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de fa nullité dans le commerce. M. Levefque avoit affuré que la Ruffie n'avoit point une Hiftoire numifmatique, M. le Clerc lui a répondu par des faits contraires. Il a fait imprimer en Latin certe Hiftoire, telle que les Ruffes la connoiffoient: en général ces monnoies font peu variées; & il s'eft écoulé bien du temps avant qu'un infipide blafon les ait armoiriées. Le plus grand nombre repréfente des hommes à cheva!, des Arbalêrriers à pied, & ces animaux fymboles de force, d'audace, de fidélité, de vigilance ou de célérité. Quelques unes préfentent deux hommes embraffant l'arbre de la paix, ou fe tenant en figne d'amitié. Il en eft qui portent l'effigie des Empereurs; celles qui font armoiriées portent l'aigle au vol abaiffé, qui eft en général le fupport des écus des Maisons nobles & anciennes du Nord. Nous ferions curieux de favoir quelle eft l'origine de ces fupports. Toutes les fois que nous aurons à revenir fur le travail, fur les foins & fur les recherches de M. le Clerc, nous lui donnerons volontiers des éloges mérités.

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Le fecond Volume de l'Hiftoire Moderne commence la dynaftie des Romanof en 1510. Nous emprunterons les expreffions de l'Auteur. Rouvik & fes defcendans avoient oublié que le devoir de conferver les peuples fait le droit des Souverains, & que la Loi ne les conferve plus » dès qu'elle eft faite pour des efclaves. La Loi n'eft rien fi elle ne commande pas à

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> tous; fi elle ne protège pas les propriétés perfonnelles & foncières. La dynastie des "Romanof préfentera un autre tableau. Les Chefs de l'État en protégeront les différens ordres, & la Loi fera un glaive qui promenera indiftinctement fur toutes les têtes, & qui abattra tout ce qui ofera » s'élever au-deffus d'elle. L'agriculture, les » arts, le commerce & quelques Sciences » naîtront à l'ombre du trône fur lequel

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régnera la justice diftributive. Ils écarte»ront peu à peu l'oifiveté, l'ignorance, le fanatifme, l'antipathie de nation, & la barbarie; des Princes, qui connoîtront » mieux le prix des hommes, s'occuperont » du bonheur de tous, parce qu'ils fenti»ront que le bonheur des Princes eft le

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réfultat de toutes les felicités particulières. Mais la marche du bien eft lente & épineufe, comme celle de la vérité qui apprend à le faire. La dynaftie des Ro» manof aura befoin de dix règnes, & peutêrre plus, pour marcher

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à pas pas dans la carrière qui y conduit. Le troisième » volunie (c'eft le deuxième de l'Hiftoire » Moderne) de l'Hiftoire des Princes de Ruffie, en fournira la preuve. Il comprend un espace de 170 ans. Ce volume. » dit M. le Clerc, dédommagera peut-être le Lecteur des règnes fcandaleux qu'il » vient de parcourir avec nous, & dont » nous étions pour le moins auffi las que » lui. »

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M. le Clerc rend juftice à Voltaire ; & enfin il étoit temps qu'on sût que cet Écrivain célèbre n'a point imaginé le Roman de Pierre Ier, ainfi que l'en avoient accufé des Critiques de mauvaise foi. M. le Clerctranfcrit fouvent les expreffions de Voltaire, & le cite volontiers en preuves. Il faut lire M. le Clerc & Voltaire fi l'on veut connoître parfaitement le Législateur de la Ruffie. Quels pas de géant Pierre Ir a fait faire à sa Nation! Quelles diftances il a franchies! combien d'obftacles il a furmontés! D'un faut les Ruffes fe font prefque trouvés au même point où des fiècles avoient amené avec peine les autres puiffances. Que ne peat point un grand Homme fur le trône ! Pierre a tout vaincu, fes ennemis & fes fujets. La chaîne de fes travaux eft immenfe. On rencontre toujours le Créateur, jamais le Monarque oifif. Il n'a connu que les foucis du trône, il n'a fenti que les jouiffançes du génie. Il fut cruel, il dut l'être. Il par donna trop peu, peut-être ne put-il pas être plus clément. Sa conduite eft une leçon éternelle laiffée à tous les Souverains, fi l'on veut en retrancher le fupplice des dix mille morceaux, les coups de doubine, le defpotifme avec lequel il vouloit qu'on reçût fes innovations, & la mort de fon fils, qu'il regretta toute la vie, & au souvenir duquel il fit frapper une médaille, avec cette infcription: En mémoire d'une douleur i nconnue Ce fils étoit incapable de réguer, Tous le

