eft que la veuve en jouit fa vie durante ; après la mort le Seigneur en difpofe; outre l'impofition au profit du Roi, que paient les payfans de cette troifieme claffe, ils paient au Seigneur une fomme annuelle pour le rachat des corvées; & tant qu'ils paient leurs impofitions & redevances, & entretiennent leurs bâtimens, le Seigneur ne peut pas les dépofféder pendant leur vie.

La quatrieme claffe eft celle des payfans à corvées qui, femblables en tout aux précédens, sont en outre tenus de travailler une journée par semaine pour leurs Seigneurs, qui en exigent fouvent deux ou trois au lieu

d'une.

La cinquieme claffe eft celle des payfans qui ne poffedent rien, louent une petite maifon avec un jardin ou une portion de terre, mais fans grange ni écurie. Ils rendent un prix de loyer, & ils doivent un jour de corvée par semaine. Ils font fouvent plus à leur aife que ceux de la précédente claffe, par leur travail & leur industrie.

Les biens appartenans aux villes ne paient que les dixmes.

Les terres affignées aux Miniftres pour leur fubfiftance, depuis cinq jufqu'à douze tonneaux, font exemptes des contributions extraordinaires, ainsi que celles affignées aux chantres des églifes, qu'on appelle Diacres ; celles poffédées par les officiers de juftice dans les provinces, qui exercent leurs fonctions fans appointemens, & enfin les bois & les moulins ne font ordinairement impofés qu'aux deux tiers.

La dixme fe leve fur tous les grains & fur toutes efpeces des bêtes & beftiaux; elle eft divifée en trois parts, un tiers à l'Eglife, un tiers au Roi, & un tiers au Curé ou Miniftre.

Telles font les notions préliminaires qui étoient indifpenfables pour faifir

la forme

la forme de l'imposition territoriale dans les pays de Danemarc & de Norwege.

Les anciennes impofitions font:

1. Celle fur les grains de la récolte, qui fe payoit partie en argent & partie en grains, & toute en argent par une ordonnance de 1764, & qui revient à quatre marcks douze fchellings par tonneau & fe nomme

Kornskat.

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2o. La taxe du cadaftre de neuf marcks par tonneau, fe nomme Mahikul-skat : elle esft payable par quartier.

3o. Celle pour l'entretien de la cavalerie, d'un marck huit schellings, fe nomme Ritter-skat.

4°. Celle pour la fourniture du bœuf & du lard destiné pour la marine de douze fchellings par tonneau, fe nomme Oxe-oyfterke-skat.

Les quatre reviennent à deux rixdales quatre marcks, & le tout a été ainfi fixé par une ordonnance du 29 Novembre 1746, jufqu'à ce qu'il

en foit autrement ordonné.

Il y avoit en outre l'impôt fur les familles ou capitation, confiftant en une fomme par tête d'homme, de femme, d'enfant, au-deffus de douze ans, & de chevaux, & la répartition fe faifoit par les Officiers du Roi fur certaines perfonnes, & par les Curés fur d'autres mais le Roi l'a abandonné par une ordonnance de 1760, qui en a fupprimé la ferme, a mis l'impôt en régie, a abandonné fes droits aux propriétaires de terres & autres ayant des poffeffions, & a augmenté l'impofition fur le tonneau de hartkorn, dans une proportion qu'on ne peut faire fentir que par l'exemple d'un propriétaire de cent tonneaux, qui paient pour les quatorze premiers une rixdale deux marcks, de quinze à vingt en outre, une rixdale; de vingt-un à trente, cinq marcks; de trente-un à quarante, quatre marcks; de quarante-un à cinquante, trois marcks; de cinquante-un à foixante, deux marcks; de foixante-un & au-deffus, un marck; plus un rixdale par écurie & en conféquence de ce paiement les Seigneurs & propriétaires font exempts de capitation, & en outre autorisés à lever l'impofition à leur profit, fur leurs domeftiques & fur les gens de leurs maifons, & fur tous les gens de leur dépendance qui y font contribuables, pour lesquels ils paient à proportion le nouvel impôt. Les payfans propriétaires paient auffi une impofition par tonneau de hartkorn au lieu de la capitation. Les artifans continuent de la payer, ainfi que les payfans du Roi dont on va parler, en obfervant qu'il eft fenfible que par ce moyen l'impofition de la capitation eft devenue réelle en 1750.

Les payfans du Roi, font ceux qui tiennent les terres du Roi & qui paient à ces receveurs ; ils font dans le rang des différentes claffes dont on a parlé ci-deffus.

Les Baillifs qui ont à-peu-près la même autorité que les Intendans en France, & qui font choisis dans la noblesse & pris dans l'état civil, doiTome XV.

R

vent protéger les payfans & tenir la balance entre le cultivateur & le receveur, qui ne peut pas procéder à l'exécution des débiteurs fans le confentement du Baillif, lequel ne doit y confentir que quand le paysan, par mauvaise volonté ou par fa mauvaise adminiftration, mérite cette rigueur. On fent bien que ceci ne regarde que les payfans du Roi & ceux qui font de la premiere & de la feconde claffe; car à l'égard des autres, les Seigneurs font obligés de payer pour eux, ce qui les oblige à une administra tion prudente, & met les payfans à l'abri des violences des receveurs.

Il y a auffi un impôt établi anciennement fur les mariages; il eft plus ou moins fort fuivant l'état des contractans, & le Miniftre ne peut pas fous peine d'une amende confidérable, célébrer un mariage qu'en lui juftifiant de la quittance du prépofé.

La douane ou accife qui eft l'impôt fur les confommations, fera traitée plus bas; on dira feulement ici en paffant, qu'outre cet impôt on en perçoit un fut les cartes à jouer, au profit de l'hôpital établi à Copenhague, pour trois cents malades; & que les actes notariés doivent être écrits fur du papier timbré, fur lequel on paie un impôt plus ou moins fort, fuivant la valeur plus ou moins considérable de l'objet fur lequel on contra&te; ce qui renferme en même-temps les droits établis en France, de contrôle, infinuation, centieme denier, & celui du papier ou parchemin timbré, nommé Formule.

Il y a eu un nouvel impôt, établi en 1762, pour payer les arrérages & capitaux de l'Etat, & il l'eft en forme de capitation; le produit se verse dans une caiffe particuliere établie pour cet objet; il eft confidérable.

La maniere de lever l'impofition territoriale, dans le Danemarc & la Norwege, eft bien fimple. Le régiffeur des fonds d'une terre du Roi, appellé Lamph-forvalter, eft en même temps receveur des impôts réels fur toutes les terres d'un bailliage, & de toutes les autres impofitions qui peuvent furvenir.

Le Forvalter eft le receveur d'un diftrict feulement faifant partie d'un bailliage.

Le Régimens-skriver eft le receveur d'un diftrict, dont le produit étoit originairement deftiné à l'entretien de la cavalerie.

Le tout compose quarante-huit receveurs-généraux de bailliages & dixfept receveurs de diftricts. Ils ont trois, quatre, ou cinq cents rixdales d'appointemens fuivant que leur adminiftration eft plus ou moins étendue, & leurs appointemens vont aux environs de vingt mille rixdales, ce qui fait environ nonante mille livres monnoie de France, fuivant l'évaluation faite ci-deffus.

Ces receveurs avoient doublé leurs appointemens au moyen de deux abus, le premier en ce qu ce qu'étant chargés de marquer dans les bois du Roi & dans ceux des Seigneurs, les bois qu'on peut accorder aux payfans pour leur chauffage, conftruction & réparation de leurs maifons, fabrica

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