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d'immortalités à enregistrer, que quelques oublis en pareil cas feroient bien excufables.

En général, ce Volume ne nous paroît pas inférieur à celui des années précédentes. On peut comparer ce Recueil à un vaiffeau qui porte les pacotilles poétiques de l'année; il y a bien dans l'équipage quelques réformes à faire, quelques obftacles à une bonne navigation, mais qui ne l'empêchent pas d'artiver au port; & s'il a perdu de bons Capitaines, tels que Voltaire, &c. ces Capitaines ont laiffé de bons Lieutenans, qui, co-héritiers de leurs talens précieux, peuvent bientôt dire d'eux-mêmes ce que Pom pée, dans Corneille, dit de Sertorius:

De pareils Lieutenans n'ont des Chefs qu'en idée.

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Ajoutons, pour terminer & completter cette analyse, qu'il y a auffi des Pièces de nous, Auteur de cet article; nous dirons qu'il y en a beaucoup, & nous laifferens difcrètement à d'autres le foin de dire, ce que nous penfons, qu'il y en a trop.

(Cet Article eft de M. Imbert, )

HISTOIRE de Ruffie, Tomes II & III in 4°. par M. le Clerc. A Paris, chez Froullé, Libraire, Pont Notre Dame, vis-à-vis le Quai de Gêvres; à Versailles, chez Blaizot, Libraire, rue Satory. Ouvrage propofé par Soufcription.

Nous avons rendu compte, dans le Mercure du 1 Octobre dernier, du premier volume de l'Hiftoire Ancienne & du premier volume de l'Hiftoire Moderne de la Ruffie, par M. le Clerc. Nous avons dit de quelle manière cet Ouvrage avoit été conçu & s'exécutoit. Nous en avons dit affez pour faire fentir l'importance de l'Hiftoire, le mérite & les défauts de l'Hiftorien. Nous aurons quelques obfervations à faire fur ces deux nouveaux volumes. Qu'on ne s'attende point à nous voir appefantir la critique fur un genre de travail qui doit être refpecté. Des dépenfes, des recherches pénibles, un temps confidérable, de bonnes vûes, de la candeur, l'amour de la vérité, voilà ce qui doit réconcilier la Critique avec l'Hiftorien. Autrement, qui oferoit le dévouer à un travail long temps obfcur & prefque toujours rebutant, s'il ne pouvoit compter fur un peu d'indulgence? M. le Clerc a dû nous trouver circonfpect. En conféquence nous lui reprocherons de ménager trop peu M. Levefque. La rivalité ne permet pas la fatyre. La vérité n'a pas befoin de cet aiguillon; elle perfuade

fans déchirer. Aux yeux de la postérité, la meilleure des Hiftoires n'eft pas celle qui eft la mieux écrite, c'eft celle qui eft la plus vraie. Sans doute M. le Clerc peut craindre qu'on ne puiffe pas prononcer avec équité fur fon Hiftoire, parce que la Ruffie nous eft très peu connue, & que des fables pourroient, à certains égards, paffer pour des vérités. A cela, que peuvent fes déclamations? Rien. Il faut attendre tout du temps, fe refpecter & fe taire. M. le Clerc apporte affez de preuves pour mériter la confiance. Le ton de bonne foi qui règne dans les narrations défarmeroit le pirrhonifie le plus décidé. C'eft maintenant au temps à lui donner cette fanction qui conftitue l'authenticité hiftorique.

Le fecond Volume de l'Hiftoire Ancienne commence en 12,5. Nous invitons nos Lecteurs à parcourir attentivement ce volumes depuis l'année 1462. Ils verront à quelle dif. tance la Ruffie étoit des autres Nations, & quelles reffemblances elle avoit avec la Suède & la Pologne. Ses guerres civiles, fes intérêts politiques, les ufurpations continuelles, le caractère des Ruffes, l'opiniâtreté des Tatars offrent des tableaux variés, affreux, qu'il importe de méditer. Quelques vertus fauvages le montrèrent par intervalles fur ce trône mal affermi. Le befoin d'une civilifation générale enfanta quelques Loix fages; des Rois s'occupèrent de la Légiflation; mais tien n'annonce une fuite de vûes,

ni cette administration invariable, qui est lë réfultat des calculs d'un peuple inftruit & civilifé. Le feul trait de rapprochement qu'on trouve entre les Ruffes & les autres Nations, c'est la trop grande puiffance que le Clergé avoit alors, & la fuperftition terrible qui tourmentoit l'opinion. Ces excès ne contribuèrent pas peu aux maffacres, aux vio-, lences qui fouillent les annales de la Ruffie.

Avant de paffer au fecond volume de l'Histoire Moderne, nous nous permettrons quelques obfervations fur le ftyle de M. le C'erc. Nous lui avions reproché avec ménagement le goût des métaphores, les fréquentes comparaifons, & des citations déplacées. Par exemple, ne pouvoit il pas dire autrement ceci. «L'Hiftorien recevoit la plu»me des mains de la reconnoiffance. La

force qui a toujours été le fléau du droit " naturel. Un trône placé dans la région

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des orages. Celui qui a tort dit ordi»nairement à celui qui a droit, fi ce n'eft » pas toi qui as troublé l'eau, c'est donc » ton père. La poffeffion du trône vacant par la mort de Demitri, va donner à André un air de Prince légitime. Ce ne furent point les Tatars qui mirent un col. lier de force aux Princes Ruffes. La "guerre purge les humeurs vicieufes des » corps politiques, qui par leur fejour pro» duifent des fermentations orageufes. » Lorfque tout le monde eft content, tout le monde fe croit Prince; mais dans l'af

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»fliction,

fliction, tout le monde cherche un Prince. Ivan étoit né bon. Le difcours tou» chant d'Anastasie fut un trait de lumière

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qui rendit le Czar à lui-même. Les bouf» fons, les flatteurs, les roués ou les roua»bles furent chaffés de la Cour. »

Il eft inutile d'aller plus loin. M. le Clerc peut faire difparoître de femblables taches. Il a certainement le ton d'un homme qui écrit fes mémoires; nous voudrions qu'il prît plus fouvent celui de l'Hiftoire, qui permet quelquefois à l'éloquence de venir à fon fecours. Nous lui confeillons de rejeter ces maximes triviales & ces longues réflexions qui précèdent & terminent chaque fection. Ce n'eft pas le trop dire qui perfuade, c'eft le bien dire; & pour cela, il ne faut être ni verbeux ni trivial.

Ce Volume eft terminé par une Hiftoire numifmatique qui étoit très-néceffaire, & qui paroît exacte.Les premières monnoies que M. le Clerc nous fait connoître dans ce volume, font de l'an 1398; les dernières de l'an 1610. Elles font toutes figurées avec beaucoup de netteté fur des planches que le Lecteur confultera avec plaifir. Cinq cent trente fix ans s'étoient paffés depuis Rourie jufqu'à Ivonovitz, avant qu'on eût fongé à battre monnoie. M. le Clerc compare à cette occafion les Ruffes aux Romains, qui ne frappèrent des monnoies que cinq cent ans après la fondation de Rome. Il auroit pu ajouter que c'étoit à coup sûr une preuve No. 24, 12 Juin 17841 D

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