foins que Pierre Ier donna à fon éducation furent perdus. Son bouffon lui préfenta un jour un papier plié, en lui difant: homme de génie, efface ce pli, fi tu le peux; allufion au méchant naturel d'Alexis. Alexis haïffoit fon père. Les Prêtres entretenoient cette haine. Il s'accufa d'avoir fouhaité la mort du Czar; fon Confeffeur lui répondit, Dieu vous le pardonnera, nous lui en fouhaitons tous autant. Comment Pierre Ier avoit il encouru l'animadverfion des Prêtres ? Il avoit anéanti la dignité patriarchale, il avoit attribué au trône le droit de préfider le Clergé. Comment avoir il irrité les nobles? Il avoit créé une Inquifition d'État, fous le nom de Chancellerie fecrette, pour prévenir les fréquentes rébellions; il avoit forcé la haute Nobleffe à fervir fous les Gentilshommes, en raifon des grades militaires. Il avoit contraint les nobles qui auparavant refufoient de fervir, de se faire dénombrer par le Magiftrat, & d'entrer au Service à dix ans ; il avoit donné plus de diftin&tions aux grades mérités qu'à la naiffance. On l'avoit vû affifter au convoi de le Fort, une pique à la main, marchant après les Capitaines, au rang de Lieutenant, qu'il avoit pris dans le grand Régiment de ce Général. Après la bataille navale d'Angoult, il vint lui-même rendre compte de la victoire, en habit d'Officier de Marine, au Général Romodanoski. Les grands Seigneurs s'étoient adonnés au commerce, & accaparoient tout. Il ne ref

toit rien aux roturiers, qui étoient foulés; le Czar en condamna quelques uns à être pendus, & commua la peine en un châtiment de coups de doubine, qui leur furent diftribués dans l'intérieur de fon palais. La juftice étoit vénale; il avoit déplu aux Magiftrats par fa févérité. Il difoit fouvent, en les menaçant, quels biens ne peut pas faire un Prince à fes Sujets, en achetant feuleinent pour un rouble de cordes. Il avoit défendu à tout homme en place de recevoir des préfens. Tels étoient les motifs de la haine qu'on portoit à ce grand Homme Le peuple ne lui párdonnoit point d'avoir fait couper la barbe, & raccourcir les habits. Fatigué de menacer, Pierre I avoit pris le parti de mettre un impôt fur la barbe & fur les longs habits. On improuvoit les réglemens qu'il avoit faits pour l'inftitution des fêtes de fociété, inftitution ingénieufe digne des beaux jours de la Grèce, & le feul moyen peut être de jeter le germe des mœurs douces, & d'une civilifation remplie d'urbanité. Les Anti réformateurs fe liguèrent avec la Princeffe Sophie, qui dut le grand nombre de fes conjurés à l'amour de la barbe & des longs habits. Les voyages du Czar avoient été condamnés par les premiers Ordres de l'Etat. Les Prêtres s'étoient appuyés de l'autorité des Livres Saints, & difoient: nous fommes bien comine nous fommes, & nous ne voulons pas être mieux que nos pères. Quand l'ignorance s'exprime de la

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